Vagues réglementaires pour les PFAS

Jindapa (Amy) Wanner-Thavornsuk, Robeco

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Le déploiement de mesures juridiques visant les PFAS ouvre une nouvelle phase dans la lutte contre les produits chimiques éternels.

La crainte d’une censure réglementaire, d’amendes, de poursuites judiciaires et d’un ternissement de la réputation devrait pousser les entreprises à intensifier leurs activités de détection et d’élimination des sous-produits PFAS (Polyfluoroalkylées) au sein de leurs chaînes d’approvisionnement. Bien que les technologies actuelles de test et de traitement constituent un bon point de départ, l’évolution du paysage réglementaire et la multiplication des poursuites judiciaires joueront également un rôle de catalyseur pour la demande d’innovation au-delà des approches traditionnelles.

Au cours des deux dernières décennies, l’exposition aux PFAS présents dans l’eau potable et les sols contaminés a été associée à de graves problèmes de santé, notamment des malformations congénitales et des cancers. Le renforcement des normes réglementaires et les onéreuses actions collectives en justice intentées ces dernières années encouragent les investissements dans les tests, le traitement et l’élimination des PFAS qui contaminent les sources d’approvisionnement en eau et l’environnement dans son ensemble.

Un problème coûteux

Les PFAS forment une famille de plusieurs milliers de substances chimiques artificielles. Les produits et des procédés contenant des PFAS – poêles antiadhésives, textiles résistants aux taches, mousses extinctrices ou encore émulsifiants chimiques – sont partout autour de nous, dans les petits foyers comme les grandes industries, ce qui leur a valu l’appellation de «produits chimiques omniprésents». Leurs liaisons carbone-fluor comptent parmi les plus fortes connues en chimie, ce qui rend difficile leur décomposition dans notre organisme et dans la nature. Leur résistance caractéristique leur a valu un autre surnom, celui de «produits chimiques éternels».

Les mesures réglementaires mises en œuvre poussent de nombreuses entreprises à utiliser des substituts qui présentent les mêmes caractéristiques.

En 2023, les principaux producteurs de PFAS ont accepté de verser jusqu’à 13,7 milliards de dollars US pour régler des actions collectives en justice intentées par des centaines de compagnies municipales des eaux liées à la pollution par les PFAS, et d’autres actions en justice sont encore en attente de résolution. Afin de se conformer aux nouvelles normes, les coûts d’assainissement pour les compagnies des eaux, rien que pour l’eau potable, sont estimés à environ 50 milliards de dollars US au cours des 20 prochaines années. La loi bipartisane en faveur des infrastructures du président Joe Biden, promulguée en 2021, prévoit une enveloppe de 10 milliards de dollars US pour aider les compagnies des eaux à détruire les PFAS et d’autres contaminants nocifs dans les sources d’approvisionnement en eau.

Les règlements et les estimations des coûts d’assainissement ne portent jusqu’à présent que sur les compagnies publiques des eaux. Ils ne tiennent pas compte du coût lié à l’assainissement des PFAS qui pénètrent dans les sols et les flux de déchets à partir des décharges et des sites industriels contaminés. Dans un rapport de 2021, le ministère américain de la défense a estimé que 31 milliards de dollars US de fonds fédéraux étaient nécessaires pour décontaminer les sites militaires.

Un problème d’envergure

Le problème ne se limite pas à la défense ou aux producteurs de produits chimiques. Des semi-conducteurs à la construction automobile, nombre d’industries utilisent des PFAS dans l’élaboration de leurs produits. Les mesures réglementaires mises en œuvre poussent de nombreuses entreprises à utiliser des substituts qui présentent les mêmes caractéristiques. Cette transition peut toutefois s’avérer délicate, car la liste des classes, des mélanges chimiques et des concentrations de PFAS interdits est susceptible de s’allonger à l’avenir. Qui plus est, les entreprises ont du mal à déterminer la mesure dans laquelle les PFAS sont utilisés comme «intrants» dans les processus manufacturiers tout au long de la chaîne d’approvisionnement des produits. Les coûts de détection et d’assainissement (et les poursuites judiciaires) vont sensiblement augmenter selon la portée des restrictions des PFAS décrétées par les instances de réglementation.

Évolution réglementaire

En décembre 2023, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) a publié sa deuxième feuille de route stratégique, qui préconise l’adoption de nouvelles normes pour le traitement et l’élimination des PFAS dans l’environnement. Ces normes s’appliqueront aux entreprises qui produisent des PFAS et aux secteurs qui utilisent des produits contenant des PFAS. Début 2023, l’EPA a proposé de nouvelles restrictions pour six PFAS dans les réseaux publics de distribution d’eau. Une fois finalisées, ces restrictions devraient stimuler les investissements des compagnies des eaux au niveau fédéral.

L’Europe lutte également contre ce problème. L’UE a fixé de nouvelles limites pour les PFAS, qui entreront en vigueur dans les États membres en 2026. En outre, l’Agence européenne des produits chimiques a publié une proposition visant à interdire tous les produits chimiques ultratoxiques, dont plus de 10'000 composés PFAS.

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