L'inflation ne doit pas bousculer votre stratégie

Giulio Renzi-Ricci, Vanguard

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La hausse de l'inflation pèse généralement sur les rendements des obligations. Mais cela implique-t-il que les investisseurs doivent revoir l’allocation de leur portefeuille?

Alors que l'économie mondiale se remet de l'impact de la pandémie de COVID-19, l'offre et la demande n’ont pas encore retrouvé leur équilibre. La demande latente et les pénuries d'approvisionnement ont fait grimper les chiffres de l'inflation globale sur les principaux marchés au cours du premier semestre de 2021. Cela peut inquiéter certains investisseurs quant aux effets négatifs que l'inflation pourrait avoir sur leurs allocations obligataires.

Il y a deux raisons pour lesquelles ces craintes nous semblent infondées. Tout d'abord, nos recherches montrent que les obligations d'Etat ont un rôle important à jouer dans un portefeuille équilibré, même lorsque la performance est en demi-teinte. Et nous ne prévoyons pas non plus que la hausse de l'inflation persistera. Aux Etats-Unis, l'inflation a récemment commencé à se stabiliser, et nous attendons une évolution similaire dans la zone euro au cours des prochains mois.

Les effets de la pandémie ont conduit à la hausse de l'inflation

Au premier semestre, les prix ont été poussés à la hausse dans le monde entier, la demande revenant à des niveaux normaux dans un contexte de pénurie de biens, de services et même de main-d'œuvre.

La politique budgétaire de la zone euro était davantage orientée vers les entreprises et a moins stimulé la demande.

Les prix à la consommation aux Etats-Unis ont grimpé de plus de 5%, notamment grâce à la politique budgétaire américaine qui a directement injecté de l'argent dans les poches des particuliers, en grande partie par l'extension des allocations chômage qui ont augmenté le revenu disponible pour beaucoup d’entre eux. Pourtant, l'inflation américaine a récemment commencé à se stabiliser, comme nos économistes l'avaient escompté. 

La politique budgétaire de la zone euro était davantage orientée vers les entreprises et a moins stimulé la demande. L'inflation globale y a été plus modérée et a probablement atteint 3% en août, selon l'estimation de l'agence statistique de l'Union européenne du 31 août. Nous prévoyons que l'inflation en Europe continuera désormais d'augmenter, pour atteindre un pic situé dans une fourchette de 3% à 3,5% au second semestre 2021. 

Les forces qui sous-tendent ce phénomène sont similaires à celles observées aux Etats-Unis. Il s'agit notamment de la hausse des prix de l'énergie, des pénuries d'approvisionnement en produits intermédiaires tels que les semi-conducteurs et d'un rebond de la demande avec la levée des restrictions liées aux confinements. Mais nous anticipons que l'inflation retombera à environ 1,5% d'ici à la fin de 2022, au fur et à mesure que les changements fiscaux disparaitront des calculs en glissement annuel et que les prix d’achat des intrants ralentiront. 

Ce que cela signifie pour les investisseurs en obligations

Non seulement l'inflation érode la valeur du principal d'une obligation, mais elle incite également souvent les banques centrales à resserrer leur politique monétaire et à augmenter les taux d'intérêt, ce qui conduit à faire grimper les rendements obligataires. Dans ce contexte, les investisseurs multi-actifs peuvent s'inquiéter d'avoir une allocation fixe en dette souveraine, car le prix d'une obligation chutera à mesure que les rendements augmentent. 

Toutefois, il est important de se rappeler que si la hausse des taux d'intérêt peut atténuer la performance des obligations à court terme, l'impact de la hausse des taux à long terme peut être différent. Au final, la raison principale de détenir des obligations dans un portefeuille multi-actifs à long terme est de diversifier l'exposition de l'investisseur aux chocs du marché boursier. Les obligations d'Etat ne sont pas là pour générer de la performance.

Plus la baisse des marchés actions est longue, plus les obligations sont susceptibles de jouer un rôle stabilisateur dans un portefeuille.

Notre analyse des marchés au cours des 20 dernières années confirme non seulement qu'il existe une corrélation inverse entre les actions et les obligations mondiales, mais elle montre également que plus la baisse des marchés actions est longue, plus les obligations sont susceptibles de jouer un rôle stabilisateur dans un portefeuille1. Cela reste le cas indépendamment du niveau des rendements obligataires.

Dans certains cas, les obligations baissent de concert avec les actions. L'événement de ce type le plus récent a été la liquidation liée au COVID en mars 2020, qui a vu les obligations et les actions plonger brièvement en tandem. 

Nos recherches ont montré qu’obligations et actions ont chuté simultanément dans environ 30% des cas, mais que cela résultait généralement de facteurs transitoires plutôt que systématiques. Une fois que les marchés ont eu le temps d’intégrer les réponses de la politique monétaire, nous avons constaté un rétablissement de la relation inverse habituelle entre obligations et actions. 

En outre, nous n'avons pas trouvé de meilleure alternative à la dette souveraine dans l'univers obligataire pour protéger les portefeuilles contre le risque de baisse des actions. Les obligations à haut rendement comportent généralement un risque plus élevé, souvent assorti d’une corrélation plus forte aux actions. 

Une stratégie d'investissement équilibrée doit fournir une combinaison appropriée d'opportunités de rendement et de protection contre la baisse dans différents environnements de marché. Les amortisseurs de chocs tels que les obligations d'Etat ont un rôle tout aussi important à jouer dans un portefeuille que les facteurs de rendement. Avec un portefeuille obligataire diversifié, par exemple sous la forme d'un fonds indiciel, les investisseurs peuvent également stabiliser leur portefeuille de manière particulièrement adaptée, dans la mesure où les risques y sont largement diversifiés. Les investisseurs ne doivent surtout pas abandonner les principes d'une allocation d'actifs robuste.

 

1 Renzi-Ricci. G et Lucas Baynes, «Hedging equity downside risk with bonds in the low-yield environment», Vanguard Research, janvier 2021.

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