«Pandora Papers»: quelles suites en France?

Alain Moreau, FBT Avocats

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Les informations mises en lumière par les «Pandora Papers», qui concernent 600 contribuables français environ, sont déjà entre les mains du fisc.

Après les Panama Papers, les Swiss Leaks et les Dubaï Papers, voici les Pandora Papers. Issues des investigations du consortium de journalistes d’investigation ICIJ, les révélations parues récemment dans la presse s’appuient sur 12 millions de documents environ, provenant de quatorze sociétés de services financiers, et concernent plus de 29’000 sociétés offshores.

Dès que ces informations ont été rendues publiques, Monsieur Bruno Le Maire, Ministre français de l’économie et des finances, s’est saisi de ce dossier, indiquant avoir d’ores et déjà sollicité les services de contrôle de l’administration fiscale afin de «repérer les contribuables français dans cette liste» et être «intraitables avec eux».

Derrière ce discours «politicien», à quoi faut-il s’attendre concrètement pour ceux des contribuables français concernés?

Selon toute vraisemblance, le fisc français procédera à un traitement individualisé des données mises à sa disposition, puis, après une première analyse, adressera aux contribuables un courrier d’information les invitant à régulariser leur situation, faute de quoi une vérification fiscale pourra être initiée. La procédure administrative contentieuse débutera véritablement à ce moment. Il ne peut pas non plus être totalement exclu que les Autorités pénales soient informées.

Ce caractère spontané pourra également présenter un atout considérable face à une éventuelle suite pénale du dossier fiscal.

La question de l’origine des avoirs sera un sujet central de la procédure: en effet, en présence de comptes étrangers non déclarés, l’administration peut taxer tout crédit non justifié comme s’il s’agissait d’une donation octroyée par un tiers, au taux de 60%. La constitutionalité de cette mesure, codifiée aux articles L 23 C du Livre des procédures fiscales et 755 du Code Général des impôts, a été régulièrement contestée devant les juridictions françaises. Or, le Conseil Constitutionnel vient malheureusement de valider ces dispositions dans un arrêt du 15 octobre 2021, mettant fin à plusieurs années d’espoir pour les contribuables. Dans le cadre des procédures contentieuses «Pandora Papers», l’administration ne manquera pas d’user de cette prérogative désormais validée pour adresser une demande de justification sur l’origine des avoirs, suivie d’une mise en demeure en cas d’absence de justification ou de justification considérée comme insuffisante (à défaut de preuves tangibles sur l’origine des fonds notamment).

Il est toutefois encore possible d’éviter les conséquences les plus préjudiciables d’une procédure fiscale et/ou pénale subie en l’anticipant au moyen d’une rapide régularisation «spontanée».  

Si la cellule française de régularisation des comptes à l’étranger, dénommée STDR, a fermé ses portes le 1er janvier 2018, il est en effet toujours possible, pour un contribuable qui le souhaite, de volontairement et spontanément déposer des déclarations rectificatives intégrant, notamment, des comptes étrangers non déclarés. Ces déclarations doivent impérativement être déposées auprès du centre des impôts territorialement compétent, à charge pour ce dernier d’en assurer le traitement par un service spécialisé.

Ce caractère spontané pourra également présenter un atout considérable face à une éventuelle suite pénale du dossier fiscal. Rappelons en effet que depuis l’entrée en vigueur de la Loi du 23 octobre 2018, l’administration fiscale a désormais l’obligation de transmettre au Procureur de la République tout dossier en sa possession entrainant des rappels de plus de EUR 100'000, assortis de pénalités exclusives de bonne foi (40%, 80% ou 100%). Le législateur a cependant opportunément exclu de cette obligation de transmission au Procureur les dossiers résultant de démarches spontanées de régularisation (article L 228 I. 3° du Livre des procédures fiscales). L’administration a pu préciser que «cette exclusion vise les contribuables qui spontanément déposent une ou plusieurs déclarations destinées à rectifier leur situation fiscale antérieure. A cet égard, ne constitue pas une démarche spontanée, le dépôt d’une déclaration rectificative (ou initiale) alors qu’un contrôle fiscal est en cours, que le contribuable a reçu un avis de vérification ou qu’il fait l’objet d’une procédure d’enquête administrative ou judiciaire».

Il est dès lors fondamental que les rectifications de déclarations interviennent avant que l’administration fiscale n’adresse sa première pièce de procédure à raison expressément des avoirs bancaires étrangers ; observation faite qu’une enquête privée émanant de journalistes ne peut assurément pas être qualifiée de «procédure d’enquête administrative ou judiciaire».

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