La promesse présidentielle de ne pas augmenter les impôts doit-elle être prise au sérieux dans un contexte où les Finances publiques sont malmenées?
La crise du COVID a mis à mal les finances publiques de la quasi-totalité des Etats, dont naturellement celles de la France (déjà mal en point avant la crise sanitaire). Emmanuel Macron, Jean Castex et Bruno Le Maire le répètent inlassablement: les impôts n’ont pas vocation à augmenter. La question de l’équilibre budgétaire devrait cependant finir par se poser et les Lois de finances rectificatives (nous en sommes à la troisième pour 2020) devront inéluctablement, un jour ou l’autre, finir par intégrer un volet «Recettes».
Sans prétendre détenir une boule de cristal ou des informations hautement confidentielles, nous pouvons nous interroger sur les pistes de réflexions susceptibles d’être explorées dans les semaines, les mois ou les années à venir, par les équipes du Ministère du budget et des comptes publics.
Si la parole présidentielle devait être sacralisée – «pas d’augmentation d’impôt» – il pourrait tout d’abord être envisagé de reporter ou d’annuler les baisses d’impôts déjà votées et devant entrer en vigueur les prochaines années. Il s’agit principalement de l’impôt sur les sociétés qui baisse progressivement pour se caler sur les standards européens (de 33,33% à 25% en 2022). Le Premier ministre Jean Castex vient cependant de confirmer le maintien de ces baisses d’impôts.
Une alternative serait, en jouant sur les mots, de ne pas augmenter les «impôts stricto sensu», mais les «contributions», sociales notamment, ou les «taxes» comme la TVA. Les contributions sociales ont déjà récemment été portées à 17,2% pour les revenus du capital et une augmentation de quelques points ne permettrait pas d’espérer des rentrées financières à la mesure des enjeux.
Une augmentation des taux de TVA pourrait présenter une rentabilité intéressante, mais risquerait de porter atteinte à la relance de la consommation, alors même que le Gouvernement exhorte les Français à consommer pour sortir de la crise.
français pourrait s’avérer bien plus efficace qu’un rétablissement de l’ISF.
L’on pense alors à la création d’une contribution exceptionnelle, comme il a pu en exister par le passé ou encore actuellement: Contribution exceptionnelle sur la fortune appliquée sur la seule année 2012 ou Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus depuis 2011 et toujours en vigueur.
Une contribution exceptionnelle «COVID» sur le patrimoine financier des résidents français, avec une assiette large et un taux faible, non récurrente, pourrait ainsi s’avérer bien plus efficace pour les Finances publiques qu’un rétablissement de l’ISF. Rappelons que selon le dernier rapport du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, le rétablissement de l’ISF rapporterait «seulement» 4,5 milliards d’euros annuels, soit une mesure très insuffisante pour pallier les déficits actuels et futurs.
En 2019, les épargnants français détenaient pour 1'800 milliards d’euros en assurance-vie et 5'350 milliards d’euros toute épargne financière confondue, observation faite que depuis le début de la crise sanitaire, cette épargne a encore augmenté de plus de 100 milliards d’euros (épargne forcée et de précaution).
Une contribution exceptionnelle sur le capital, même à taux «minime» (2%, 3%, voire 4%) permettrait d’atteindre des objectifs inespérés de rentrées fiscales. En ne visant que les seuls détenteurs de patrimoine financier, voire d’assurance-vie, une telle contribution serait bien entendu parfaitement injuste – les détenteurs d’immobilier ou d’œuvres d’art en étant alors exclus (même si les détenteurs d’actifs immobiliers sont déjà soumis à l’impôt sur la fortune immobilière) –, à moins que dans un souci d’équité devant les charges publiques, l’assiette de cette contribution ne comprenne alors l’ensemble des actifs, de toute nature confondue. Même si elle pouvait s’avérer plus rémunératrice pour les Finances publiques, sa mise en œuvre serait alors assurément plus ardue à implémenter, posant dans ce cas d’insolubles questions de valorisation des actifs et de recouvrement. Une assiette purement financière résoudrait de nombreuses difficultés, qu’il s’agisse de valorisation ou de paiement par prélèvement à la source informatisé, système déjà totalement opérationnel.
Une telle contribution, aujourd’hui fort heureusement totalement imaginaire, pourrait-elle néanmoins franchir le contrôle du Conseil constitutionnel? L’analyse des décisions de ce dernier, et notamment concernant la Contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012 (Décision n°2012-654 DC du 9 août 2012) nous fait penser que ce pourrait être le cas. En effet, le gardien de la constitutionnalité des lois, s’il veille au caractère non confiscatoire des impositions (prises dans leur globalité), pourrait considérer, comme il l’a fait par le passé, qu’une telle contribution «ne fait pas peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et de droits». Ceci même en l’absence d’un mécanisme de plafonnement en fonction des revenus.
L’avenir nous dira s’il y avait des raisons d’imaginer un tel scénario ou s’il s’agissait, au contraire, d’un pur fantasme fiscal sans conséquences …