Non-Farm Payrolls: mauvais mais pas désastreux
Les chiffres de l’emploi vendredi ont confirmé le ralentissement. Nul doute que la fameuse règle de Sahm sera évoquée de nouveau par le plus grand nombre. Immédiatement après leur publication, le 2-10 ans est passé à +4bp de pente positive, le 30 ans a franchi allègrement la barre des 4% et le 5 ans celle des 3.5%. Il n’en fallait pas plus pour que la probabilité d’une baisse de taux de 50bp au lieu des 25 désormais garantis revienne au premier plan. C’est plus de 50% aujourd’hui. Mais pourquoi faut-il accorder, en tout cas pour l’instant, une importance mineure à ce scénario ultra dovish? Selon nous, les chiffres de l’emploi se sont révélés mauvais mais pas suffisamment désastreux pour qu’une baisse de taux agressive devienne l’opinion majoritaire au sein du FOMC.
Ensuite, si la plupart des chiffres ont été en ligne avec un ralentissement, les Average Hourly Earnings ont montré une poursuite de l’inflation salariale. Ils ne sont pas susceptibles de nourrir des craintes de retour de l’inflation mais sachons reconnaître que l’inflation, qui a été gravement atteinte par la politique monétaire restrictive de la banque centrale, n’a tout de même pas dit son dernier mot.
Ensuite, la Fed n’aime pas prendre les marchés par surprise. Lorsque 60% ou plus des intervenants de marchés estimeront qu’une baisse de 50bp est le scénario le plus probable, la banque centrale américaine pourra, si elle estime que c’est une bonne chose, le faire sans craindre de déclencher une panique. Aujourd’hui, nous sommes à 100% pour 25bp et 50% pour 50bp. Dans l’état actuel des choses, mais cela peut changer rapidement (la séance du 5 août est encore dans toutes les mémoires), plusieurs baisses de 25bp semblent la solution la plus raisonnable.
Ce qui a changé vendredi, c’est que certains membres influents de la Fed ont pris la parole. Que Monsieur Williams, de la Fed de New-York, affirme qu’une baisse de taux en septembre s’avère nécessaire, ce n’est pas un scoop. Dans la hiérarchie colombes-faucons, John Williams est pile au milieu, aux côtés de Jerome Powell. Le scoop, il faut le chercher du côté de Christopher Waller qui jusqu’à présent était, au sein du FOMC, le leader du groupe des ultra-faucons favorables à une politique encore plus restrictive, persuadés que les Etats-Unis n’étaient pas à l’abri d’un rebond significatif de l’inflation.
Non seulement Monsieur Waller a affirmé «je pense qu’il est important d’entamer le processus de réduction des taux lors de notre prochaine réunion» mais il a ajouté «je ne pense pas que cette première baisse sera la dernière…Il est probable qu’une série de baisses sera appropriée… Le rythme sera difficile à déterminer mais je suis ouvert quant à l’ampleur et au rythme des baisses». Nous voilà donc bien partis pour une première baisse votée à l’unanimité dans huit jours, ce qui n’était pas gagné.
Attention au bearish steepening
En période de transition, la courbe des taux a toujours tendance à exagérer un peu mais elle joue son rôle de la sonnette d’alarme. Sa pente révèle le message qu’elle tente de délivrer. Un 2-10 ans inversé, c’est une récession qui s’annonce mais un 2-10 ans qui repasse en pente positive c’est le signal que la récession a commencé. Les marchés actions commencent à s’inquiéter mais ont encore de la peine à envisager un tel changement. Sauf le Nasdaq, mais est-ce une surprise?
Sur les marchés de taux, nous envisageons l’émergence de deux risques majeurs. Le premier concerne les spreads de crédit puisque le marché corporate a choisi son camp, celui de suivre les marchés actions qui privilégient le scénario de soft landing. Le second risque concerne la pente de la courbe. Jusqu’à présent, nous étions confiants vis-à-vis de la trajectoire des taux longs puisque notre scénario privilégié était celui du bullish steepening.
Désormais, nous nous méfions de plus en plus d’un scénario de bearish steepening. Les taux courts pourraient en effet poursuivre leur mouvement de détente au gré des anticipations révisées de baisses de taux de la Fed tandis que les taux longs remonteraient légèrement. Le 30 ans est descendu vendredi à 3,95% et le 10 ans à 3,64% (respectivement 4% et 3,66% au cours de la fameuse journée du 5 août dernier). Ces niveaux, qui sont également inférieurs à ceux de la clôture annuelle de 2023 (10 ans à 3,88% et 30 ans à 4,03%) nous ont parus suffisamment attrayants pour diminuer la duration par précaution, toujours au profit de notre investissement préféré de cette rentrée, le TIPS 18 mois à 2,5% de rendement réel. Le steepening n’en est qu’à ses débuts. Pour l’instant, il s’est développé en faveur des taux longs et non à leur détriment. Ce scénario idéal ne sera toutefois pas éternel!