Tapering or not tapering, that is the question

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

235'000 créations d’emploi

Comble de l’ironie, les chiffres de l’emploi US sont sortis à la veille du Labor Day! Et quelle déception ! Avec 235’00 créations d’emplois, contre 750'000 attendues par le marché, les plus optimistes ne peuvent que se consoler avec un chiffre de juillet supérieur à un million après révision et à un taux de chômage à 5,2%, ce qui est bien maigre. Cette douche froide n’a cependant pas créé de vagues sur les marchés de taux puisque ces derniers ont intégré le scénario d’une Fed prudente et pas pressée. Et on la comprend puisque le variant Delta inquiète toujours mais n’engendre pas de craintes fortes, l’inflation est sous contrôle mais le scénario de ralentissement économique commence à faire des adeptes en dehors du marché obligataire. 

Ces médiocres chiffres de l’emploi, même s’ils ne sont pas un indicateur fiable et majeur du ralentissement, resteront peut-être comme le marqueur d’un changement. Y aura-t-il un avant et un après 3 septembre? Nous le saurons dans six ou neuf mois. Pour l’instant, quelques données irréfutables donnent du grain à moudre. L’effet initial de la vaccination est derrière nous et le coup de boost donné par les aides versées aux ménages US est terminé. La consommation des ménages (environ 70% du PIB des Etats-Unis) était en retrait de -1,1% en juillet par rapport à juin. Nous avons constaté de fortes dépenses de restaurant (effet post-confinement), d’électronique et d’électroménager mais le reste était déjà en panne. Les achats de voitures neuves ont décliné significativement et la pénurie de semi-conducteurs n’était pas la seule explication. 

Après quatre trimestres de croissance spectaculaire, l’économie US pourrait atteindre un plateau et ne plus progresser ou progresser mollement.

Le marché attend désormais +3% de dépenses de consommation au troisième trimestre mais les anticipations initiales s’élevaient à +6%. Le deuxième trimestre nous avait déjà rendu une copie décevante avec «seulement» +6,5% quand les marchés s’attendaient à un +8,5% plus conforme au V-shape post-COVID. L’indice de confiance de l’Université du Michigan a rechuté début août. Tous ces indices mis bout à bout font penser à un scénario que redoute la Fed. Après quatre trimestres de croissance spectaculaire (fin du confinement et aides gouvernementales massives), la croissance économique américaine pourrait atteindre un plateau et ne plus progresser ou progresser mollement. De quoi remettre en cause le tapering?

Abandonner le tapering, une utopie?

Après Jackson Hole et avant le FOMC du 22 septembre, le calendrier du tapering semblait à peu près clair. Les marchés attendaient une annonce à l’occasion de la prochaine réunion des banquiers centraux et une mise en œuvre en fin d’année ou en janvier 2022. Après les chiffres de l’emploi de vendredi, bon nombre de spécialistes se rangent derrière le scénario que nous évoquions déjà dans notre chronique mardi dernier, à savoir rien de spécial à attendre du FOMC du 22 septembre et annonce du tapering le 3 décembre, date du dernier FOMC de l’année. Aujourd’hui, nous allons plus loin en avançant un scénario alternatif prônant l’abandon pur et simple du tapering. 

Il faut dire que la marge de manœuvre de la Fed est étroite. Aujourd’hui, c’est trop tôt (surtout après les NFP de vendredi!) et en janvier ce sera trop tard. Ce scénario encore improbable en juillet commence à prendre de l’importance. Aujourd’hui nous n’excluons donc pas un possible virage à 180 degrés de la Fed et un tapering jeté aux oubliettes. Si nous devions trouver du soutien pour corroborer notre analyse, nous nous tournerions tout simplement vers la partie longue de la courbe des US Treasuries. 

Comment interpréter ce refus de remonter qui donne des sueurs froides aux partisans du bear steepening? En termes de stratégie de gestion, nous en tirons les enseignements suivants: nous restons très légèrement long en duration mais nous nous tenons prêts à rajouter du 10 ans et/ou du 30 ans US. Sur le marché des crédits, nous veillons à ne pas surpondérer les high-beta au profit de la dette Investment Grade plus sûre. Nous ne sommes pas trop inquiets vis-à-vis des spreads car l’éventualité d’un ralentissement ne serait pas systématiquement synonyme de correction des actions et d’élargissement des spreads. 

Wall Street est toujours adepte du «bad news is good news» et l’abandon du tapering serait sans doute salué par la poursuite de la très bonne tenue des marchés actions et des marchés de crédits. La balle est dans le camp de la Fed. Jackson Hole semble déjà bien loin ! La Fed attendait confirmation du redressement du marché du travail avec deux ou trois chiffres de créations d’emplois autour de 800’000-1 million. Badaboum, le premier d’entre eux, avec 235'000 créations, sonne le glas. Le dicton populaire dit «avant l’heure, ce n’est pas l’heure; après l’heure ce n’est plus l’heure». Pour le tapering, nous sommes peut-être déjà arrivés à «ce n’est plus l’heure».

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