En attendant Jackson Hole

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

La montagne accouche d’une souris

A l’heure où nous rédigeons ces lignes, les minutes du dernier FOMC ne sont pas encore publiées. Peu importe! Le 28 juillet nous paraît déjà bien loin et de l’eau a coulé sous les ponts depuis le début du mois d’août. Trois faits importants (peut-être quatre) ont été portés à notre connaissance. Premièrement, le marché du travail est impressionnant et nous frôlons depuis deux mois le million de créations d’emplois mensuelles. Deuxièmement, les pressions inflationnistes se détendent comme prévu, avec un core CPI à «seulement» +0,3%. Troisièmement, le Covid est toujours présent, même aux Etats-Unis. La quatrième information est sujette à caution et mérite confirmation dans les mois qui viennent: nous avons le sentiment que la croissance américaine pourrait montrer des signes d’essoufflement. A suivre… 

Powell se contentera vraisemblablement de reprendre les principaux points des minutes du FOMC en les agrémentant de quelques mises à jour opportunes.

Par conséquent, nous estimons que les débats animés du dernier FOMC sont déjà un peu obsolètes. Nous constaterons, à la lecture de ces minutes, la confirmation que le tapering pourra commencer dès que les chiffres de l’emploi reviendront à leur niveau d’avant-Covid. Dans ces conditions, il est tout à fait normal que les marchés attendent avec impatience la tenue de la conférence de Jackson Hole. Ces attentes sont sans doute exagérées et il est fort probable que la montagne accouche d’une souris. Jay Powell se contentera vraisemblablement de reprendre les principaux points des minutes du FOMC en les agrémentant de quelques mises à jour opportunes. Il pourrait alors nous donner formellement rendez-vous le 22 septembre, date du prochain FOMC pour évoquer notamment un point qu’il avait déjà mentionné en juillet: le tapering devrait concerner à la fois les Treasuries et les MBS. Nous pensons que 15 milliards par mois (10 d’emprunts du Trésor et 5 de MBS) serait un chiffre raisonnable. 

Ce qui reste flou (et qui risque de le rester), c’est l’écart entre l’annonce du tapering et sa mise en place: trois mois? Six mois? Tout dépendra, selon nous, de l’évolution de la pandémie. Le scénario idéal, avec un Covid qui recule et qui ne mute pas ou très peu, serait une préannonce à Jackson Hole, une annonce officielle le 22 septembre et un démarrage début janvier. En revanche, si le Covid repart et si l’essoufflement de la croissance se confirme, il faudra attendre le printemps ou l’été. A ce stade, on ne peut même pas exclure un scénario catastrophe dominé par un retour forcé vers des confinements généralisés et un tapering jeté aux oubliettes.

Un 10 ans US stabilisé à 1,25%

Nous avons l’impression que le bon du Trésor américain a trouvé son point d’équilibre (temporaire) à 1,25% en attendant de basculer d’un côté ou de l’autre en fonction des événements à venir. Sauf grande surprise, nous estimons que la progression du variant Delta ou du variant colombien qui n’a pas encore sa lettre grecque, ou d’un nouveau variant encore inconnu sera le facteur-clé qui nous emmènera soit vers un retour sur les niveaux de fin mars aux alentours de 1,80% soit au-dessous de 1%. Le calme avant la tempête? peut-être mais comme nous l’avons mentionné dans les précédentes chroniques estivales, prendre des paris trop marqués dans un sens ou dans l’autre s’avère un jeu dangereux. 

Nous risquons fort de nous ennuyer d’ici l’ouverture du symposium de Jackson Hole.

Les marchés actions ne nous aident pas beaucoup. Tout en admettant que les niveaux atteints commencent à donner le vertige, ils restent optimistes car les deux scénarios leur conviennent. Si l’économie repart, que le virus ne fait plus de vagues, elle peut s’accommoder d’un tapering en douceur. Si la situation est plus compliquée, les banques centrales agiront et par conséquent Bad news is good news. Cet état d’esprit se retrouve totalement dans le marché des crédits, déjà chers mais qui peuvent poursuivre leur parcours bullish. 

La semaine dernière, nous évoquions déjà les niveaux de spreads des hybrides corporates qui ne donnaient plus envie d’investir massivement dans la classe d’actif. D’un autre côté, ayant délivré une performance de +2,5% depuis le début de l’année, les positions peuvent être conservées dans l’espoir d’atteindre une progression proche de +3,5%. Dans un contexte tendu mais pas assez anxiogène pour faire décrocher Wall Street (Afghanistan, tour de vis en Chine sur les big tech, reconfinements partiels…) nous risquons fort de nous ennuyer d’ici l’ouverture du symposium de Jackson Hole. Nous réitérons donc notre message de la semaine dernière: il est urgent de ne rien faire.

A lire aussi...