Actions émergentes: une sortie vers le haut?

Emmanuel Kragen, Kepler Cheuvreux Solutions

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La dynamique de flux redevient positive sur la classe d’actifs depuis le début de l’année.

Depuis le début de l’année, les actions émergentes déçoivent: en dollars et en total return, la hausse du MSCI EM se limite à 7% au premier semestre contre 13% pour le MSCI World.

Cette sous-performance est d’autant plus surprenante que les marchés émergents sont habituellement un levier sur la croissance mondiale: ils tendent à surperformer dans les phases de croissance de l’activité, telle que celle que nous connaissons actuellement. Cela a été notamment le cas lors de la première moitié des années 2000, en 2009-2010 et en 2016-2017. La seule exception depuis 20 ans aura été 2013-2014, dans un contexte de craintes de remontée des taux américains (le fameux «taper tantrum» de Bernanke). A cet égard, la remontée des taux réels américains enregistrée depuis le début de l’année, même très lente, ne constitue pas un bon signal pour la classe d’actifs. 

Le positionnement des investisseurs reste modéré en comparaison historique.

Il est vrai que les pays émergents, à l’exception notable de ceux du Nord-Est asiatique, ont payé et paient encore un lourd tribut à la crise sanitaire. Il est vrai aussi que la gouvernance macro-économique et politique s’est détériorée dans un certain nombre de pays ces dernières années, et que les fondamentaux se sont plutôt affaiblis (e.g. hausse de l’endettement privé et public; creusement des déficits; hausse du risque bancaire).

Pourtant, les éléments positifs ne manquent pas. 

En dépit de la dynamique de flux positive que nous observons sur la thématique depuis le début de l’année, le positionnement des investisseurs reste modéré en comparaison historique, ce qui est plutôt un signal positif d’un point de vue contrariant.

La valorisation relative est également assez favorable: les actions émergentes se négocient avec une décote de 35% par rapport aux actions développées en termes de Price-to-Book, contre une décote historique de 25% en moyenne depuis 1997. Il est vrai qu’il y a beaucoup de dispersion en termes de valorisation. Si l’Afrique du Sud, la Turquie et le Brésil sont bon marché (et on comprend pourquoi), la Chine ou l’Inde se négocient sur des multiples largement supérieurs à ceux des dernières années.

De même, la dynamique de révisions bénéficiaires est positive en absolu, en ligne avec celle observée dans les pays développés. Qui plus est, les attentes pour 2022 apparaissent relativement raisonnables, en hausse de tout juste 10% par rapport aux attentes 2021. On notera au passage que cette bonne dynamique de BPA reflète avant tout une bonne dynamique des marges d’EBITDA, les chiffres d’affaires ayant tendance à stagner au cours des derniers mois.

La dynamique la plus intéressante et la plus solide
est probablement celle des pays asiatiques.

Là encore, un examen plus détaillé révèle des tendances sous-jacentes disparates. La Russie et un certain nombre de pays d’Amérique Latine (Chili, Colombie, Pérou – au demeurant faiblement valorisés) enregistrent une belle dynamique bénéficiaire, grâce notamment à la hausse des cours des matières premières. Mais la dynamique la plus intéressante et la plus solide est probablement celle des pays asiatiques, qui sont au cœur de la hausse des BPA du MSCI EM. Là aussi, beaucoup de dispersion en 2021. Taiwan et la Corée continuent sur leur lancée de 2020 et affichent de très belles progressions. L’Inde se repositionne après une année 2020 compliquée. La Thaïlande et les Philippines souffrent visiblement de la baisse de leurs recettes touristiques. Quant à la Chine, qui représente 37% de l’indice MSCI Emerging Markets, la dynamique déçoit depuis le début de l’année. 

On peut expliquer cette stagnation par plusieurs facteurs, notamment: la volonté des autorités chinoises de refroidir la croissance de l’activité; la modération de la consommation des ménages dans un contexte de vaccination assez lente; et enfin la campagne de «rectification» lancée par les autorités à l’encontre des grands monopoles. Les entreprises concernées par cette politique anti-trust représentent environ le tiers du MSCI China en termes de capitalisation. Cela étant, ces facteurs devraient finir par se dissiper et un certain nombre de thèmes séculaires restent porteurs pour un investisseur désireux de se positionner sur la Chine (e.g. la santé, l’environnement, l’innovation technologique, mid caps…).

Un investissement en actions émergentes peut donc se faire sur la base de la sélectivité: comme pour les pays développés, la performance des prochains trimestres devrait être plus le fait d’un alpha de sélection (pays / secteur / thématique) plutôt que simplement dictée par le beta.

 

Sources: Bloomberg, Kepler Cheuvreux au 1er juillet 2021. Les performances passées ne constituent pas un indicateur de performances futures.
 

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