Au début du siècle dernier, l’Argentine était le pays le plus riche d’Amérique Latine et faisait partie des 10 nations les plus riches en termes de PIB par habitant. L’âge d’or argentin s’était construit sur un secteur agricole en pleine expansion exportant massivement sa viande et ses céréales vers l’Europe. Les cent années qui ont suivi ont été plutôt une longue descente aux enfers et l’arrivée à la présidence de la république à la fin 2023 de Javier Milei avec des méthodes inédites suscitait au mieux du scepticisme dans la communauté internationale.
Quelle est la situation économique de l’Argentine aujourd’hui?
L’inflation galopante était devenue la plaie de l’économie argentine avec un niveau supérieur à 100% à la fin 2023. Javier Milei s’inscrivant dans l’école de pensée économique autrichienne a dès son entrée en fonction pris des mesures extrêmes pour juguler l’inflation en coupant notamment massivement dans les dépenses de l’état. Le premier effet de ce traitement de cheval a été une inévitable récession. En revanche, l’amélioration qui a suivi a été spectaculaire avec un ralentissement de l’inflation à 85% en rythme annuel en janvier, ce qui est certes encore très élevé, mais bien plus bas qu’en 2023. Cela s’accompagne des premiers signes de reprise de la croissance du PIB en rebond de 3,8% pour le troisième trimestre 2024. L’amélioration des déficits jumeaux a également été spectaculaire puisque l’état affiche désormais un excédent primaire, qui est clé pour financer sa dette, et la balance commerciale est elle aussi excédentaire. Le taux de chômage reste élevé mais a tendance à baisser et la confiance du consommateur repart. Par ailleurs, le président argentin développe une approche pragmatique avec ses partenaires comme la Chine et l’Europe. Il est partisan de l’accord de libre-échange dans le cadre du Mercosur qui permettrait de soutenir les exportations agricoles argentines. Bien qu’il ne dispose pas de majorité au parlement, le président jouit d’une forte côte de popularité et se place pour gagner les prochaines élections en octobre 2025, ce qui permettrait de poursuivre et d’accélérer les réformes. Néanmoins, deux chantiers du programme initial de Javier Milei restent à mener: la privatisation des grandes entreprises d’état et la sortie du peso argentin pour utiliser le dollar comme devise de référence.
Sur les marchés actions, l’Argentine a été totalement déclassée au fil du temps avec une taille, une liquidité et des contrôles de capitaux qui ne lui permettent même plus de faire partie du monde émergent mais lui ont valu une relégation au rang de marché frontière.
Comment tout cela se traduit-il sur les marchés financiers?
La dette extérieure de l’Argentine reste un fardeau. Le pays a connu 3 défauts majeurs depuis 2001 le dernier datant de 2020 avec une perte d’environ 70%. Certes, le CDS sur l’Argentine n’a pas été aussi bas depuis 20 ans grâce à une très rapide amélioration permise par les réformes de Milei depuis un an. Mais il donne encore une probabilité implicite de défaut de 30% à 5 ans. Et si un paiement de 4,3 milliards de dollars a été honoré en janvier, les agences de notation s’inquiètent encore de la dette locale libellée en peso argentin. Après une nouvelle dévaluation en décembre 2023, le rythme de dépréciation annuelle du peso argentin reste élevé autour de 20% par an mais s’améliore en tendance. Le strict contrôle des changes pourrait être levé en janvier 2026 alors que l’écart entre le taux de change officiel contre le billet vert et le taux officieux de gré à gré, appelé dollar bleu, s’est fortement réduit depuis 2023. Les taux d’intérêt à un an se sont fortement détendus en passant d’un pic proche de 140% en 2023 à 28% en février 2025, soit le niveau prévalant avant la crise COVID. Sur les marchés actions, l’Argentine a été totalement déclassée au fil du temps avec une taille, une liquidité et des contrôles de capitaux qui ne lui permettent même plus de faire partie du monde émergent mais lui ont valu une relégation au rang de marché frontière. Si le marché actions argentin est dominé par les secteurs de la finance, de l’énergie et des services aux collectivités, Mercado Libre reste un acteur incontournable. La plateforme de vente en ligne d’Amérique latine est certes cotée aux Etats Unis, mais a été fondée par un Argentin et fait partie de la plupart des indices qui suivent la performance du pays. Cela permet de fournir une meilleure diversification pour les investisseurs. Aussi, même en tenant compte de la dépréciation de la devise, le marché argentin a affiché une excellente performance en 2024.
La perspective de la poursuite des réformes et de l’amélioration économique invite à envisager un investissement en Argentine, aussi bien sur la dette gouvernementale que sur les marchés actions (malgré la dépréciation du peso.)