L’ironie est palpable: après avoir abandonné son pilotage des anticipations l’année dernière, la BCE s’est engagée à procéder à des hausses «importantes» à un «rythme régulier».
Il n’y a pas grand-chose à ajouter à nos prévisions mentionnées ci-dessous, après que la BCE a procédé à un relèvement des taux de 50 points de base et annoncé explicitement une nouvelle hausse de 50 points de base en mars. Bien sûr, l’ironie est palpable: après avoir abandonné son pilotage des anticipations l’année dernière, la BCE s’est engagée à procéder à des hausses «importantes» à un «rythme régulier», y compris une nouvelle hausse de 50 points de base le mois prochain. Et si cet engagement n’est «pas irrévocable», comme l’a fait valoir Christine Lagarde, quel est alors l’intérêt d’un tel engagement?
Il y a beaucoup plus à dire sur la réaction mitigée du marché à l’issue de la conférence de presse de la BCE, y compris à l’égard de certaines similitudes avec la Fed et la BoE. Aucune de ces banques centrales n’a adopté une politique expansive. Mais aucune d’entre elles n’a appliqué non plus une politique plus restrictive que prévu. En particulier, Lagarde, Powell et Bailey n’ont pas fait preuve de suffisamment de fermeté à l’égard des prix du marché pour modifier les anticipations. Il était nettement plus facile pour les banques centrales d’orienter les attentes du marché au début du cycle de resserrement. Il semble beaucoup plus difficile pour elles de s’opposer aux anticipations de baisses de taux dans la phase descendante, même si Christine Lagarde a essayé, en insistant sur l’engagement de la BCE de «maintenir le cap», car le travail de la banque centrale n’est «pas terminé».
Malgré cet engagement, un certain nombre de nouveaux éléments ont contribué à faire flotter une parfum d’expansionnisme:
Premièrement, comme prévu, la BCE ne s’est pas engagée sur une trajectoire de taux spécifique au-delà de mars. Les décisions futures dépendront, comme il se doit, des statistiques économiques. Selon les propres termes de la BCE, le conseil des gouverneurs «évaluera la trajectoire future de sa politique monétaire» selon une approche au cas par cas.
Deuxièmement, la BCE a ajusté son évaluation des risques en notant que les risques qui pèsent sur la croissance et l’inflation étaient devenus «plus équilibrés». En ce qui concerne l’inflation, il s’agit d’une surprise et le constat pourrait bien s’avérer prématuré, même si Christine Lagarde a ajouté par la suite que le processus désinflationniste n’était pas encore à l’œuvre (pique contre Jay Powell).
Troisièmement, la BCE a reconnu la transmission efficace de sa politique monétaire par le biais du crédit, Christine Lagarde mentionnant à plusieurs reprises la faiblesse des flux de crédit et l’enquête sur la distribution du crédit bancaire.
Quatrièmement, la BCE continuera de surveiller de près les salaires, mais le fait que l’accent ne soit pas mis davantage sur les anticipations inflationnistes laisse penser que l’enquête auprès des prévisionnistes professionnels, qui sera publiée ce vendredi, devrait anticiper des taux inférieurs aux points morts d’inflation et aux données d’autres enquêtes.
Cinquièmement, l’insistance de Christine Lagarde quant à la nécessité d’un compromis et d’un consensus semble mettre en évidence un désaccord croissant au sein du conseil des gouverneurs. Certains de ses membres favorables à une politique expansionniste ont d’ores et déjà préconisé un rythme de resserrement plus graduel au fur et à mesure du relèvement des taux. L’accent mis par Christine Lagarde sur la recherche d’un consensus serait cohérent avec une approche plus prudente au-delà du mois de mars, à moins que l’inflation sous-jacente ne reste supérieure aux prévisions.
En ce qui concerne le resserrement quantitatif (QT), la BCE a publié de nouvelles orientations relatives au réinvestissement partiel de son programme d’achat d’actifs (APP), qui se traduira par une réduction moyenne des avoirs de 15 milliards d’euros par mois. Etant donné que les remboursements mensuels intervenant dans le cadre de l’APP dépasseront l’objectif de 15 milliards d’euros entre mars et juin 2023, les montants restant à réinvestir seront répartis en portion de la part des remboursements dans chaque programme (PSPP, ABSPP, CBPP3 et CSPP). S’agissant des obligations d’entreprise (CSPP), la BCE a décidé d’orienter les réinvestissements vers les émetteurs présentant une meilleure performance climatique (QT vert).
En fin de compte, les acteurs du marché devraient désormais se concentrer sur les données économiques, à commencer par la dynamique de l’inflation sous-jacente au début de l’année. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les dernières données sont contrastées et qu’il n’y a pas encore de signes d’un relâchement durable de la pression sous-jacente sur les prix. Plus l’économie est résiliente, ou plus la politique budgétaire est accommodante, plus il y a de chances que la BCE doive durcir sa politique monétaire au-delà des attentes du marché cette année.
Notre scénario de base reste inchangé concernant la BCE, qui devrait relever le taux de dépôt à 3,50% en mai. Mais il n’est pas exclu qu’elle revienne à des hausses de taux de 25 points de base.