Les small & mid-caps suisses gardent le cap. La correction boursière a été forte après le «liberation Day» et le grand chambardement causé par la politique commerciale de Donald Trump. Mais la reprise l’a été également. Le fonds Bellevue Entrepreneur Swiss Small & Mid est en hausse de 6,5% depuis le début de l’année. Responsable de son portefeuille, Birgitte Olsen, Head of Entrepreneurs Investments, tire les enseignements de ce début d’année et répond aux questions d’Allnews:
Est-ce que les 100 premiers jours de Donald Trump vous ont conduite à modifier vos sociétés de croissance suisses préférées?
Nous n’avons pas procédé à de profonds changements parce qu’il est encore trop tôt pour connaître exactement les effets de la politique américaine et en particulier des droits de douane. Certes le PIB américain a révélé un effet d’anticipation, avec une nette hausse des importations. Le message envoyé par les indicateurs «soft» est négatif mais les statistiques économiques demeurent solides. Nous ne connaissons pas non plus le niveau futur des tarifs ni le moment de leur mise en œuvre. Le consensus anticipe des droits de douane de 30-40% sur la Chine et entre 10 et 20% pour le reste du monde. Il n’est pas davantage évident de savoir s’il s’agit d’un concept stratégique ou d’un instrument de pression.
Qu’en résulte-t-il dans le mode de l’investissement?
Des changements sont visibles dans la gestion. Par exemple, les critères ESG sont nettement moins prisés qu’auparavant. Cela ne modifie pas notre politique d’investissement parce que nous n’avons jamais investi dans des titres à concept, c’est-à-dire dans des sociétés susceptibles d’attendre 10 ans avant de présenter un cash-flow. Notre horizon porte sur 2 à 3 ans. Nous continuons de croire que le thème de la transition énergétique est majeure. En revanche, nous pensons que celui-ci est plus approprié en Europe et en Asie qu’aux Etats-Unis. Les perspectives de l’énergie éolienne offshore sont clairement fonction des politiques énergétiques régionales.
De façon générale, malgré la politique de Trump, nous cherchons plutôt les idées idiosyncratiques et les niches de croissance intéressantes plutôt que de nous limiter aux effets macroéconomiques. D’ailleurs, à suivre de près les caprices du président américain, l’investisseur risque de s’y perdre.
«Nous profitons surtout de nos placements dans les valeurs financières, par exemple dans Swissquote.»
Quel est le principal changement?
Le principal changement porte sur le positionnement de l’Europe depuis que JD Vance a tenu son discours de Munich. L’Europe doit se prendre en main. Le rapport Draghi sur la productivité en Europe est effectivement mis en oeuvre. Le besoin de croissance, d’investissement et l’établissement d’une Europe de la défense sont reconnus au sein des dirigeants. Des mesures sont prises. L’Allemagne a, enfin, changé de politique budgétaire. Le vrai changement consiste à investir pour l’Europe en Europe.
Est-ce que de nouvelles sociétés suisses en profitent?
Les perles à découvrir par les marchés existent davantage dans l’UE. Une amélioration des perspectives allemandes accroît toutefois l’attrait des sociétés exportatrices suisses. Les fabricants de biens d’équipement suisses sont très bien positionnées, par exemple dans la transition énergétique, l’électrification, les infrastructures et parfois même la défense. Je pense à Implenia, dans la construction, qui en a déjà profité, ainsi qu’à d’autres sociétés. Mais il n’y a pas de groupe suisse spécialisé dans la défense.
Avez-vous des noms de sociétés qui en profitent? Dans les bénéficiaires de l’effort de défense, que pensez-vous de Huber + Suhner?
