Tour d’horizon de la fiscalité internationale

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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L’actualité continuera d’être riche tant en matière de transparence que de répartition du droit d’imposer.

En 2023, les discussions de fiscalité internationale ont surtout tourné autour de l’imposition des travailleurs frontaliers. Le télétravail de ceux-ci a aussi fait l’objet d’accords suite à la fin des régimes d’exception liés à la pandémie de coronavirus. Il n’y a malheureusement pas de solution uniforme avec les pays voisins, et les règles de sécurité sociale divergent elles aussi. Il convient donc d’examiner chaque cas séparément, par exemple à l’aide de sites comme celui de la FER-Genève. En outre, la question restera d’actualité en 2024, car le Parlement fédéral devra approuver l’avenant à la CDI avec la France signé le 27 juin 2023.

Un autre thème majeur est bien sûr l’imposition minimale des grandes multinationales, que le Conseil fédéral a partiellement mis en œuvre en Suisse dès le 1er janvier 2024. Les entités suisses des groupes concernés devront payer au moins 15% d’impôt sur le bénéfice en Suisse, sur leurs revenus calculés selon les règles de l’OCDE – ce qui n’ira pas sans complication. Cela évitera que nombre de pays de l’UE ainsi que le Royaume-Uni puisse prélever des impôts sur les filiales suisses de leurs grands groupes. En revanche, la Suisse comme de nombreux autres Etats n’a pas encore décidé d’imposer les filiales à l’étranger des grands groupes suisses. Les développements internationaux à ce sujet en 2024 seront passionnants à suivre.

L’échange automatique de renseignements (EAR) va être étendu aux crypto-actifs.

Il est un autre standard de l’OCDE dont le développement est passé plus inaperçu: l’échange automatique de renseignements (EAR) va être étendu aux crypto-actifs. Le 10 novembre 2023, 48 Etats dont la Suisse, les membres de l’UE (via DAC8), le Royaume-Uni et ses dépendances, Singapour et même les Etats-Unis se sont engagés à mettre en œuvre le «cadre de déclaration des crypto-actifs» (CDC) d’ici au 1er janvier 2026, pour un premier échange en 2027. Le CDC portera sur les valeurs cryptographiques à but d’investissement ou de paiement (p. ex. le Bitcoin), mais pas sur les monnaies de banque centrale ni sur les stablecoins (jetons adossés à une monnaie fiat). Les nouveaux ETF sur le Bitcoin tomberont sous le coup de l’EAR, mais pas du CDC, tandis que les valeurs tokenisées (comme les obligations sur SDX) devront faire l’objet des deux types d’annonce. La différence est importante, car le CDC imposera de rapporter les transactions, pas les revenus ou la fortune. Plus de détails seront donnés lors de la consultation sur la révision de la LEAR ce printemps.

En octobre prochain, cela fera dix ans que le Conseil fédéral a approuvé un mandat de négociation avec les Etats-Unis pour passer à un accord FATCA de Modèle 1. Pour rappel, la Suisse avait négocié en 2014 un Modèle 2 non-réciproque parce qu’elle résistait encore à l’époque à l’EAR. D’après un message du SFI sur LinkedIn, les négociations auraient été conclues le 13 novembre 2023. La signature de l’accord de Modèle 1 devrait intervenir ce printemps. Il est important de noter que le Congrès américain n’aura pas besoin de ratifier cet accord, car il a déjà autorisé le Trésor américain à le signer. Le Parlement suisse devra le ratifier, et la loi d’application de FATCA devra être modifiée. Ce n’est donc sans doute pas avant 2027 que l’échange sera vraiment automatique et réciproque avec les Etats-Unis, sans plus de contacts entre les banques suisses et l’IRS. La réciprocité américaine restera cependant limitée aux informations que les banques américaines doivent transmettre à l’IRS, pour l’instant les seuls revenus de source américaine.

L’Union européenne n’est pas en reste non plus, de nombreux projets de directives fiscales y sont en cours. Sans prétendre à l’exhaustivité, en voici quelques-unes qui pourraient avoir un impact sur les entreprises suisses:

  • UNSHELL: troisième itération de la directive contre l’évasion fiscale (ATAD III), pour identifier les sociétés européennes «boîtes aux lettres», suite aux Panama Papers.
  • SAFE: acronyme pour «Securing the Activity Framework of Enablers », afin d’étendre DAC6 et UNSHELL à des acteurs hors UE.
  • FASTER: pour simplifier le dégrèvement ou le remboursement des impôts à la source – cela reprend le vieux projet TRACE de l’OCDE, mais vise aussi à contrer les abus comme ceux des cas «cum / ex».
  • BEFIT: pour une base d'imposition harmonisée et consolidée au niveau de l’UE pour les groupes visés par le Pilier 2 de l’OCDE.
  • TTF: projet de taxe sur les transactions financières unifiée, facultative, qui remplacerait les TTF existantes dans les pays qui en ont déjà une.

L’inconvénient de tous ces projets est que l’unanimité de tous les Etats Membres de l’UE est requise pour les faire aboutir. Cela permet à certains pays de faire pression et d’obtenir des concessions pour lever leur «veto». La Commission européenne aimerait bien supprimer l’exigence de l’unanimité en matière fiscale, mais y parviendra-t-elle?

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