Retour à la case départ

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Réchauffement commercial US-Chine

Le début du mois d’octobre avait été le théâtre d’une belle détente des taux, les rendements à 10 et 30 ans passant respectivement de 1,75% à 1,55% et de 2,20% à 2% à la suite d’indices ISM manufacturiers et services en nette baisse. En quelques jours, ce rally a été complètement effacé à la suite de pourparlers encourageants entre Chinois et Américains à propos de leur querelle commerciale. Ainsi, vendredi soir, nous nous retrouvions avec un 10 ans à 1,72% et un 30 ans à 2,19%, soit peu ou prou les niveaux de fin septembre. 

Ce rebond des rendements obligataires est compréhensible dans la mesure où un accord commercial, même a minima, entre les deux géants économiques pourrait remettre en cause deux piliers majeurs de la baisse des rendements obligataires depuis le début de l’année. Premièrement, les marchés deviennent mois pessimistes à propos de la croissance mondiale. Ensuite, si les bases d’un accord commercial sino-américain sont confirmées, le prochain FOMC du 30 octobre pourrait déboucher sur un «wait and see». 

Il est exclu d’affirmer que le ton entre les Américains et les Chinois
restera amical lorsque les négociations rentreront «dans le dur».

Il y a encore huit jours, 80% du marché estimait qu’une détente de 25 points de base était acquise et aujourd’hui 73% des intervenants de marchés sondés par Bloomberg estiment toujours que la baisse aura bien lieu. Ce niveau est encore élevé mais nous nous rapprochons du niveau de deux-tiers qui, généralement, ne garantit pas que la Fed suivra systématiquement les marchés. Vit-on une pause dans le bull market ou est-ce vraiment le début d’une correction? 

Nous allons donc suivre avec la plus grande attention les développements futurs de ce deal sino-américain en gardant à l’esprit qu’aujourd’hui il s’agit d’un début d’accord très limité. Les hausses de tarifs douaniers US de fin octobre sont annulées et celles de mi-décembre seront probablement suspendues. En aucun cas, nous ne pouvons affirmer que le ton restera amical lorsque les négociations rentreront «dans le dur». Il pourrait même redevenir plus agressif lorsque les américains évoqueront des volets de la discussion moins terre-à-terre que les tarifs douaniers comme par exemple l’appropriation par les Chinois (Trump dirait le vol) de la propriété intellectuelle et technologique américaine ou encore des sujets d’ordre géopolitique comme Hong Kong mais aussi Taïwan.

Le non-QE de la Fed débute aujourd’hui

Dès aujourd’hui, la Fed va donc acheter 60 milliards de dollars par mois de bons du Trésor et d’emprunts à court terme. L’idée sous-jacente est d’acheter environ 200 milliards d’ici la fin de l’année et de poursuivre ce programme jusqu’à la fin du deuxième trimestre 2020. Ainsi, la taille du bilan devrait retrouver son niveau de mi-2018 aux alentours de 4'200 milliards. Dans le même temps, les opérations de repo overnight (75 milliards) et d’opérations à terme (35 milliards deux fois par mois) se poursuivront au minimum jusqu’en janvier. La Fed prend bien soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’un QE mais d’ajustements techniques. Les marchés, qui avaient prédit ces justifications, ne sont pas dupes. Il faut dire qu’en réclamant un QE à cor et à cri, Donald Trump n’a pas aidé la Fed dans sa communication. Cela dit, s’agissant d’achats de papiers à maturité très courte uniquement, l’impact sur les taux longs va être difficile à évaluer. 

La dégradation des chiffres macroéconomiques US se poursuit
et le ralentissement en Asie et en Europe se confirme.

A court-terme, nous risquerions bien d’assister à un steepening de courbe, pas tout à fait conforme à nos prévisions de bullish flattening! Il faut donc rester vigilants d’ici le 30 octobre et attendre patiemment les explications de Jerome Powell. Il va devoir faire preuve de pédagogie pour expliquer que l’économie américaine se porte toujours bien, que les tensions internationales n’augmentent pas, mais que dans cet environnement, le FOMC a tout de même décidé de baisser les Fed funds d’un quart de point supplémentaire, d’augmenter la taille de son bilan de 60 milliards par mois et de poursuivre sa mission de maintien du bon fonctionnement des marchés monétaires pour trois mois ou plus. 

Nous estimons pour notre part que la dégradation des chiffres macroéconomiques US se poursuit, que le ralentissement en Asie et en Europe se confirme, que les négociations autour du Brexit sont toujours dans l’impasse, que la guerre commerciale est loin d’être terminée et que la récente remontée des rendements longs US est susceptible d’attirer des flux internationaux gigantesques. Du 10 ans à 1,70%, avec un dollar index redescendu à 98,50 ou un euro repassé au-dessus de 1,10, dans un environnement qui regorge de liquidités avec, comme alternative, l’or ou les taux négatifs, devrait attirer des flux acheteurs massifs. Nous maintenons donc, en tout cas pour l’instant, nos objectifs de taux (10 ans US de retour vers 1,40% puis 1,32%) avec pour conséquence des performances 2019 potentiellement à deux chiffres pour la plupart des grands indices obligataires. 

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