Ultime sommet

Martin Neff, Raiffeisen

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Angela Merkel a mis l’Europe dans le pétrin concernant les réfugiés, même si rares sont ses compagnons de route européens qui ont le droit de le lui faire remarquer.

L’Europe est une nouvelle fois mise à l’épreuve. Il est malheureusement fort probable qu’elle sera confrontée à un échec. Comme toujours quand il s’agit de frapper un grand coup et que tous les Etats de la zone euro sont plus ou moins concernés. La communauté ou union est alors vite oubliée dans la plupart des cas. Il en va de même de la question des réfugiés, littéralement l’ultime sommet des Etats de la zone euro.

Exceptionnellement, il n’a pas été question des Grecs, du moins pas directement. Ces derniers seraient désormais sur la bonne voie, annonçait-on ainsi fièrement à Bruxelles. L’agence de notation américaine Standard & Poors l’a confirmé avant-hier, en relevant l’évaluation de solvabilité de la Grèce à B+ et en attestant de perspectives positives pour le pays. Tout semble donc rentré dans l’ordre pourrait-on penser, mais tant s’en faut. 

Pas un mot sur le fait que le chômage soit encore supérieur à 20% en Grèce.

Pas un mot sur le remède de cheval administré au peuple grec dont les revenus ont en moyenne chuté d’un bon tiers depuis la crise. Pas un mot sur le fait que le chômage soit encore supérieur à 20% et que près de 60% des nouveaux emplois soient à temps partiel ou précaires. Nul mention également du fait que les Grecs sont de plus en plus souvent contraints de vendre leurs terres, leurs appartements ou leurs maisons et que cela ne fonctionne que parce qu’ils offrent un visa pour l’espace Schengen en plus lors de l’achat. Mais c’est de l’histoire ancienne. N’oublions pas que le journal allemand Bild avait déjà suggéré la vente forcée dès le mois d’octobre 2010, en titrant: «Vendez donc vos îles, vous les faillis grecs».

Il est une fois de plus question des réfugiés 

Il n’est pas non plus question de l’Italie, du moins directement. Durant un court laps de temps, les dettes ou les déficits de notre voisin méridional ne sont pas à l’ordre du jour. Bruxelles préfère préparer les vacances d’été. Ce serait trop demander que de s’occuper auparavant de choses essentielles telles que l’encroutement de la zone euro. Cela fait tout de même des années que l’on discute en vain de la création pourtant urgente d’une union fiscale, il reste donc encore un «peu» de temps. Une union politique serait certes encore préférable, mais par qui serait-elle gouvernée? Emmanuel Macron le voudrait à 100%, mais Angela Merkel ne voudrait pas de lui, d’autres ne le voudraient pas de toute façon et ne seraient pas eux-mêmes candidats. 

Pour finir, Jean-Claude Juncker se proposerait, lui qui fait partie des conquérants de premier plan en Europe et qui s’intéresse sans doute moins à la chose qu’à lui-même. A l’instar d’Angela Merkel, mais pour d’autres raisons, il a d’ailleurs estimé qu’il était de nouveau temps de parler des réfugiés. Car ils sont encore des milliers à errer en Méditerranée et sur les voies terrestres parfois barrées. Simplement, plus personne n’en veut. Les Grecs sont à bout et les Italiens ne veulent plus être les seuls à assumer toute cette misère. Quant à Angela Merkel, l’eau lui arrive jusqu’au cou dans cette question des réfugiés. Le gouvernement de coalition qu’elle a mis si longtemps à établir pourrait bien se briser sur le différend avec la CSU concernant les réfugiés. Son héritage historique serait rapidement de l’histoire ancienne. Autant organiser un sommet et faire patienter le peuple ensuite.

Le modèle Trump?

Angela Merkel a mis l’Europe dans ce pétrin, même si rares sont ses compagnons de route européens qui ont le droit de le lui faire remarquer. Ils vont en revanche tous devoir trinquer. Avec son message émotionnel «Nous y arriverons», Merkel avait révélé l’incapacité de cette union d’Etats européens à résoudre durablement des problèmes ensemble. La marche arrière devrait donc prochainement être enclenchée. 

Le printemps des réfugiés est donc bel et bien terminé,
les règles devraient se durcir et l’Europe devrait littéralement «externaliser» le problème.

La culture de l’accueil est déjà un lointain souvenir. Durant quelques jours, c’était sans doute tendance d’accueillir des réfugiés à la frontière allemande et d’engranger leur gratitude. Un instant, les sentiments sont même allés au-delà de la seule compassion et une solidarité nationale a semblé se mettre en place. Mais elle s’est brisée dès que les Allemands ont dû se rendre à l’évidence que les réfugiés n’entendaient pas seulement rester pour une nuit et se sont même mis à agresser leurs femmes. Il a dès lors suffit que quelques-uns d’entre eux commettent des délits pour que le vieux réflexe des «étrangers dehors» pointe le bout de son nez. 

L’échec du mini-sommet de Bruxelles n’est donc pas une surprise. Même si le premier ministre italien Conte a laissé entendre qu’il pourrait y avoir un changement radical dans la gestion de la question des réfugiés et qu’Angela Merkel a constaté: «nous sommes tous responsables», tous deux ont au fond affirmé: «nous n’arrivons à rien». L’Italien voulait être moins responsable, l’Allemande refusait de l’accepter sans autre forme de procès. Le printemps des réfugiés est donc bel et bien terminé, les règles devraient se durcir et l’Europe devrait littéralement «externaliser» le problème. D’une part à Frontex, autrement dit les gardes-côtes et gardes-frontières européens, d’autre part à des pays tiers, tels que la Libye ou le Niger. La procédure n’est pas sans rappeler la gestion du problème par Donald Trump, qui est pourtant la tête de Truc de bien des Européens. Ils ne vont cependant pas tarder à faire de même. Loin des yeux, loin du cœur.

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