Virus sous contrôle, croissance au rendez-vous, marchés financiers attractifs… La Chine, casse-tête des investisseurs responsables?
A l’heure où il n’est question sur nos écrans que de «deuxième vague» de la pandémie, de lits d’hôpitaux et de lassitude grandissante devant les mesures de distanciations et de contraintes de déplacements, la Chine vient de célébrer sa fête nationale. Durant la semaine de célébrations, plus de 400 millions de personnes ont voyagé à travers le pays, sous contrôle strict mais sans rebuffades.
Les réunions du FMI et de la Banque Mondiale qui s’ouvrent cette semaine à Washington devraient confirmer la remarquable performance économique de la Chine cette année. Après le creux du printemps, l’économie chinoise affichera une croissance modeste certes, mais bien rare en 2020, alors que contrairement à 2008, les autorités sont loin d’y avoir injecté des sommes colossales.
Bref, tout va très bien Monsieur Xi! La pandémie est sous contrôle et l’influence du pays se mesure un peu plus chaque jour et sur de nombreux fronts. Du côté des marchés, la dette publique chinoise est désormais référencée dans les index obligataires mondiaux1. Avec un taux de près de 3%, les investisseurs affluent. La Chine, premier créditeur international, trouvera là de quoi compenser les pertes qu’elle risque d’encourir cette année auprès de ses «clients», un bien modeste sacrifice pour étendre sa politique d’influence. La Banque Centrale de Chine tente de limiter l’appréciation du yuan, en relâchant les conditions de détention et d’achats de dollars. Le chaos pré-électoral américain et l’espoir d’apaisement des relations commerciales avec un Joe Biden à la tête des Etats-Unis entretiennent l’appétit pour la devise.
d’avec les Etats-Unis se précise chaque jour un peu plus.
Fort de ces succès, le Président Xi entend inaugurer un nouveau «cycle de développement dual» s’appuyant à la fois sur l’économie domestique et sur le cycle mondial. Disons-le, l’emprise du pouvoir central à l’intérieur, et ses avancées à l’extérieur, n’ont jamais été aussi impressionnantes. La pandémie a clairement accru le contrôle technologique de l’Etat sur la société réalisant l’improbable synthèse entre le «Meilleur des Mondes» et «1984». La Banque Centrale de Chine s’apprête à tester ses e-yuan, en créditant, sous forme de loterie parmi des citoyens bien notés, cette monnaie électronique (l’équivalent d’une trentaine de dollars) à dépenser chez quelques 3300 commerçants partenaires d’ici le 18 octobre. Le e-yuan, ne peut être échangé ni entre particuliers, ni contre du cash. Lancé à plus grande échelle, le e-yuan échappera au système de compensation SWIFT, mais pas aux autorités du pays…
Sur le plan extérieur, la Chine poursuit son jeu de Go stratégique et s’engage, parfois agressivement, parfois avec modération, dans tant de directions qu’on peine à les inventorier ici. Le socialisme aux caractéristiques chinoises, comme le qualifie le Président Xi, sera donc omniscient, omnipotent et global. Serait-ce la version du socialisme à visage humain tant espérée? Et même à visage vert, puisque les autorités s’engagent sur la voie de la réduction des gaz à effet de serre d’ici 2060! Que demander de plus?
Mais de la Route de la Soie, aux empiètements en Mer de Chine, de Hong Kong, au Xinjiang, à la promotion de la technologie nationale auprès de ses débiteurs – le Brésil tout récemment, un bastion de la Doctrine Monroe - la présence chinoise se fait sentir un peu partout.
La perspective d’un «découplage» technologique d’avec les Etats-Unis se précise chaque jour un peu plus et la prochaine administration américaine quelle qu’elle soit, n’y changera rien. Ainsi, les Etats-Unis de Donald Trump, pourtant si mal vus, sont en train de rallier une «quad» formée par l’Australie, le Japon et l’Inde. La pandémie a renforcé la méfiance du monde développé à l’égard de la Chine et de son Président ; la dernière enquête du Pew Research Center2 en rend largement compte. Mais beaucoup reconnaissent aussi sa puissance grandissante.
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