Chine: un modèle de croissance obsolète

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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La réponse en cas de crise économique passait autrefois par un plan de stimulation du crédit. Ce genre de mesure n’est plus adapté.

©Keystone

Face à une croissance économique qui ralentit structurellement, les autorités chinoises sont partagées entre des objectifs en partie contradictoires, contradiction par exemple entre le court et le moyen terme ou selon les échelons de gouvernement. Le modèle de croissance qu’a suivi la Chine ces dernières décennies est manifestement obsolète, mais il n’y a pas à ce stade de modèle de remplacement.

La levée complète des restrictions sanitaires à la fin 2022 a encouragé pendant quelques mois un rebond de la demande en Chine, mais depuis le début du printemps la reprise s’est essoufflée. Au plan interne, en dehors des secteurs les plus exposés à la réouverture, la confiance fait défaut. Trois années de perturbations covidiennes ne s’oublient pas d’un coup. Aux incertitudes cycliques s’ajoute le problème systémique du secteur immobilier. Au plan externe, le commerce mondial est poussif et les frictions avec les Etats-Unis restent fortes. L’objectif de croissance (peu ambitieux) de 5% en 2023 reste jouable mais les perspectives de moyen terme sont certainement inférieures.

Quand le bâtiment ne va pas, rien ne va

La Chine est le pays ayant maintenu le plus longtemps les restrictions sanitaires les plus sévères, entravant la mobilité des agents et perturbant les chaines de production. Les conséquences économiques ont été lourdes et ne sont pas toutes surmontées à ce jour. En 2022, le taux de croissance du PIB réel est tombé à 3%, un record de faiblesse de plus de quarante ans (en dehors du choc pandémique de 2020). Pour la Chine, c’était presque le synonyme de récession. Le marché du travail a vu se creuser l’écart d’appariement entre l’offre et la demande, ce qu’illustre l’envolée du taux de chômage des jeunes (21,3% en juin 2023 vs 12% en 2019).

Après un sursaut en début d’année, les indices de climat des affaires se sont affaissés ces derniers mois.

Signe du manque d’allant de la demande domestique et/ou des excès d’inventaires, il, y a des forces déflationnistes qui montent. En juin, le taux d’inflation annuel est tombé à zéro et les prix à la production ont reculé de 5,4% sur un an, un rythme inégalé depuis la «récession mandchourienne» de 2015. Après un sursaut en début d’année, les indices de climat des affaires se sont affaissés ces derniers mois. En conséquence, les perspectives de croissance du PIB et d’inflation ont été révisées à la baisse et, compte tenu des dernières statistiques parues, il est probable qu’elles le soient davantage.

Durant ces trois années de Covid sont survenues des changements profonds touchant le système économique, le système politique et les relations internationales. En août 2020, les autorités ont introduit «trois lignes rouges» afin de limiter l’endettement des promoteurs immobiliers. Un an plus tard, le géant Evergrande chutait et le secteur de la construction entrait dans une phase de correction profonde. Dans le même temps, le contrôle des entreprises opérant dans le secteur technologique était renforcé. En octobre 2022, rompant avec la tradition en vigueur depuis des décennies, le président Xi s’est fait réélire pour un troisième mandat, consolidant comme jamais depuis l’ère Mao sa mainmise sur le processus de décision.

Au plan international, les relations avec les Etats-Unis se sont durcies. A la guerre tarifaire assez futile menée par le Donald Trump ont suivi, sous Joe Biden, des restrictions beaucoup plus impactantes dans l’accès à la technologie (puces et matériels associés). Se joue là le leadership global en matière de sécurité, avec en toile de fond la question taiwanaise. Ces quelques rappels suffisent à montrer que la fin de la politique zéro-Covid n’allait pas tout simplement ramener la Chine à son rôle de locomotive de la croissance mondiale.

De plus, la croissance risque d’être bridée par deux handicaps structurels: la démographie et le déséquilibre du secteur immobilier. Les deux problèmes ne sont d’ailleurs pas sans lien.

Conséquence inévitable des fortes restrictions sur la natalité pendant des décennies. Le vieillissement de la population risque de réduire le potentiel de croissance, en augmentant le coût des dépenses de santé et de retraite et en réduisant la disponibilité de la force de travail. La population en âge de travailler a stagné dans la dernière décennie et pourrait baisser de l’ordre de 1% par an dans la prochaine décennie. En tout état de cause, l’hiver démographique s’accompagnera d’une baisse de la demande de logements et contribuera à réduire les perspectives de croissance.

La volonté de dégonfler la bulle immobilière ne fait pas de doute depuis que le président Xi a affirmé que les logements sont faits pour être habités, non pour servir à la spéculation. Dans la pratique, toutefois, le pouvoir veut éviter une purge trop radicale, qui fragiliserait le système financier et ruinerait des investisseurs.

Par le passé, la réponse classique en cas de crise économique passait par un plan de stimulation du crédit axé sur l’investissement, en particulier immobilier. Ce genre de réponse n’est plus adaptée, du moins à grande échelle. On ne doit pas s’attendre à une relance massive du crédit, mais au mieux, dans la suite des injonctions sonnées aux banques par la Banque Populaire de Chine ces derniers mois, à un modeste relâchement des conditions d’emprunt. Au plan budgétaire, le gouvernement a des moyens pour des aides ciblées aux entreprises et aux gouvernements locaux, mais malgré les rumeurs insistantes, aucune annonce tangible n’a encore été faite.

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