Les grands acteurs de la santé abondent de liquidité

Salima Barragan

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Samuel Stursberg de Bellevue AM s’attend à davantage de M&A. Mais les hausses des taux d’intérêt vont décourager les méga-opérations.

Face à l’accumulation des incertitudes économiques et géopolitiques, les investisseurs se sont rabattus sur les secteurs défensifs et les grands groupes pharmaceutiques éprouvés sont devenus les valeurs refuges du moment. De mi-2021 à mi-2022, l’indice NYSE Arca Pharmaceutical qui rassemble les grandes multinationales de la branche, a enregistré de meilleures performances que la plupart des autres segments du marché des actions. «La branche recèle d’entreprises dotées de liquidités abondantes», assure Samuel Stursberg, responsable de la recherche sur les fonds et mandats de healthcare chez Bellevue AM. Entretien.

Comment ont évolué les cours des actions des sociétés pharmaceutiques ces derniers temps?

Depuis à peu près juin 2021 jusqu’au milieu de cette année, les secteurs et sous-secteurs défensifs comme les Big Pharma, mais aussi les télécoms ou les services publics, ont surperformé les autres secteurs. Cela s'explique en grande partie par les tensions exogènes sur les marchés qui ont entraîné une forte volatilité sur les places boursières mondiales. Au cours de l'année à venir, l'évolution des cours des actions des sociétés pharmaceutiques à grande capitalisation dépendra également du degré de nervosité et donc de la forte volatilité des marchés dans leur ensemble. Dans les périodes dites sans risque, lorsque la volatilité des marchés est élevée, les grandes entreprises pharmaceutiques obtiennent presque toujours de meilleurs résultats que les autres segments du marché. Dans de telles situations, les nouvelles concernant les produits passent au second plan, même si elles peuvent bien sûr être importantes dans certains cas. Par exemple, les données sur les différents médicaments contre la maladie d'Alzheimer seront particulièrement importantes dans les mois à venir pour Roche, Biogen, Eisai et Eli Lilly.

En revanche, une grande partie des titres biotech ont chuté. Pour quelles raisons?

L’évolution récente du secteur de la biotechnologie n'a pas été uniforme. Les sociétés, qui ne seront pas profitables dans un avenir proche ou du moins à moyen terme, luttent et continuent à faire face à un environnement de marché difficile. Mais les grands noms que sont Amgen, Gilead, Vertex et Regeneron ont bien résisté, surtout vis-à-vis du marché au sens large. Le coût du capital augmente, ce qui désavantage les sociétés à cashflow négatif qui ne sont pas bien financées. Pour celles qui ont constitué d’importantes réserves en trésorerie, cet environnement peut même créer des opportunités. Mais nous sommes également positifs à l'égard des entreprises innovantes qui peuvent clairement montrer leur capacité à atteindre le seuil de rentabilité.

Quel est votre avis sur la stratégie de recentrage de Novartis qui s’est séparé de Sandoz spécialisé dans les médicaments génériques?

Ce n’est pas tout à fait une nouvelle, car cette stratégie était en gestation depuis un certain temps. Le divorce avec Sandoz nécessitera environ une année supplémentaire pour véritablement prendre forme. Ce développement, même s’il n’est pas rapide, constitue une bonne nouvelle pour le futur de cette entreprise. Un grand nombre de sociétés pharmaceutiques ont déjà pris des mesures similaires ou sont en train de le faire. Johnson & Johnson, par exemple, est sur le point de réaliser quelque chose de similaire avec sa division de santé grand public. Au final, il y a souvent peu de synergies entre les différentes unités commerciales et, en général, nous apprécions cette tendance à la spécialisation.

Etant donnée que groupes détiennent des liquidités abondantes, verrons-nous des mégas fusions-acquisitions d’ici la fin de l’année?

Pfizer semble très active dans l’achat de sociétés, mais nous attendons effectivement davantage d’acquisitions de la part d'autres grandes capitalisations. Johnson&Johnson, Merck&Co., Bristol- Myers, Abbvie ne sont que quelques exemples de sociétés qui pourraient être actives. Avec les taux d’intérêt qui augmentent, nous n’attendons non plus pas de méga acquisition, mais dépenser quelques milliards de dollars pour des cibles est encore sans aucun doute possible.

Quelles sont les entreprises que vous appréciez dans cet environnement de marché?

Depuis un certain temps, AstraZeneca et Novo-Nordisk sont deux grandes capitalisations que nous apprécions. Jazz Pharmaceuticals et, comme nous l'avons déjà mentionné, Genmab sont des sociétés rentables, mais encore beaucoup plus petites, que nous suivons avec intérêt. Cependant, notre portefeuille comporte également des noms peu rentables pour l’heure, mais qui devraient le devenir dans les 3 à 5 prochaines années. Je pense notamment aux sociétés de biotechnologie américaines Ionis Pharmaceuticals et Cytokinetics, ainsi qu'à la société de biotechnologie européenne Argenx.

En lançant un fonds durable en 2018, Bellevue AM avez été un des pionniers à associer l'ESG à une orientation sectorielle. Quels sont les critères des valeurs en portefeuille?

De la même façon que notre stratégie classique sur la santé, nous analysons les données quantitatives ainsi que qualitatives qui comprennent le management, les produits dans le pipeline, le risque opérationnel et le risque pays. Mais nous rajoutons une couche additionnelle dans laquelle les sociétés de l'univers de la santé sont filtrées selon des directives ESG strictes que nous nous imposons. Pour la sélection des actions individuelles, nous travaillons en étroite collaboration avec une agence de notation externe spécialisée dans les évaluations de durabilité.  À côté des grands groupes, vous y trouverez également des noms moins connus, mais très prometteurs, comme Genmab qui se concentre dans le développement d'anticorps thérapeutiques pour traiter le cancer.

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