Une hausse de taux de 75 pb, semblable à juin, mais beaucoup moins convaincante

Thomas Costerg, Pictet Wealth Management

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Bien qu’officiellement toujours portée sur l’inflation élevée, les premières concessions sur le risque de récession économique ont commencé à se profiler.

La hausse de taux de 75 points de base (portant le taux de rémunération des réserves bancaires à 2,40%) est similaire en taille à celle de juin, mais «l’enrobage» est tout autre, et en définitive beaucoup plus mesuré.

Faisant écho à cela, la Fed a cessé de donner un ordre de grandeur pour la prochaine réunion de septembre, tout en indiquant un ralentissement dans le rythme à venir. Le ton fut plutôt évasif. D’après le président Powell, il s’agira de faire du «meeting by meeting» dorénavant, ce qui veut tout et rien dire.

Pour nous la conclusion c’est que le fameux ‘pic Fed’ pourrait être atteint. Certainement pas le pic des taux, qui est encore (mais que modérément) encore au-dessus, mais le pic de la rhétorique agressive de la Fed et en particulier sa lutte acharnée contre l’inflation élevée. L’ouverture sur la prise en compte de la décélération économique (pour l’instant la Fed rejette toujours le terme de ‘récession’ en se raccrochant aux branches du marché de l’emploi encore vigoureux) est peut-être le doigt dans le trou de la digue qui pourrait se transformer en main, puis en bras.

En tout état de cause, on retrouve dans cette réunion davantage de caractéristiques de l’ADN ‘historique’ de la Fed en particulier sa vigilance contre le risque de récession et de resserrement trop rapide des conditions financières. Également à noter est le basculement de focale du président Powell pendant la conférence de presse : on passe de l’observation de l’inflation totale (‘headline’) à l’inflation sous-jacente (‘core’). Pour rappel, l’inflation sous-jacente, plus basse et moins liée aux matières premières mondiales, avait été passée sous silence en juin. C’est ce qui avait provoqué chez les observateurs une crainte de fuite en avant désordonnée à cause du contexte géopolitique (et gazo-pétrolier) actuel. Les économistes «maison» , friands du ‘core’ contre le ‘headline’, semblent avoir été davantage écoutés qu’en juin.

Concernant la prochaine réunion du mois de septembre, si le signal pointe vers une baisse de régime et en particulier un passage de 75pb à 50pb, nous pensons que la baisse de régime pourrait être plus franche avec seulement +25pb étant donné la détérioration des données économiques qui s’annonce. Le séminaire de Jackson Hole fin août sera le juge de paix, et ce seront en définitive ces signaux-là qu’il faudra surveiller. On sentait d’ailleurs que Powell ne voulait pas trop en dire cette fois-ci sentant cette échéance importante arriver.

En prenant plus de hauteur, nous continuons à douter de la poursuite des hausses de taux en 2023, telles qu’inscrites au tableau des prévisions officielles (Powell considérait celles de juin encore valides et en particulier 50pb supplémentaires en 2023). Le marché de l’emploi pourrait en effet s’inscrire dans un renversement de tendance plus prononcé qu’attendu. Deux effets nous semblent importants, d’une part l’inertie importante de l’impact économique des hausses de taux passées, et de l’autre la forte sensibilité macro-économique de l’économie américaine aux taux d’intérêt dans un contexte de dette totale (gouvernement et secteur privée) élevée. Il n’est toujours pas certain que la Fed réussisse l’atterrissage en douceur, il est en réalité peut être déjà trop tard pour ce scénario.

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