Huber + Suhner est très intéressante. Dans les biens d’équipement, nous aimons également Burckhardt Compression. La société est spécialisée dans le transport et le stockage de gaz liquéfié. Elle produit aussi des compresseurs destinés au solaire, puisqu’une cellule photovoltaïque comprend une petite pellicule produite à l’aide de compresseurs. Dans ce secteur, la demande vient de Chine et du Moyen Orient. Il faut savoir qu’un compresseur coûte environ 20 millions et que sa durée de vie est proche d’un siècle. A cause de la stratégie de relocalisation «Trumpienne», il existe déjà des surcapacités dans le solaire en Chine mais l’Arabie Saoudite entend s’y positionner ces prochaines années. Les besoins sont donc significatifs à court et moyen terme.
Pouvez-vous analyser votre performance en 2025?
La performance s’élève à 6,5% depuis le début de l’année. Nous profitons surtout de nos placements dans les valeurs financières, par exemple dans Swissquote, dont nous sommes toujours convaincus de la croissance structurelle, VZ Holding et Compagnie Financière Tradition (CFT). Plus l’insécurité est forte dans le monde, plus la volatilité est grande sur les marchés et plus CFT accroît ses profits. Sa croissance s’élève à 13% au premier trimestre.
Dans les assurances, nous avions aussi augmenté notre exposition à Helvetia.
«Les fabricants de biens d’équipement suisses sont très bien positionnées, par exemple dans la transition énergétique, l’électrification, les infrastructures et parfois même la défense».
Que pensez-vous de sa fusion avec Bâloise?
Nous apprécions moyennement la fusion entre Helvetia et Baloise. La fusion fait sens et les synergies sont nombreuses, mais il existait d’autres solutions plus intéressantes qu’une fusion entre égaux. L’investisseur devra attendre plus longtemps avant de bénéficier d’une plus-value significative.
Qu’avez-vous accru au sein des industrielles?
Nous avons augmenté la position dans Belimo, qui a présenté de très bons résultats et relevé les perspectives pour 2025 dans le sillage de son exposition aux Etats-Unis. Tout n’est pas négatif à l’égard des Etats-Unis. Certains marchés restent très porteurs. Dans l’industrie nous apprécions également Bucher et, comme indiqué, Huber + Suhner. Nous avons enfin sensiblement accru notre position dans u-blox après la vente de ses activités dans la communication.
Quelle est votre opinion sur le secteur de la santé?
La santé, attractive a long terme, est un challenge pour l’instant, dans l’attente des effets définitifs sur les prix aux Etats-Unis. Le secteur comprend des valeurs bon marché comme Roche et d’autres très chères comme Straumann. Quand le multiple est élevé, la croissance doit effectivement être au rendez-vous. Straumann progresse bien en Chine mais stagne aux Etats-Unis depuis deux trimestres. Il faut préciser que ses produits ne sont pas remboursés par les assurances et sont donc à la charge du consommateur. Quand la vie deviendra plus chère à la suite des droits de douane, Il sera intéressant d’observer le comportement du consommateur américain.
Roche, même si ce n’est pas logique, figure dans notre indice de référence, même si ce n’est pas une small cap. Nous n’avons pas de conviction forte à son sujet. Il est vrai que la santé n’est pas très chère après avoir été disruptée par les produits contre l’obésité.
Dans les secteurs défensifs, plutôt que la santé, nous préférons Aryzta et Lindt & Sprüngli.
Pourquoi votre performance est-elle très proche de l’indice?
Cela tient au fait que les small caps n’ont pas encore vraiment bien performé. Le phénomène de rebond est récent. Le mois dernier, le SPIX a largement surperformé le SPI. Je pense que nous sommes en retard de trois ans. Depuis 2022, tout le monde ne parlait jusqu’à récemment que des «7 magnifiques» et des GRANOLAS en Europe. Avec le changement de politique budgétaire en Europe, l’attention se porte dorénavant sur des indices tels que le DAX ou le MDAX.
Les capitaux sont sortis des «7 magnifiques» pour revenir vers les small caps. Mais n’est-ce pas temporaire?
