Fed, mode «d’emploi» (à 818’000 près)

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.


Match inflation-emploi, début de deuxième mi-temps

Tôt ou tard, il fallait s’y attendre et c’est arrivé début août. La Fed, qui avait oublié qu’elle était investie d’un double mandat, a soudainement découvert que dans sa lutte contre l’inflation, elle avait sous-estimé la dégradation de la situation du marché du travail. Elle n’est certes pas directement responsable des erreurs statistiques à l’origine d’une révision des créations d’emplois de 818’000 postes entre avril 2023 et mars 2024.

Mais à trop vouloir être obnubilée par l’inflation, la banque centrale américaine se retrouve aujourd’hui «behind the curve» au plus mauvais moment puisque la logique aurait voulu qu’elle se mette en pause après le 18 septembre pour des raisons de campagne présidentielle. Les derniers chiffres PCE deflator et Core PCE ont été globalement en ligne avec les attentes et leurs timides soubresauts présents et à venir ne doivent pas nous inquiéter outre mesure. Cela signifie que dans la hiérarchie de nos préoccupations, l’inflation doit reculer d’un cran au profit de la croissance en général et de l’emploi en particulier. Par conséquent, le premier vendredi du mois à 14 heures 30 retrouve son lustre d’antan: il faudra désormais compter de nouveau avec lui!

Cela signifie également que les portefeuilles 60/40 retrouvent un second souffle et que la fameuse décorrélation taux longs marchés actions fonctionne et va fonctionner de nouveau. Nous avons toujours exprimé notre forte conviction sur ce sujet: il n’y a aucune raison pour que la duration élevée en Treasuries perde définitivement son statut de «hedge naturel» des marchés equities. En revanche, ce statut a logiquement été malmené lorsque le sujet majeur (et quasi exclusif) d’inquiétude était l’inflation, ce qui a été le cas depuis que la Fed a monté ses taux pour juguler ce fléau. L’électrochoc du 5 août est bien sûr allé trop loin, comme tout électrochoc serions-nous tentés de dire. En quelques heures, les marchés ont basculé de soft landing à récession sans prendre le recul nécessaire. Jerome Powell a trouvé les mots justes à Jackson Hole et la rentrée sera passionnante car les exagérations à chaud étant digérées, reviendra le temps de l’analyse à froid. Le soft landing est une option moins évidente, la récession n’est pas inévitable, les taux doivent baisser mais pas trop non plus. En tout cas pour l’instant.

Quelle stratégie obligataire pour la rentrée?

Au cours du mois d’août, nous avons pris une partie substantielle de nos profits sur la partie longue de la courbe. Maintenir ou implémenter aujourd’hui une stratégie de duration élevée se justifie uniquement si nous sommes convaincus que le scénario de récession s’avère inéluctable. Nous n’en sommes pas encore là et remettre de la duration nous semble donc au mieux prématuré et au pire inopportun. Le mois de septembre sera un moment charnière car il nous renseignera sur l’évolution que va prendre l’économie US. Nous sommes tentés de croire que le soft landing n’est plus le scénario prédominant mais que la franche récession n’est pas (encore?) pour demain.

Concrètement, deux idées fortes guident notre stratégie de gestion de taux pour cette rentrée de septembre. Commençons par la première, que nous n’avons pas encore eu l’occasion d’implémenter: les crédits Investment Grade et la dette hybride corporate. Les spreads ne semblent pas vouloir s’écarter suffisamment car leur comportement suit de trop près celui des actions. Après un début de frémissement début août, ils sont rentrés rapidement dans le rang sans nous avoir donné l’occasion de pouvoir en profiter. Attendons le retour du marché primaire pour voir si les nouvelles émissions offrent un peu plus de carry.

La seconde stratégie concerne les TIPS. Nous avons saisi l’opportunité d’investir la semaine dernière en taux réels à 18 mois sur un niveau de 2,5%. Cela nous semble très intéressant, à la fois en termes absolus et en termes relatifs par rapport aux taux nominaux, puisque le breakeven d’inflation ressort à 1,5%. Ce n’est pas l’idée du siècle mais dans un univers où les plaisirs éphémères des taux courts à 5% sont désormais derrière nous, où les taux longs sont à fair value et où les crédits nous semblent un peu chers, des taux réels qui rémunèrent seulement 1,5% de moins que les taux nominaux sont sans doute l’une des opportunités les plus attrayantes dans le contexte actuel. Faute de mieux, nous prenons!

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