Et si un jour l’ESG disparaissait?

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

L’ESG n’est pas une option

L’ESG est en train de s’imposer à tous: ce n’est pas une option mais une condition de survie. Dans un monde idéal où tout le monde serait devenu ESG-compatible, il n’y aurait, par conséquent, plus besoin de se proclamer ESG puisque ce ne serait plus un critère de différenciation. Dans le monde réel, les entreprises qui ne seront pas encore en conformité avec les critères ESG d’ici 5 à 10 ans affronteront de plus en plus de difficultés et seront à terme sans doute condamnées. De moins en moins d’investisseurs ne prendront le risque de détenir leurs actions ou leurs obligations. Les consommateurs bouderont (voire boycotteront) leurs produits. Leurs employés seront tentés de rechercher plus de sécurité de l’emploi dans des entreprises moins risquées et attirer de nouveaux talents deviendra mission impossible. 

Nous allons voir se creuser inexorablement un écart grandissant
entre entreprises ou Etats vertueux et les autres.

Sur les marchés, cela signifie que nous allons voir se creuser inexorablement un écart grandissant entre entreprises ou Etats vertueux et les autres. Des méthodes de ratings/scorings ESG ont vu le jour et vont s’imposer à tous. Sustainanalytics, entreprise reconnue pour la qualité de son analyse ESG, a été rachetée le 21 avril par Morningstar et ce n’est pas un hasard: les sociétés qui gravitent dans l’univers de l’Asset Management ont très vite et bien compris le sens de l’Histoire. Certains gérants ont par ailleurs déjà abandonné l’ESG au profit de l’impact investing: ils ont le mérite de contribuer grandement à faire bouger les lignes. Le poids de la dette de certains pays est en train d’exploser et si les spreads des dettes souveraines pas assez ESG-friendly devaient s’écarter, le coût du service de la dette pourrait devenir exorbitant. Depuis près d’un an, nous avons évoqué (y compris dans cette chronique) la possibilité d’un QE de la BCE donnant la priorité aux dettes les plus respectueuses des critères ESG. Ainsi, le volet du coût financier, qui est de très loin non prioritaire dans les considérations ESG, pourrait faire pencher la balance vers plus de prise de conscience de la part de certains pays. 

Les green bonds, faux amis ESG?

L’engouement pour les green bonds ne fléchit pas et le succès mérité de ces derniers va grandissant. Sur le marché primaire, l’appétit pour ce type d’émissions par rapport aux émissions classiques est évident et les performances récentes des green bonds plaident en leur faveur. Nous sommes souvent confrontés aux mêmes questions d’investisseurs. Considérez-vous désormais les green bonds comme une classe d’actifs à part entière? Quelle est votre politique en la matière? Quel est le poids actuel des green bonds dans votre portefeuille? Cet enthousiasme qui fait l’unanimité devrait a priori nous inciter à «verdir» de plus en plus notre portefeuille mais un écueil majeur nous incite à plus de circonspection. 

Les green bonds sont un premier pas
dans la bonne direction mais pas la solution miracle.

Peut-on être certain qu’un green bond remplit automatiquement les critères ESG? La réponse est simple et sans ambiguïté puisqu’un green bond remplit certes le E de ESG mais si l’émetteur n’est pas un modèle de respect des critères S et G, ses scores médiocres dans les deux derniers domaines vont le pénaliser. Nous l’avons appris à nos dépens en décembre 2019 lorsque nous avons eu la désagréable surprise de voir un green bond moins bien noté que certaines obligations «normales» qui avaient un moins bons score E mais de meilleurs scores S et G.

Les green bonds sont un premier pas dans la bonne direction mais pas la solution miracle. Il reste beaucoup de travail à réaliser dans ce domaine, notamment pédagogique pour expliquer la différence entre ESG et green. En panachant le label green bond avec le score ESG de l’émetteur, nous arrivons toutefois à sélectionner des obligations répondant aux exigences de nombreux investisseurs. Il reste cependant à ne pas oublier la base: avant toute analyse ESG, il ne faut pas sauter la première étape. Une analyse crédit s’impose car ces trois lettres magiques ne vont pas nous immuniser contre une santé financière dégradée, des notations en déclin et des spreads qui s’écartent.

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