La Fed conduit en regardant dans le rétroviseur alors que la récession attend au prochain virage

Thomas Costerg, Pictet Wealth Management

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Le Réserve fédérale semble ne pas croire à un recul de l’économie, alors qu’elle est focalisée sur les chiffres montrant les demandes d’employés excédant le nombre de chômeurs.

La Réserve fédérale (Fed) devrait une nouvelle fois monter les taux de façon abrupte (0,75%) lors de sa réunion finissant le mercredi 27 juillet. La raison principale sera une nouvelle fois le malaise persistant d'une inflation très élevée dont la Fed a du mal à s’emparer et à comprendre.

Sa «fonction de réaction» c'est à dire le cadre d'analyse des données économiques a été assez erratique et changeante ces derniers temps. Récemment, la Fed semblait mettre davantage d'emphase sur l'inflation en temps réel (forcément choquante à plus de 9%) ainsi que sur les anticipations (erratiques) d'inflation des ménages, tout en balayant les prévisions de ses économistes internes montrant une forte baisse de l’inflation dans les prochains mois, ou les anticipations du marché obligataire, qui prévoient également une forte baisse. Sans le dire, la Fed est également sous pression politique intense de l’administration Biden qui elle-même cherche les solutions à cette inflation, alors même que ses racines sont justement surtout budgétaires, commerciales et géopolitiques. On pourrait se demander si la Fed néanmoins ne conduit pas trop sa politique «au rétroviseur».

La fonction de réaction historique de la Fed «moderne» c’est la préservation d’une certaine stabilité des marchés et l’évitement d’une récession, à cause de la crainte des dommages collatéraux. A ce propos, nous ne pensons pas que la Fed «souhaite» la récession comme la solution radicale pour faire chuter l’inflation. C’est simplement que pour l’instant elle semble ne pas y croire, alors qu’elle est focalisée sur les chiffres montrant les demandes d’employés excédant le nombre de chômeurs. Les signaux de récession sont plutôt à trouver dans le marché immobilier résidentiel, le trop-plein de stocks, et sur le sentiment chancelant des entreprises laissant croire à une chute imminente de l’investissement, en dehors de son radar.

L’ancienne présidente de la Fed et désormais ministre des Finances Janet Yellen a récemment laissé entendre qu’elle ne croyait pas non plus à la récession.

Dans un contexte de dette élevée, l’économie américaine (et mondiale) reste très sensible aux taux d’intérêts et il semblerait que l’on commence déjà à atteindre les limites du système. On pourrait se demander si les hausses brutales de 75 points de base étaient sages dans ce contexte de forte sensibilité et de fragilité, alors même qu’elles ne laissent pas vraiment le temps de la «digestion». En tout état de cause, les Etats Unis semblent s’acheminer dans une vraie récession de type NBER avec une montée du chômage à la clef étant donnée le resserrement des conditions financières et de crédit ces derniers mois.

Nous ne mettons pas trop de poids sur ce que dira le président Jerome Powell lors de la conférence de presse à l’issue de la réunion. Nous pensons que beaucoup peut encore changer d’ici le séminaire de Jackson Hole fin août, qui pourrait selon nous commencer à montrer un pivot vers le risque de récession et une Fed calmant ses ardeurs de resserrement monétaire.

Dans un contexte de détérioration généralisée de l’économie que l’on voit déjà dans les chiffres du PIB et dans les enquêtes de type ISM, la Fed devrait selon nous ralentir le rythme des hausses de taux à 25bps à sa prochaine réunion du mois de septembre, et par la suite. L’on voit difficilement la Fed pouvoir continuer à monter les taux en 2023. Le marché commence d’ailleurs à douter, en prévoyant des baisses de taux dès l’année prochaine. L’atterrissage en douceur promis par la Fed n’aura certainement pas lieu.

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