La Fed a fait ce que les marchés attendaient d’elle

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

 

Le spectre de la récession s’éloigne… aux Etats-Unis

La BCE a poursuivi sans broncher son programme d’assouplissement de sa politique monétaire, à la manière des petits pas de la Bundesbank dans les années 90. Elle prend le risque de voir la récession s’installer durablement en restant trop longtemps «behind the curve». Le 17 octobre prochain, elle devra prendre acte qu’il y a plus dovish qu’elle et qu’elle doit agir plus rapidement et plus agressivement. Car la Fed a, quant à elle, frappé fort. Ce «jumbo rate cut», qui en appelle sans doute d’autres selon les fameux dot plots, change la donne: nous passons en effet d’une crainte de récession causée par une erreur de politique monétaire fatale à un sentiment proche du soulagement puisque la Fed nous dit qu’elle a bien compris le message et va tout faire pour éviter le scénario du pire.

Plus personne ne parle d’inflation et c’est un tort. Si nous avons tous les yeux braqués sur la BCE et la Fed, il faut sans doute regarder de plus près ce qui se passe en Chine. En effet, la banque centrale chinoise est en train de déployer tout un arsenal de décisions monétaires afin d’éviter une «japonisation» de son économie (c’est-à-dire une ou plusieurs décennies de croissance zéro ou négative). Le terme de bazooka pour décrire la politique monétaire de la PBoC est de plus en plus employé dans les médias car les Chinois doivent relancer vite et fort et le «helicopter money» sera sans doute utilisé si le besoin s’en fait sentir. Par conséquent, si la Chine réussit son pari en parvenant à relancer son économie, les prix de la plupart des matières premières vont immanquablement s’envoler au moment où les banques centrales occidentales poursuivront leur programme d’assouplissement monétaire. La relance chinoise va donc devenir le caillou gênant dans la chaussure de la Fed et de la BCE. Beau cocktail en perspective pour 2025!

Le dernier FOMC a été le théâtre non seulement d’un «jumbo rate cut» mais également d’une publication de dot plots très dovish.

Poursuite du bearish steepening?

Sur les marchés de taux, en ce début de quatrième trimestre, nous focalisons toujours notre attention sur deux enjeux majeurs (voir notre chronique du 9 septembre dernier). Le premier concerne l’extrême cherté des spreads de crédit puisque le marché corporate, comme son «cousin» le marché des actions, a privilégié depuis plusieurs mois le scénario de soft landing. Nous étions donc jusqu’à présent peu enclins à augmenter notre allocation crédits (a fortiori en high beta et en hybrides) compte tenu de la faiblesse des spreads et de leur risque d’écartement. Le dernier FOMC a été le théâtre non seulement d’un «jumbo rate cut» mais également d’une publication de dot plots très dovish. Par conséquent, les courbes de taux gouvernementales commençant à partager leur optimisme, les crédits peuvent tout à fait se maintenir sur leurs niveaux actuels. Il faudra donc peut-être renoncer à les vendre pour les conserver et bénéficier de leur portage. Il n’est pas exclu en effet qu’ils passent de très chers à extrêmement chers.

Le second sujet concerne la pente de la courbe. Jusqu’à début septembre, nous étions confiants vis-à-vis de la trajectoire des taux longs puisque notre scénario privilégié était celui du bullish steepening. Désormais nous nous méfions de plus en plus d’un scénario de bearish steepening. Les taux courts pourraient en effet poursuivre leur mouvement de détente au gré des anticipations révisées de baisses de taux de la Fed tandis que les taux longs remonteraient légèrement puisque le scénario du pire (récession, hard landing) sera a priori évité grâce aux colombes de la Fed. Les taux longs américains ne seraient pas non plus immunisés par un rebond des matières premières déclenché par le méga-stimulus de la banque centrale chinoise. La forte détente des taux longs début septembre était donc une opportunité suffisamment attrayante pour diminuer sensiblement la duration de nos portefeuilles. Dans le même temps, les TIPS (indexés sur l’inflation) à duration courte restent très intéressants. Les marchés obligataires vont donc rester volatils et incertains au cours du quatrième trimestre. Une chose est sûre, après la baisse de taux «jumbo» de la Fed, les plaisirs éphémères (c’est-à-dire rester investi sur les marchés monétaires à 5%) font désormais clairement partie du passé. 

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