Un bel été se termine, ne manquons pas l’automne

Emmanuel Kragen, Kepler Cheuvreux Solutions

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Bien que moins unidirectionnel, le bull market actions devrait se poursuivre.

La plupart des classes d’actifs ont très bien traversé l’été, à l’exception des actifs émergents et de certaines matières premières. Les marchés actions américains et européens ont particulièrement bien performé, notamment les thématiques croissance et qualité. La baisse des taux d’intérêt réels a permis de soutenir des niveaux de valorisation élevés.  

Cela étant, les indicateurs macroéconomiques publiés durant l’été pointent vers un ralentissement de l’activité économique au cours des prochains mois.

Ce ralentissement est déjà perceptible en Chine, où il est accentué par les politiques de rectification et de rééquilibrage de la croissance, ainsi que par une politique sanitaire extrêmement restrictive. Ces politiques porteront leurs fruits à moyen-long terme via un renforcement des classes moyennes, mais elles pèsent sur l’activité à court terme. Un assouplissement de la politique monétaire semble probable.

Le ralentissement a également débuté aux Etats-Unis, à partir d’un niveau élevé. Le moral des ménages a chuté en août, reflétant des inquiétudes sur la poursuite de la pandémie et la hausse des prix, alors que les indemnités chômage exceptionnelles touchent à leur fin. Cette baisse de moral augure mal d’une poursuite de la baisse du taux d’épargne, qui demeure relativement élevé. Le moral des promoteurs immobiliers a lui aussi baissé, reflétant un moindre dynamisme dans le secteur de la construction résidentielle. Heureusement, le marché de l’emploi reste dynamique, et la production industrielle demeure bien orientée sous l’effet de la reconstitution des stocks. Par ailleurs, les négociations sur le plan de relance budgétaire (USD3.5tr) devraient finir par aboutir. Le ralentissement économique, logique à ce stade, devrait donc n’être que progressif.

En Europe, la dynamique économique pourrait rester robuste jusqu’au tournant de l’année, mais il faut s’attendre à un ralentissement lui aussi logique en 2022.

En Europe, la dynamique économique pourrait rester robuste jusqu’au tournant de l’année, mais il faut s’attendre à un ralentissement lui aussi logique en 2022, notamment en Allemagne. La propension des ménages à consommer y reste faible, le ralentissement chinois pèse sur les exportations et le secteur automobile souffre de la pénurie de semi-conducteurs. La campagne électorale en vue des législatives du 26 septembre reste poussive et la perspective d’une coalition Rouge-Jaune-Vert n’est guère réjouissante car elle s’assortirait d’une hausse de la fiscalité.

L’inflation reste quant à elle plutôt élevée, notamment aux stades avancés du processus de production. Elle ne devrait se normaliser que lentement. La mise en place d’une boucle prix-salaires reste assez peu probable à ce stade, mais la normalisation du marché de l’emploi est rapide et les salaires sont à la hausse. Il faut surveiller les négociations salariales qui s’ouvrent en Europe.
Dans ce contexte, il faut s’attendre à une baisse de la croissance des bénéfices des entreprises, à partir d’une base élevée. Les BPA vont continuer à progresser, mais moins vite. La croissance topline va ralentir et les marges pourraient être pincées par l’inflation, même si la plupart des entreprises répercuteront la hausse du coût de leurs intrants au consommateur final. Cette décélération des BPA implique une détérioration du couple risque / rendement sur les marchés actions, avec davantage de volatilité et une croissance des rendements qui reviendrait sur sa moyenne historique.

Nous voyons quelques risques à ce scénario central (hors risque géopolitique), notamment : un blocage sur le relèvement du plafond de la dette aux Etats-Unis (rappelons que ce dernier est impératif avant la fin septembre) ; une dégradation de la situation en Chine ; une résurgence pandémique qui s’accompagnerait de nouvelles mesures de reconfinement dans les principaux pays développés; et une remontée brutale des taux d’intérêt réels alors que la valorisation des marchés actions reste élevée.

Même si leur probabilité d’occurrence n’est pas très élevée, ces risques doivent être surveillés alors que les investisseurs actions commencent à réduire leur positionnement et que le marché n’a plus connu de baisse de plus de 5% depuis près d’un an.

A contrario, la politique monétaire ne nous semble pas constituer un risque majeur à ce stade. Elle reste globalement accommodante. Le durcissement monétaire sera progressif et endogène au cycle économique. La Fed va commencer à réduire ses achats de titres, probablement dès cette année. Powell l’a confirmé à Jackson Hole, mais il a pris soin de dissocier la réduction des achats de titres de la remontée des taux d’intérêt. Les anticipations de hausses des taux directeurs (1 hausse fin 2022, 2 hausses en 2023) sont restées stables. Elles semblent dans l’ensemble raisonnables.

Au total, le bull market actions va se poursuivre, bien que probablement de façon moins unidirectionnelle qu’au cours des 18 derniers mois. La traversée de l’automne pourrait être moins calme que celle de l’été, mais l’essentiel est que nous restons en phase d’expansion économique : cette phase est historiquement favorable aux marchés actions.

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