Le seuil permettant de faire partie du Top 5% est de 167’000 francs en Suisse, de 213’761 à Genève et 310’584 à Zoug, selon IWP.
Depuis un siècle, le revenu permettant aux ménages d’appartenir au Top 5% des rémunérations est resté très proche entre les cantons les plus riches et les moins riches. «Les courbes évoluent en parallèle jusqu’aux années 1990 lorsque les écarts se sont accrus, et plus encore dans les années 2000», observe Melanie Häner, responsable de la politique sociale auprès de l’Institut économique IWP de l’Université de Lucerne. Ce dernier publiait ce mardi ses données sur un outil interactif, le Swiss Inequality Database. Les statistiques sont fondée sur les dernières données fiscales disponibles auprès de la Confédération, des cantons, de communes et des Eglises, soit de 1917 à 2019.
En 1917, le revenu d’un ménage permettant d’entrer dans le Top 5% s’élevait à 4805 francs en moyenne suisse, mais du fait de la hausse des prix il correspond à 31'000 francs d’aujourd’hui, indique Melanie Häner. Le seuil s’élève à 167'000 francs en 2019, date des dernières données disponibles. Dès lors le revenu du Top 5% a quadruplé en un siècle en termes réels. La croissance économique a donc accru massivement le niveau de vie des Suisses.
La différence inter-cantonale est significative depuis quelque temps. Le seul d’entrée d’un ménage dans le Top 5% des revenus (peu importe s’il est composé d’un ou de plusieurs salariés) s’élève à 213'761 à Genève, 192'842 francs dans le canton de Vaud, 158'006 francs à Fribourg, 148'677 francs à Neuchâtel, 129'619 francs en Valais et 129'212 francs dans le Jura. Le montant le plus élevé se trouve à Zoug avec 310'584 francs, devant Schwyz (251'430 francs) et Zurich (205'822 francs).
Pour appartenir au Top 10%, il faut au moins 132'699 francs, en moyenne suisse (150'117 francs à Genève, 142'671 francs Vaud, 124'818 Fribourg, 117'184 Neuchâtel, 107'998 Jura, 106'472 Valais) et 199'966 à Zoug. Pour entrer dans le Top 20% suisse, un ménage doit gagner au moins 97'591 francs en moyenne suisse (102'873 à Genève, 101'170 Vaud, 95'526 Fribourg, 86'805 Neuchâtel, 83'928 Jura, 80'591 Valais) et 133'048 à Zoug.
Les explications à cette évolution relative sont multiples. La stratégie fiscale des cantons a probablement joué un rôle dans la capacité par exemple de Zoug à attirer les hauts revenus tant des autres cantons que de l’étrangers. Pour Melanie Häner, la progression salariale résultant du développement de certaines branches économiques a aussi participé à ces différences inter-cantonales. L’attrait du site de production et d’innovation a aussi contribué à la préférence des hauts revenus pour certains cantons. La stabilité des inégalités de revenu observée en Suisse depuis un siècle provient, selon l’IWP, au bon fonctionnement du marché du travail et au système de formation (formation duale).
La Suisse est un pays hétérogène et vit de sa diversité, estime Melanie Häner. Elle fonctionne comme un laboratoire dans lequel chaque cantons exprime ses préférences et ses choix, mais dans un cadre commun. Cette diversité n’a pas conduit à une augmentation des inégalités, note-t-elle.
D’ailleurs Zoug ne se met pas seulement en évidence à travers son niveau de revenu, mais aussi par la forte proportion d’impôts payés par les hauts revenus, qu’il s’agisse du Top 5% (Part des revenus: 36%) ou du Top 10% (Part des revenus: 47%). Ils ne gagnent pas seulement leurs revenus dans ce canton mais y paient aussi des impôts. A titre de comparaison, le Top 10% paie 53% des impôts en Valais et 46% dans le Jura. A noter qu’à Genève, le taux atteint 67%.
Les statistiques sont calculées par ménage et non par individu. Les critiques pourraient avancer l’argument selon lequel un seul membre du ménage avait un travail il y a 3 ou 4 décennies et qu’aujourd’hui il faut que les deux membres doivent avoir un emploi pour parvenir au même revenu. L’observation est inadaptée, selon Melanie Häner, car ce sont les plus hauts revenus qui ont eu tendance à se marier. Malgré ces tendances, la concentration des hauts revenus n’a guère varié.
Les statistiques contredisent une idée bien ancrée à l’égard de l’inflation. La théorie économique indique qu’en général le renchérissement profite aux hauts revenus et accroît ainsi les inégalités. Pour Melanie Häner, tel n’est pas le cas en Suisse. La concentration est restée stable durant les années 1970. Il en a été de même lors d’autres crises, comme celle de l’immobilier. La part des impôts payée par le Top 5% a chuté de 60 à 35% entre 1963 et 1983 parce que tous les revenus, y compris les plus bas, se sont fortement accrus. Dès lors le pourcentage de ménages qui a payé l’impôt fédéral direct, du fait de leur hausse de salaire, s’est massivement accru. En 1957, 60% des ménages ne payaient pas cet impôt en 1960 et seulement 8% en 1989. D’un statut d’impôt sur les riches, il s’est transformé en une forme d’«impôt du peuple», estime Melanie Häner. Ces 30 dernières années, la proportion de ménages qui ne paient plus cet impôt s’est accru pour atteindre environ 25%, en partie en raison de l’augmentation des déductions possibles, selon l’IWP.