Trump saura-t-il danser la valse à trois temps du pétrole?

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Après les taux négatifs, c’est donc au tour d’un actif réel de voir l’échelle de ses prix s’inverser: il faut payer pour vendre et on reçoit de l’argent quand on achète.

Moins 37 dollars! Voilà le prix hallucinant atteint le 20 avril au soir par le baril de pétrole brut léger américain livrable fin mai. Après les taux négatifs, c’est donc au tour d’un actif réel de voir l’échelle de ses prix s’inverser: il faut payer pour vendre et on reçoit de l’argent quand on achète.

Bien sûr, il ne faut pas exagérer la signification de cet événement. Ce phénomène exceptionnel est dû en premier lieu à la combinaison des caractéristiques particulières des échanges financiers sur le pétrole et de la saturation rapide des capacités de stockage physique aux Etats-Unis.

Le marché du pétrole est en effet un marché uniquement piloté par des contrats dits «futurs» qui impliquent une livraison physique à la fin de l’échéance mensuelle… soit le 22 avril pour l’échéance de mai. Faute de place, à la fois dans le centre de Cushing dans l’Oklahoma, ou dans les tankers qui servent de «centre de délestage», les détenteurs de contrats se sont précipités pour vendre avant l’échéance, prêts à payer pour se débarrasser de ces contrats de livraison bien encombrants.

Cette instabilité des cours du pétrole, si elle venait
à perdurer, pourrait provoquer des ricochets.

Mais ne nous arrêtons pas au premier temps du raisonnement. Car cette marque historique de -37 dollars n’est pas uniquement une conséquence de facteurs techniques et conjoncturels. Elle est également le symbole de l’absence de coordination internationale dans le cadre d’une économie mondiale profondément incertaine quant au rythme de la reprise espérée par l’ensemble des acteurs économiques et de marchés.

La demande mondiale d’or noir s’est en effet effondrée de plus de 20% - soit 20 millions de barils par jour - avec l’irruption du COVID-19. Aux Etats-Unis, on estime à 2 millions de barils par jour la production excédentaire par rapport aux besoins des raffineries.

Et la montée des rivalités entre la Russie, l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis pour la domination de la scène énergétique mondiale, a accéléré la dislocation du marché. Malgré un accord a minima arraché le week-end du 11 avril pour réduire la production, la perspective d’une coopération quasi inexistante entre les grandes puissances pétrolières n’a pas permis de stabiliser durablement les cours.

Cette instabilité des cours du pétrole, si elle venait à perdurer, pourrait provoquer des ricochets. D’abord aux Etats-Unis, où l’industrie pétrolière représente, dans certains Etats comme le Texas, près de la moitié des investissements industriels, mais aussi en Asie: le 19 avril, un des premiers courtiers mondiaux en pétrole, le singapourien Hin Leong, se déclarait en faillite, semant le doute sur 4 milliards de dollars de créances et sur le statut du pétrole stocké à bord des quelques 100 tankers appartenant à sa filiale Ocean Tankers.

Néanmoins, des signaux positifs apparaissent: l’Arabie Saoudite se déclare désormais prête à anticiper ses promesses de réduction de production et la Russie a proposé, via son premier ministre Dimitri Medvedev, de stabiliser le marché via des contrats fermes d’engagement de paiement et de livraison (type «take or pay»). Reste le plus compliqué : convaincre Trump de rejoindre cette approche coopérative!

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