Impact de l’accord de branche sur les intermédiaires d’assurances

Olivier Parenteau, Maklerzentrum Schweiz

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L’accord interprofessionnel concernant les intermédiaires d’assurance entraîne des frais supplémentaires et prive les clients d’un conseil indépendant.

Les appels téléphoniques non sollicités constituent depuis des années une grande source d’irritation pour la population, et ils devraient bientôt ne plus être qu’un mauvais souvenir. Les commissions de courtage importantes déclenchent depuis longtemps des discussions passionnées dans le monde politique. Dans un premier temps, le parlement a laissé aux assureurs maladie le soin de trouver une solution pour l’ensemble de la branche. L’accord interprofessionnel («accord de branche») concernant les intermédiaires d’assurances est entré en vigueur le 1er janvier 2021 et a été signé par la majorité des compagnies d’assurance maladie. Cet accord de branche comporte trois éléments centraux: l’interdiction de la «prospection à froid», l’amélioration de la qualité du conseil, ainsi qu’un plafonnement des commissions de courtage. Bannir la prospection téléphonique à froid est une bonne mesure, et dans la pratique elle est déjà largement appliquée. Le projet d’amélioration de la qualité du conseil ne recèle pas de grandes nouveautés, mis à part l’obligation d’inscription au registre CICERO, conjointement à la demande d’une preuve de la qualification professionnelle. Cette réglementation est également pertinente. En revanche, le plafonnement des commissions de courtage va largement au-delà du but visé, car il rend impossible une activité d’intermédiaire rentable.

Distinguer la prospection interne et externe entrave la concurrence

Les assureurs maladie en ont d’ailleurs conscience, c’est pourquoi ils ont redéfini le terme «d’intermédiaire» selon l’article 40 de la LSA. Alors qu’à l’origine il n’était fait aucune distinction entre la prospection assurée en interne (service de vente des assureurs maladie et de leurs sociétés affiliées) et la prospection externe (intermédiaires d’assurance), l’accord de branche a introduit ce distinguo. De fait, cela a conduit à réglementer uniquement les intermédiaires externes ce qui représente une distorsion massive des conditions de concurrence. Alors que les intermédiaires externes doivent se contenter d’une commission de courtage de 500 francs en moyenne, et que par conséquent, sans diversification des produits proposés, ils ne peuvent plus travailler de manière rentable dans le secteur de l’assurance maladie, les assureurs maladie ont massivement renforcé leurs services de vente depuis l’introduction de l’accord de branche. Or, les coûts de prospection des services de vente ‘maison’ des assureurs sont infiniment plus élevés. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles, au cours de ces 20 dernières années, la prospection de nouveaux clients a été largement externalisée vers les intermédiaires externes. Ceux-ci travaillent en effet à moindre coûts étant donné qu’ils ne touchent une rémunération qu’en cas d’acquisition de nouveaux clients et qu’ils n'occasionnent pas de frais fixes.

Et d’ailleurs, le vrai but n’est pas de faire baisser les coûts de prospection, mais plutôt de limiter la concurrence. Ceux qui en pâtissent en fin de compte, ce sont les clients, car ils ne peuvent ainsi plus bénéficier d’un conseil indépendant. Maintenant, s’ils veulent comparer plusieurs solutions d’assurance, ils doivent recourir à plusieurs séances de conseil auprès de diverses compagnies. Une prestation dont, jusque-là, ils pouvaient bénéficier d’un seul bloc.

Des distorsions dans les conditions d’aptitude professionnelle

Il est par ailleurs incompréhensible que la preuve de l’aptitude professionnelle et l’inscription au registre CICERO ne soient exigées que de la part des intermédiaires externes. De cette sorte, on créerait une exigence de formation pour le placement de polices d’assurances maladie, une obligation à laquelle devraient se conformer les intermédiaires liés – à savoir le service interne de vente et les intermédiaires externes qui agissent en tant qu’intermédiaires liés dans le sens de l’article 183 de l’Ordonnance sur la surveillance des assurances – tandis que cette obligation ne s’appliquerait pas à toutes les autres branches du secteur des assurances (par exemple les assurances vie). Bref, un intermédiaire externe lié ne doit pouvoir justifier d’une qualification professionnelle que pour le placement d’assurances maladie. En outre, les services extérieurs des assureurs maladie et de leurs société affiliées – qui, suite à l’accord de branche, assurent désormais la majorité des entretiens de conseil – ne sont pas non plus tenus d’apporter la preuve de leur aptitude professionnelle. On a finalement aussi omis d’élaborer une réglementation de transition pour les nouveaux arrivants dans le secteur du courtage d’assurances. Durant une année, ces derniers doivent, à leurs propres frais, acquérir cette qualification professionnelle afin de satisfaire aux conditions régissant l’inscription au registre. Ensuite seulement, ils pourront placer des assurances maladie. Or, les nouveaux arrivants au service de vente des assureurs maladie sont autorisés à prospecter dès leur premier jour de travail. Là aussi, on peut se demander si c’est l’amélioration de la qualité de conseil qui est visée en premier lieu.

Comme l’accord de branche n’a pas été signé par tous les assureurs maladie, le Conseil fédéral a élaboré un projet de révision de la législation. Celui-ci ne fait, à juste titre, pas de distinction entre intermédiaires internes et externes, et prévoit une réglementation moins stricte des coûts de prospection. Ces derniers devraient donc être calculés en fonction de considérations relevant de la gestion d’entreprise, et non pas être plafonnés de façon fixe. Mais suite aux pressions des compagnies d’assurance maladie, le Conseil national a, au cours de sa session de printemps, «édulcoré» le projet de loi. Il voudrait que la limite supérieure des versements de commissions et l’obligation de qualification professionnelle ne s’appliquent qu’aux intermédiaires externes. L’argument avancé est que l’on cherche ainsi à faire en sorte que la prospection interne ne se trouve pas désavantagée par rapport aux intermédiaires externes. Mais c’est exactement l’inverse qui se produit. Même après la mise en vigueur de la législation révisée, les intermédiaires externes continueront à être désavantagés. C’est au Conseil des États que revient maintenant la tâche de traiter de cette révision de la législation.

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