USA: la Fed relève ses taux directeurs pour la première fois depuis 2018, avec prudence

AWP

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La situation en Ukraine est «susceptible de créer une pression supplémentaire à la hausse sur l’inflation et de peser sur l’activité économique», explique la Réserve fédérale.

La banque centrale américaine a relevé mercredi ses taux directeurs, une première depuis 2018, afin de freiner la frénésie de consommation des Américains et tenter de juguler l’inflation alors que la guerre en Ukraine risque de peser sur l’économie.

L’institution monétaire avait préparé les marchés à un tel mouvement depuis des mois. Elle a opté pour une hausse prudente d’un quart de point de pourcentage, les situant désormais dans une fourchette de 0,25% à 0,50%, après les avoir maintenus pendant deux ans entre 0 et 0,25%.

La décision a été prise quasiment à l’unanimité. Seul le président de la Fed de Saint Louis, James Bullard, qui plaidait pour une hausse plus forte d’un demi-point de pourcentage, a voté contre.

«Nous prendrons les mesures nécessaires pour éviter que l’inflation élevée ne s’enracine, tout en soutenant un marché du travail solide», a assuré le président de la Fed, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse, reconnaissant qu’il faudrait «plus de temps» que prévu pour ramener l’inflation à l’objectif de 2%.

La Fed table désormais sur 4,3% d’inflation en 2022, près du double de ses dernières prévisions en décembre. Pour 2023, elle s’attend à 2,7% avant 2,3% l’année suivante.

Le comité de politique monétaire a aussi noté les risques posés par la guerre en Ukraine et les sanctions avec une potentielle «pression supplémentaire sur l’inflation» et une possibilité que cela pèse sur l’activité économique.

Vers 7 nouvelles hausses en 2022

Jerome Powell s’est toutefois voulu rassurant: «l’économie et le marché du travail sont assez solides». En d’autres termes, «l’économie peut, selon nous, absorber les hausses de taux d’intérêt».

Il n’y pas de grand risque de récession à l’horizon, a-t-il également estimé.

Relever les taux directeurs pousse les banques commerciales à proposer des taux d’intérêt plus élevés pour les crédits accordés à leurs clients, pour l’achat d’une maison, d’une voiture, ou encore d’une télévision, par exemple.

Cela doit donc faire ralentir la consommation, pour alléger la pression sur les prix. D’autant que les problèmes d’approvisionnement ne devraient pas être résolus de sitôt.

Au risque toutefois de peser sur la croissance économique.

Ce premier relèvement des taux directeurs sera le premier d’une longue série: l’institution estime en effet que des augmentations supplémentaires seront «appropriées».

La majorité des responsables voient les taux grimper jusqu’à 1,75-2,00% fin 2022. Soit au moins sept hausses d’un quart de point.

«Il reste sept réunions (en 2022) et sept hausses de taux», a fait remarquer Jerome Powell, précisant que rien n’est acté à ce stade.

Par ailleurs, il est, selon lui, «clairement temps de commencer» à réduire le bilan de la Fed, et «cela pourrait être l’équivalent d’une autre augmentation des taux».

La Fed va en effet se séparer petit à petit des milliards de dollars de bons du Trésor et autres actifs qu’elle a achetés depuis mars 2020, pour soutenir l’économie.

«Le Comité prévoit de commencer à réduire ses avoirs (...) lors d’une prochaine réunion», a indiqué la Fed, Jerome Powell évoquant la possibilité de commencer dès le mois de mai.

2,8% de croissance en 2022

La Fed est aussi moins optimiste qu’en décembre quant à la croissance du produit intérieur brut (PIB) cette année, tablant désormais sur 2,8% contre 4,0% auparavant. Sa prévision reste inchangée pour 2023, à 2,2%.

L’inflation aux Etats-Unis s’est élevée à 7,9% sur un an en février, selon l’indice CPI du département du Commerce. La Fed privilégie un autre indicateur, l’indice PCE: +6,1% sur un an en janvier.

Cette flambée des prix fait ressurgir le spectre de l’inflation à deux chiffres des années 1970 et du début des années 1980. La Fed avait à l’époque drastiquement relevé ses taux, jusqu’à 20%, ralentissant l’inflation mais au prix d’une récession.

En Europe, où l’inflation est moins élevée, la Banque centrale européenne (BCE), avait décidé jeudi dernier de maintenir ses taux à leur plus bas historique.

La Fed, par ailleurs, attend toujours la confirmation des nominations de plusieurs gouverneurs, y compris le renouvellement de Jerome Powell pour un second mandat. La commission bancaire du Sénat doit voter mercredi à 18H45 (22H45 GMT), puis il reviendra à l’assemblée plénière de se prononcer.

L’économiste Sarah Bloom Raskin, qui avait été choisie par Joe Biden pour le poste clé de vice-présidente chargée de la supervision bancaire, a renoncé mardi, faute d’un soutien suffisant.

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