Powell sème le doute sur la trajectoire des taux de la Fed

AWP

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Selon les minutes du FOMC, la Fed prévoit toujours une hausse des taux en décembre mais paraît de plus en plus divisée sur la cadence des relèvements prévus pour 2019.

Le patron de la Banque centrale américaine Jérôme Powell et le Comité monétaire de la Fed ont semé le doute ces derniers jours sur la trajectoire future des taux d’intérêts laissant économistes et traders partagés.

Selon le compte-rendu de la dernière réunion monétaire publié jeudi, la Fed prévoit toujours une hausse des taux en décembre mais paraît de plus en plus divisée sur la cadence des relèvements prévus pour 2019.

Deux participants au Comité (FOMC) ont même estimé que des hausses supplémentaires pourraient «ralentir le rythme d’expansion de l’activité» de la première économie mondiale.

Cette soudaine incertitude sur l’évolution de la politique monétaire avait été mise en avant la veille par le patron de la Fed.

Dans un discours à New York, M. Powell a glissé une petite phrase qui a enflammé Wall Street. En affirmant que les taux d’intérêt étaient «juste en dessous (...) d’un niveau qui serait neutre pour l’économie, c’est-à-dire sans stimuler, ni ralentir la croissance», il a envoyé un signe interprété par les marchés comme un futur ralentissement dans les hausses des taux.

Traditionnellement, les taux bas favorisent le marché des actions.

Wall Street a du coup affiché mercredi sa meilleure séance depuis mars (+2,50% pour l’indice Dow Jones) tandis que les marchés boursiers européens ont été tirés dans le vert par les propos du numéro un de la Banque centrale américaine.

Après avoir commencé la journée dans le rouge jeudi, la Bourse de New York a réduit ses pertes après la parution des minutes de la Fed, l’indice Dow Jones perdant 0,11% à la clôture.

La veille, la déclaration de M. Powell avait fortement contrasté avec celle faite un mois plus tôt. Il affirmait alors que les taux étaient «encore loin» d’un niveau neutre, impliquant que d’autres tours de vis monétaires étaient nécessaires.

Jusqu’ici, le Comité monétaire prévoit trois hausses d’un quart de point de pourcentage (0,25%) l’année prochaine, après celle, quasi-certaine, prévue en décembre.

Ce niveau neutre apparaît comme le Saint Graal des banquiers centraux: il est censé être ni trop haut pour ne pas entraver la croissance, ni trop bas, ce qui pourrait provoquer surchauffe et inflation, en stimulant l’activité.

Pour autant, le concept reste flou. Et les économistes situent le palier «neutre» entre 2,5% et 3,5%, une fourchette assez large. Les taux sont actuellement entre 2% et 2,25%.

Pour certains économistes, les marchés ont surinterprété les propos de Jerome Powell.

Dans une note, Tom Porcelli, de RBC Capital Markets, a ainsi rejeté la perception par les marchés d’un ton «plus colombe» de M. Powell, c’est-à-dire moins préoccupé par l’inflation et par la nécessité de relever les taux.

Hausse en décembre

«La trajectoire probable des taux n’a pas changé», assure cet économiste. Il continue de croire davantage au risque de surchauffe et d’inflation, ce qui plaide en faveur de taux plus élevés, plus qu’au risque de ralentissement, ce qui au contraire nécessiterait une pause.

Mais cette phrase peu anodine du patron de la Fed est à rapprocher des inquiétudes sur les perspectives économiques mondiales, qu’il a mises en avant il y a deux semaines.

Il notait alors que la croissance allait être plus faible à l’étranger et que le stimulus budgétaire américain qui a dopé la consommation, risquait de se dissiper. Ces craintes sont également présentes dans le compte-rendu de la dernière réunion monétaire.

Mercredi, M. Powell a aussi insisté sur les incertitudes de la politique monétaire. «Nous savons que les effets de nos hausses de taux graduelles sont incertains et se ressentent au moins un an plus tard», a-t-il rappelé ajoutant que la voie de la politique monétaire «n’était pas inscrite dans le marbre».

«Nous allons faire très attention aux données économiques et financières» à venir, a-t-il insisté.

Pour Joseph LaVorgna, économiste en chef de Natixis, il est temps pour la Fed de «cesser de relever les taux». «Le concept de taux neutre est absurde ! On est déjà bien au-dessus», a-t-il lancé sur CNBC faisant référence au ralentissement du marché immobilier causé par les crédits plus chers.

La hausse des taux d’intérêt prévue le 19 décembre reste toutefois entièrement d’actualité, comme l’ont redit les minutes de la Fed.

Cela porterait les taux au jour le jour qui influencent tous les types de crédit à 2,5%. Mais le rythme de hausses pourrait être amendé. Chez Oxford Economics, on évoque désormais un seul tour de vis pour 2019, contre trois escomptés, mais pour JP Morgan ou Goldman Sachs, on croit à quatre hausses.

A cela s’ajoutent les véhémentes et continuelles critiques du président Trump sur les taux d’intérêt jugés trop élevés qui compliquent la communication de la Banque centrale qui se targue, elle, d’être indépendante.

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