2020 dans le rétro

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

2 minutes de lecture

Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Il s’agit de notre avant-dernière chronique de l’année et nous vous proposons de faire un tour d’horizon de cette année 2020 pas comme les autres. Mardi prochain, nous nous projetterons en 2021 à travers nos perspectives d’investissement qui seront le fil conducteur de notre stratégie en début d’année.

Première partie: du 1er janvier au 23 mars

Début janvier, les marchés pariaient sur une normalisation de la politique monétaire de la Fed ainsi que la poursuite d’un Quantitative Easing «soft» de la BCE. Mais dès la fin du mois, le black swan que nous n’appelions pas encore COVID s’est propagé en dehors de Chine et a tout bouleversé sur son passage. Les taux gouvernementaux se sont effondrés, surtout aux US puisqu’il s’agissait du seul marché lié à une banque centrale qui avait une grande marge de manœuvre. En effet, le taux Fed Funds s’élevait en début d’année à 1,50%-1,75% pour chuter à 0,25% le 15 mars! Il fallait donc être investi en 10 ans US à 1,90% ou – encore mieux – en 30 ans à 2,40% en tout début d’année. 

Les spreads se sont écartés
mais pas autant que nous aurions pu le craindre.

Ce qui est remarquable, dans cette crise, c’est la relative robustesse du marché des crédits. Certes, les spreads se sont écartés mais pas autant que nous aurions pu le craindre. Le CDX Investment Grade est en effet passé de 45bp à un peu plus de 150 le 23 mars mais nous aurions pu payer une addition beaucoup plus salée. Compte tenu de l’ampleur de la catastrophe, des indices Investment Grade à 400bp et du High Yield à 1'200 n’auraient pas été choquants sur le moment. Mais les grandes banques centrales, ainsi que les gouvernements, ont tellement actionné les lances à incendie que le pire a été évité. Nous étions nombreux en 2019 à signaler que la boîte à outils de la Fed était moins dégarnie que celle de la BCE et que ce serait un sujet d’inquiétude si jamais un événement inattendu devait survenir… Il faut donc tirer notre chapeau à Madame Lagarde qui, à part un couac de communication sur le spread de l’Italie en début de crise, a parfaitement endossé les habits de Mario Draghi. Elle a mis en œuvre une politique monétaire appropriée à la gravité de la situation malgré le peu d’instruments à sa disposition tout en mettant les gouvernements européens en face de leurs responsabilités.

Deuxième partie: depuis le 23 mars

Les marchés semblent s’être vaccinés du COVID ce fameux 23 mars. Malgré les développements de la crise sanitaire un peu partout dans le monde (sauf paradoxalement en Chine) force est de constater qu’à partir de ce jour, les marchés dits à risque (actions, spreads de crédit high beta, émergents) se sont envolés pour retrouver en fin d’année, pour la plupart d’entre eux, les niveaux qui étaient les leurs en janvier. Tout au long de nos chroniques hebdomadaires, nous avons souvent mis en avant l’attrait des emprunts corporates hybrides. L’indice ECHI-Crédit Suisse a progressé de 18,9% entre le 23 mars et vendredi dernier! Certes, d’autres classes d’actifs obligataires ont fait aussi bien voire beaucoup mieux (les spreads High Yield US sont passés de 870 à 290 sur la même période) mais en termes de performances ajustées au risque, vous ne trouverez pas mieux. 

Ceux qui ont gardé une position en duration pure
via des TIPS n’ont pas eu tout à fait tort.

Du côté des Treasuries, les taux longs se sont retendus légèrement mais pas autant que nous aurions pu le craindre. Le 10 ans est passé de 0,78% le 23 mars à 0,93% hier (+15bp) et le 30 ans a corrigé un peu plus, grimpant de 1,35% à 1,69%, soit +34bp sur la même période. Dans le même temps, le breakeven d’inflation à 30 ans est passé de 1,35% à 2% et par conséquent, le taux réel à 30 ans s’est détendu d’une trentaine de points de base, passant de 0% à -0,31%. Si dans l’idéal, nous aurions tous dû switcher nos emprunts d’état pour du crédit aux alentours du 23 mars, ceux d’entre nous qui ont gardé une position en duration pure via des TIPS (indexés inflation) n’ont pas eu tout à fait tort, loin s’en faut. Alors bien entendu, dans quelques jours nous allons remettre les compteurs à zéro en ayant à l’esprit la question que tout le monde se pose: après un millésime 2019 exceptionnel suivi d’une année 2020 excellente (et inespérée compte tenu des circonstances), que faut-il attendre des marchés obligataires en 2021? Rendez-vous mardi prochain!

Twist again à Washington

Un dernier mot tout de même sur les banques centrales pour qui l’année n’est pas terminée. La BCE ouvre le bal après-demain. Nous n’attendons pas de nouvelles fracassantes mais des précisions sur certaines pistes à explorer en début d’année. Plus intéressant sera sans doute le FOMC du 16 décembre. Nous souhaiterions voir évoquée l’idée d’opérations twist afin de gérer la pente de la courbe. Notre cadeau de Noël avant l’heure! Mais le probable n’est pas toujours synonyme du souhaitable!

A lire aussi...