Le rapport Archegos met en lumière les errements de Credit Suisse

AWP

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Le géant bancaire zurichois a publié jeudi les conclusions de ces investigations lancées après la débâcle du fonds spéculatif américain Archegos, dont le défaut de paiement remonte au 25 mars.

Appât du gain à court-terme, prise de risque «vorace» ou encore signaux d’alerte ignorés, Credit Suisse en prend pour son grade après le fiasco Archegos. Les experts mandatés par le numéro deux bancaire helvétique ne mâchent pas leurs mots dans leur rapport de 172 pages, tout en soulignant que les graves manquements constatés n’ont rien d’illicite.

Le géant bancaire zurichois a publié jeudi les conclusions de ces investigations lancées après la débâcle du fonds spéculatif américain Archegos, dont le défaut de paiement remonte au 25 mars. Cette affaire a coûté à la banque 4,4 milliards de francs au 1er trimestre et 594 millions supplémentaires au 2e partiel, plombant la performance.

Les événements ayant mené à l’affaire Archegos ne révèlent pas d’«activités frauduleuses» ou ne sont pas entachés d’une quelconque «mauvaise intention» de la part des employés concernés, affirme la grande banque dans un communiqué distinct.

Conduite par le cabinet Paul, Weiss, Rifkind, Wharton & Garrison, l’enquête repose sur plus de 80 entretiens et la consultation de 10 millions de documents et données. Les conclusions sont corrosives pour la banque aux deux voiles et mettent en lumière l’incurie de l’unité Prime Services, intégrée à la division de banque d’affaires, dans la gestion des risques.

Déroulé sur plus d’une vingtaine de pages, le récit détaillé de l’affaire démontre comment certains employés de Credit Suisse ont accordé dès 2017 de nombreux passe-droits à Archegos, au mépris des règles internes du groupe et minimisant le risque que représentait l’illiquidité croissante du portefeuille du «hedge fund», qui apparaissait jusqu’à fin 2020 comme une véritable poule aux oeufs d’or. Les relations d’affaires entre Archegos et Credit Suisse remontent à 2003.

Intervenu en février 2020, le décès inattendu du chef de Prime Services aurait même accentué ce biais, Credit Suisse ayant remplacé ce responsable par une personne issue de la vente et du marketing étant jusqu’alors directement chargée de la relation client avec Archegos. «L’équipe est dirigée par un vendeur qui apprend le travail» sur le tas, aurait affirmé aux enquêteurs l’une des personnes interrogées.

Un sursaut tardif

A l’interne, certains spécialistes du risque vont néanmoins demander des comptes et exprimer leurs réserves auprès de la hiérarchie. Pendant de longs mois, ces avertissements ne seront pas suivis d’effets significatifs.

Credit Suisse serre finalement la vis à l’aube de 2021, mais visiblement trop tard. Lorsque la principale participation d’Archegos, le groupe de medias ViacomCBS, commence à s’effondrer en mars, le fonds spéculatif est en mesure de combler un premier appel de marge de 175 millions de dollars.

La dégringolade de 20% de l’action du groupe chinois Tencent Music Entertainment est celle de trop pour le hedge fund, qui se voit dans l’impossibilité de verser 2,7 milliards supplémentaires réclamés par le groupe zurichois. Le 24 mars, le grand patron de la banque d’affaires de Credit Suisse et le directeur des risques, tous deux siégeant au comité exécutif, sont avertis de la débâcle. Ils entendent parler d’Archegos pour la première fois, affirme le rapport.

Suite à cette affaire, le géant bancaire zurichois a renforcé les fonctions de gestion du risque, notamment en recrutant de nouvelles personnes, et passé en revue les expositions importantes du groupe. Le rapport salue ces efforts mais demande que les mesures soient «intégrées grâce à une application cohérente et continue».

«Si la banque a déjà pris une série de mesures décisives pour renforcer le cadre de gestion des risques, nous sommes déterminés à tirer toutes les leçons qui s’imposent et à améliorer encore nos fonctions de contrôle pour en sortir renforcés», affirme le nouveau président António Horta-Osório, cité dans le communiqué.

Les 23 personnes désignées comme directement responsables de ces pertes ne vont cependant pas s’en tirer sans heurts. La banque a décidé d’»actions» allant du licenciement au remboursement de bonus perçus, pour un montant total de 70 millions de dollars (63,6 millions de francs), en passant par la suppression de rémunération variable.

La fluctuation est plus élevée parmi les cadres, admet le CEO
Alors que Credit Suisse a annoncé des coupes dans les bonus suite à la débâcle d’Archegos, de nombreux cadres de la grande banque quittent le navire. Le directeur général Thomas Gottstein a confirmé des départs dans une interview accordée à la télévision alémanique SRF.
«Il est vrai que dans certains domaines, notamment parmi les cadres qu’on nomme ‘managing directors’, nous avons constaté une rotation plus importante que les années précédentes», a déclaré M. Gottstein.
Après la perte de quelque 5 milliards de francs liée à Archegos, les employés doivent faire preuve de solidarité avec les actionnaires, selon le patron du géant bancaire zurichois, qui ne versera pas des primes aussi élevée que certains concurrents en 2021. «Nous devons accepter certains départs.»
Dans d’autres cas, la banque aux deux voiles a versé des bonus visant à conserver certaines personnes, Thomas Gottstein rappelant qu’en termes de talents la concurrence est très rude entre établissements rivaux.
Le banquier réfute l’argument selon lequel le système d’incitation de Credit Suisse aurait justement conduit à la débâcle du fonds spéculatif américain Archegos. Les pertes subies par la grande banque ont été causée par des «erreurs humaines», selon M. Gottstein.

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