USA First

Martin Neff, Raiffeisen

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Les Etats-Unis ont donné une leçon aux Européens: on ne résout les crises que si l’on n’hésite pas à se salir les mains. Et le succès semble donner raison à ce concept brutal. Vraiment?

Les Etats-Unis sont dirigés par un président extrêmement clivant qui n’en est pas à sa première incartade. Mais l’on s’habitue à beaucoup de choses quand l’économie tourne rond. Et c’est sans aucun doute le cas. Nous nous réjouissons que le taux de change ne soit plus aussi problématique, que l’Europe ait enfin retrouvé le chemin de la croissance et que les Etats-Unis soient une locomotive fiable pour le train de l’économie mondiale. L’Amérique se positionne effectivement en tête en la matière – first pourrait-on dire.

Pas normal

Nous sentons également que l’Europe va beaucoup mieux. L’immigration s’est tarie, sans doute parce que l’emploi en Europe est reparti à la hausse. Quant au choc du franc, il n’est plus aussi douloureux grâce à un niveau des commandes globalement satisfaisant dans l’industrie et compte tenu du cours actuel.

«L’Europe semble avoir mis une éternité
avant de retrouver le chemin de la croissance.»

L’Europe semble toutefois avoir mis une éternité avant de retrouver le chemin de la croissance. La crise des subprimes et, a fortiori, la crise de l’euro ont littéralement paralysé l’Europe, notamment à sa périphérie, mais même la France a eu beaucoup de mal à repartir. Le Brexit et l’année électorale majeure en Europe se sont en outre traduits par des incertitudes supplémentaires.

L’Amérique est quant à elle sortie beaucoup plus rapidement des starting-blocks. Le rebond de l’économie américaine s’est produit en 2009. Grâce à des aides financières massives de l’Etat qui a d’abord procédé à l’assainissement forcé de Wallstreet et qui a par ailleurs injecté des milliards dans l’économie.

Les Européens l’ont certes fait également en 2009, mais ils ont échoué. Ils n’ont en effet pas été en mesure de stabiliser leur secteur financier, qui a par la suite failli trébucher sur la Grèce, paralysant de nouveau l’économie réelle.

Une fois de plus, les Etats-Unis ont donné une leçon aux Européens: on ne résout les crises que si l’on n’hésite pas à se salir les mains, quel qu’en soit le prix. Et le succès semble donner raison à ce concept brutal. Vraiment?

Une relance avec sa zone d’ombre

Il ne fait aucun doute que les Etats-Unis ont une longueur d’avance sur le reste du monde, dans le sens où ils sont les plus avancés dans le cycle conjoncturel. Il en va de même de la politique monétaire, qui a au moins engagé des mesures en vue d’une normalisation. Celle-ci n’est encore que vaguement esquissée en Europe et elle n’est pas à l’ordre du jour au Japon.

Le marché du travail a également repris des couleurs aux Etats-Unis. Alors qu’il y avait encore plus de six millions et demi de chômeurs au plus fort de la crise, ils sont à peine 1,8 million aujourd’hui. Le taux de chômage a ainsi baissé de près de 10% à l’époque à moins de 4% aujourd’hui. La performance est remarquable. Mais ce n’est pas tout. L’inflation tant espérée par Monsieur Draghi se situe dans la fourchette visée par la Réserve fédérale américaine, l’inflation sous-jacente ressort à 1,9% en comparaison avec l’année précédente et le taux global est de 2,5%.

«La récession de 2009 consécutive à la faillite de Lehman
a entraîné une baisse du taux de participation aux alentours de 58%.»

Une fois de plus, c’est avant tout le pétrole qui fait grimper les prix. Les hausses de salaire sont en revanche toujours modestes. Ce sont de très bonnes nouvelles, mais il y a également un hic et même deux pour être exact. Le taux de participation de la population au marché du travail a ainsi fortement baissé.

Au début de l’ère Clinton qui se caractérisait par une phase d’expansion économique sensiblement longue qu’à l’heure actuelle, il était légèrement supérieur à 61% avant de nettement dépasser 64%. La récession de 2009 consécutive à la faillite de Lehman a entraîné une baisse du taux de participation aux alentours de 58%, un revers dont l’économie ne s’est jamais remise. Même aujourd’hui, après neuf ans de reprise aux Etats-Unis, les personnes en âge de travailler ne sont qu’à peine 60% à exercer effectivement un emploi.

A crédit comme partout

L’endettement massif des Etats-Unis constitue le deuxième hic. A l’époque, Bill Clinton avait profité de la dynamique économique pour réduire le taux de la dette publique des Etats-Unis au point que les Etats-Unis remplissaient (de nouveau) les critères de Maastricht dès la fin des années 1990. Plus aucun président n’y est parvenu depuis lors. Le président actuel n’y accorde sans doute aucune importance, puisqu’il vient encore d’aggraver la situation en baissant les impôts. Les recettes ne vont donc pas tarder à manquer. Le précurseur économique et bon élève présumé de la gestion decrise n’est donc pas différent des autres. Il produit de la croissance à crédit. Là encore, les Etats-Unis sont en avance sur le reste du monde. Tant qu’ils ne feront pas mine de consolider les finances publiques, les autres Etats s’en abstiendront également. Une fois de plus, le foyer de la prochaine crise est donc connu. Il s’agit de l’effet de levier des finances publiques.

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