Les capitaux ont quitté les Etats-Unis et les «7 magnifiques» pour se diriger vers l’Europe. Les statistiques de flux vers les small & mid caps européennes sont timidement positives depuis le début de l’année, le capital se dirigeant encore principalement sur les ETF. Historiquement, en Europe, les small & mid caps sont détenues aux deux tiers par des fonds «large caps» qui se diversifient dans les petites valeurs pour créer de l’alpha. Depuis 2022, cela n’a plus fonctionné et ils en sont sortis. Si les fonds large caps reviennent vers les small & mid caps, la performance relative en profitera.
Je constate que les investisseurs, suisses ou européens, sont encore très exposés au dollar. Leur amour pour les actions américaines reste indéfectible.
Est-ce en raison d’un risque de carrière?
C’est possible. Dans le MSCI Monde, les Etats-Unis sont grimpés jusqu’à 77% de l’indice alors qu’ils ne représentent que 25% du PIB mondial. Jusqu’à récemment, chacun parlait de l’exceptionnalisme américain. Depuis quelques mois, les bénéfices de la diversification sont enfin redécouverts.
Nous avons augmenté la position dans Belimo, qui a présenté de très bons résultats et relevé les perspectives pour 2025
Les résultats trimestriels semblent bons mais le marché réagit mal si les entreprises, à cause de l’incertitude sur les tarifs, ne précisent pas leurs attentes pour ces prochains trimestres. Considérez-vous les résultats ou les incertitudes?
Chaque société est un cas particulier. C’est la raison d’être de notre travail de gérant d’ailleurs. Si nous sommes convaincus par une société, nous achetons en cas de faiblesse du cours. Burckhardt Compression par exemple n’a pas encore publié ses résultats semestriels. Nous analyserons de près l’évolution des commandes. Vu le montant élevé d’un seul compresseur, le moment auquel survient une commande peut faire la différence. Un résultat décevant à court terme ne remet pas forcement en cause notre scénario à moyen terme.
Vous dites apprécier Aryzta. Le résultat était bon mais le titre est déjà fortement monté. Comment réagissez-vous?
Nous sommes surpondérés sur Aryzta parce que le titre reste bon marché. L’une des raisons de sa bonne performance réside, comme nos valeurs financières en portefeuille, dans son indépendance à l’égard des tarifs américains.
Qu’évitez-vous?
Nous évitons l’industrie du luxe et sommes sous-pondérés sur la santé. Dans la technologie, à part u-blox, dans l’internet des objets, nous sommes peu présents. U-blox emploie des semi-conducteurs qui servent au positionnement, par exemple dans les voitures (assistance au freinage, parcage). La société gère la recherche et le développement ainsi que la distribution tandis que la production est externalisée. Elle est effectuée en Asie mais pas en Chine. La société ne rencontre aucun problème de chaîne d’approvisionnement. Ses débouchés se situe dans l’automation industrielle et l’automobile.
Sur le thème du «re-shoring», vous aviez mis Kardex en avant. Comment expliquez-vous sa piètre performance en 2025?
Kardex a probablement trop baissé. Le groupe de logistique «AutoStore» , distribué par Kardex et utilisés dans la vente en ligne a émis récemment un avertissement. Pourtant Kardex, qui ne figure pas dans nos 10 premières positions, devrait profiter de la tendance à la relocalisation. Comme Interroll d’ailleurs.
Si Donald Trump et les Républicains perdent leur majorité au Congrès dans 18 mois est-ce que les marchés vont repartir vers d’autres directions?
Donald Trump utilise souvent des décrets et il évite ainsi le parlement. S’il perd la majorité, il n’est pas impossible que rien ne change sur le fonctionnement de la politique économique.
Pour notre part, même si certains périmètres ont changé, nous n’avons pas changé notre méthode de travail.
Il faut toutefois noter qu’à part la relance budgétaire et l’investissement dans la défense européenne, peu de choses ont fondamentalement changé.