Et à l’Est, quoi de neuf?

Emmanuel Kragen, Kepler Cheuvreux Solutions

2 minutes de lecture

Le marché actions japonais sous-performe depuis mars: privilégions le picking sectoriel.

Après une performance plus que correcte en 2020 et un très bon premier trimestre en 2021, le marché actions japonais (indice Topix) est à la peine depuis la fin du mois de mars et sous-performe assez nettement ses homologues développés. 

Cela peut surprendre: c’est un marché cyclique, fortement pondéré en valeurs industrielles et de consommation (un peu moins de la moitié du Topix!), et plutôt correctement valorisé, à la fois par rapport à son historique propre et par rapport à la plupart des autres marchés actions développés (UK et Canada mis à part). L’indice MSCI Japan se négocie ainsi 16x les bénéfices attendus à 12 mois contre 21x pour le S&P500 ou 17.5x pour l’EuroStoxx. Les autres métriques de valorisation (Price-to-Book, Valeur d’entreprise / EBITDA…) donnent des résultats similaires. 

Par ailleurs, les bénéfices par action des entreprises japonaises progressent correctement, en ligne avec ceux des entreprises européennes. Rappelons que depuis la mise en place en 2015 du Japanese Corporate Governance Code, la gouvernance d’entreprise s’est améliorée avec, entre autres, une plus grande attention portée aux actionnaires dont témoigne une nette hausse du taux de dividende.

Le yen baisse en raison de la mise en œuvre
de stratégies de carry trade financées en yens.

Qui plus est, pour le Japon, le retour de l’inflation est en soi une très bonne nouvelle. Depuis 30 ans, le Japon fait face à des pressions déflationnistes récurrentes bien que les autorités japonaises n’aient pas mégoté sur les dépenses budgétaires et le soutien monétaire. C’est pourquoi le marché actions japonais bénéficie traditionnellement de la hausse des anticipations d’inflation. Le Topix avait d’ailleurs fortement surperformé lors de la précédente phase d’espoirs reflationnistes en 2017. 

Enfin, le yen baisse (-7% en change effectif depuis le début de l’année) en raison de la mise en œuvre de stratégies de carry trade financées en yens: dans un contexte de répression financière, les épargnants japonais n’hésitent pas à acheter des devises rémunératrices (e.g. dollar australien, devises émergentes) pour tenter de dynamiser leurs portefeuilles obligataires. Or, la baisse du yen est positive pour les bénéfices des entreprises japonaises, fortement exportatrices.

Bref, le marché actions japonais devrait donc bien se comporter dans l’environnement actuel, caractérisé par un rebond fort de la croissance mondiale, une hausse des anticipations d’inflation, une baisse de la devise et une remontée des taux longs.

Plusieurs éléments se conjuguent pour expliquer la sous-performance récente:

  1. un soutien moins marqué de la BoJ au marché actions: cette dernière a en effet cessé ses achats d’ETFs au début du printemps, avant d’être forcée de les reprendre quelques semaines plus tard. 
  2. la hausse des tensions géopolitiques entre la Chine, Taiwan et les Etats-Unis. 
  3. la difficulté à circonscrire les résurgences épidémiques: certes, le nombre de nouvelles contaminations reste faible par rapport à ceux enregistrés en Europe ou aux Etats-Unis, mais les autorités ont dû maintenir des mesures de restrictions importantes, notamment à Tokyo, alors même que la campagne de vaccination est très lente.
Après avoir dû tant bien que mal faire face à plusieurs affaires, Yoshihide Suga
doit affronter l’hostilité de la population à la tenue des Jeux Olympiques cet été.

Mais le principal sujet semble être d’ordre politique. Des élections législatives auront lieu cet automne, et le premier ministre Yoshihide Suga a du mal à s’affirmer comme un leader crédible. Après avoir dû tant bien que mal faire face à plusieurs affaires (démission du résident du comité d’organisation des JO; non-respect du couvre-feu; conflit d’intérêt impliquant son fils…), il doit affronter l’hostilité de la population à la tenue des Jeux Olympiques cet été. Le risque est donc fort que le Japon renoue avec un cycle de premiers ministres éphémères comme cela a été le cas au cours des 30 dernières années. Les deux seules exceptions ont été Junichiro Koizumi (5 ans entre 2001 et 2006) et Shinzo Abe (8 ans entre 2012 et 2020). Sans surprise, ce sont les seuls à avoir été capables de mettre en œuvre des réformes structurelles, créant ainsi un narratif fort, permettant d’attirer les investisseurs étrangers. 

Pour autant, si les indices actions headline japonais déçoivent, tout n’est pas perdu pour les investisseurs qui s’intéressent au Japon. Un certain nombre de secteurs affichent en effet des performances plus que satisfaisantes et qui permettent de diversifier efficacement un portefeuille d’actions internationales. L’équipement de transport, les chantiers navals, les instruments de précision, l’équipement électrique, les financières… tous ces secteurs bénéficient du contexte porteur actuel.

A lire aussi...