La baisse des taux directeurs est loin d’être finie

Jacques Henry, SILEX

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Du taux neutre au taux terminal: d’une abstraction à un objectif de politique monétaire visant à stabiliser l'économie sans l’accélérer ni la freiner.

Le taux neutre peut être défini comme le taux réel qui ne stimule ni ne ralentit l'économie. Il est parfois aussi appelé taux naturel. Sa paternité revient à un économiste suédois, Knut Wicksell, à la toute fin du XIXe siècle, bien avant que les taux directeurs ne prennent une telle importance dans la politique monétaire.

Le taux neutre permet à la croissance réelle du PIB d'atteindre son potentiel (niveau où les facteurs de production sont pleinement employés) tout en garantissant la stabilité des prix. Si on prend comme référence la BNS, la stabilité des prix se situe entre 0% et 2%. En dehors de ces bornes, les banquiers centraux seraient confrontés à de la déflation ou de la surchauffe, deux événements adverses difficiles à combattre et qu’il faut éviter. Le taux neutre dépend d’une multitude de facteurs macroéconomiques comme la croissance potentielle, la démographie, l’aversion au risque des épargnants et l’équilibre des finances publiques. Il reflète la réalisation de l'équilibre entre épargne et investissement au niveau macroéconomique.

Depuis 2022 le taux neutre a eu tendance à baisser aux Etats-Unis pour se rapprocher du niveau qui prévalait en 2014 et 2015, à savoir 75 points de base.

Si le taux neutre est séduisant sur le papier, il reste une abstraction: il peut être estimé mais il ne correspond pas à un niveau de taux constaté sur les marchés. Pourtant il est central pour les politiques monétaires et peut nous guider aujourd’hui pour mieux comprendre le cycle d’assouplissement monétaire actuel, surtout après la baisse de taux de la Fed de 50 points de base à la mi-septembre. Deux questions subsistent: combien de temps ce cycle de baisse de taux va-t-il durer? Et à quel niveau les taux se stabiliseront-ils? On parlera alors de taux terminal.

Le mandat de la Fed est un mandat dual en termes de croissance et d’inflation donc le taux neutre est un outil particulièrement adapté pour jauger le taux terminal. D’ailleurs, la Réserve fédérale de New York fournit des estimations de taux neutre (Holston-Laubach-Williams, 2023) pour les économies américaine, canadienne et la zone euro. Ce taux est estimé en termes réels mais il existe des différences entre les zones. Ainsi, depuis 2022 le taux neutre a eu tendance à baisser aux Etats-Unis pour se rapprocher du niveau qui prévalait en 2014 et 2015, à savoir 75 points de base. En zone euro ce taux neutre est bas, dans un intervalle entre 0 et 50 points de base de 2014 à la fin 2022, avant de passer en territoire négatif au second semestre 2023 et de toucher -70 points de base.

Il reste désormais à convertir ces taux réels en taux nominaux. Les banques centrales privilégient l’inflation hors-alimentaire et énergie mais cette distinction ne devrait pas avoir trop d’impact sur les anticipations d’inflation à long terme par les marchés que nous suivons en plus de la tendance d’inflation. Nous estimons que l’inflation devrait se situer autour de 2,2% aux Etats-Unis et 2% en Europe ce qui devrait se traduire par un taux terminal autour de 3% aux Etats-Unis et sous 1,5% en zone euro. Cela laisse un potentiel de baisse des taux similaire dans les deux zones, en prenant en compte le niveau actuel des taux directeurs. En revanche, comme la croissance est plus vigoureuse aux Etats-Unis, le cycle de baisses de taux devrait s’achever mi-2026 pour la Fed contre fin 2025 pour la BCE. 

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