Qui veut de la soupe aux lettres?

Jan Langlo, Association de Banques Privées Suisses 

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La débâcle de Credit Suisse montre que davantage de liquidités doivent être disponibles en cas de besoin.

Les premiers rapports parus à ce jour confirment que Credit Suisse n’a pas eu un problème de fonds propres, mais bien de liquidités. En effet, des retraits massifs de fonds par les clients d’une banque impliquent que celle-ci dispose d’actifs liquides pour pouvoir y donner suite. Or une banque ne peut pas casser des crédits conclus pour une longue durée pour récupérer les dépôts de ses clients! C’est alors qu’intervient la Banque nationale suisse (BNS), qui agit en tant que «prêteur de dernier recours». Dans le cas de Credit Suisse, celle-ci l’a fait de différentes façons, qu’il convient de bien distinguer:

  • ELA: acronyme pour «Emergency Liquidity Assistance». C’est le mécanisme de base prévu aux fins du financement d'une aide extraordinaire de la BNS sous forme de liquidités, contre la fourniture de sûretés. Credit Suisse pouvait emprunter jusqu'à 50 milliards de francs dans ce cadre. Au-delà, les règles ne reconnaissaient pas les actifs de Credit Suisse comme des sûretés acceptables. La BNS propose maintenant d’accepter les hypothèques enregistrées sur le site Terravis. C’est un bon premier pas, mais d’autres crédits pourraient aussi être pris en considération. Il est aussi important d’élargir l’accès à l’ELA à toutes les banques suisses. Actuellement, seules les banques systémiques y ont accès, ce qui est une particularité suisse. Non seulement cela renforcerait la sécurité de toute la place financière, mais cela permettrait aussi de repousser, voire d’éviter le moment où l’Etat doit intervenir (voir PLB ci-dessous).
  • ELA+: un prêt d'aide supplémentaire sous forme de liquidités jusqu’à 100 milliards de francs que la BNS a accordé à Credit Suisse et à UBS. Ce montant ne bénéficiait pas d'une garantie de l'Etat, mais était assorti d’un privilège des créances, i.e. aurait figuré en deuxième classe en cas de faillite, après le paiement des salaires et des cotisations sociales. Un tel mécanisme a été créé par le Conseil fédéral en vertu du droit d’urgence, car l’ELA ordinaire ne suffisait pas (faute de sûretés éligibles en suffisance). Ce prêt a été résilié et le Conseil fédéral ne propose pas d’introduire l’ELA+ dans le droit ordinaire. Il est à espérer qu’il ne sera plus nécessaire.
  • PLB: acronyme pour «Public Liquidity Backstop», ou mécanisme public de garantie des liquidités. Cela signifie que la Confédération garantit la créance de la BNS, quand elle prête à une banque davantage que ne le prévoit l’ELA. Dans le cas du Credit Suisse, il s’est agi d’un autre montant maximum de 100 milliards de francs. Le Conseil fédéral a aussi autorisé cette garantie au moyen du droit d’urgence. Il avait cependant commencé les travaux visant à introduire cet instrument en droit suisse en mars 2022 déjà. A l'échelle internationale, un tel mécanisme fait partie du dispositif standard de gestion de crise pour les banques systémiques. Le Conseil des Etats est en train d’examiner son introduction dans le droit ordinaire. Les banques privées soutiennent la pérennisation de cet instrument, mais relèvent que l’existence de cette garantie étatique en dernier recours constitue un avantage concurrentiel que le paiement d’une indemnité annuelle forfaitaire n’efface pas. Il est au contraire plus important que d’éventuelles futures réglementations bancaires tiennent compte de cette distorsion en allégeant les exigences pour les banques non systémiques.
La Confédération n’a ainsi pas déboursé un centime pour sa participation à la reprise de Credit Suisse, elle a même gagné environ 200 millions de francs d’indemnités.

Pendant l’opération de sauvetage, c’est un total de 168 milliards de francs (sur un maximum de 250 milliards) qui ont été prêtés à Credit Suisse et UBS et remboursés. UBS a aussi résilié le contrat de garantie qui portait sur 9 milliards de francs de pertes éventuelles. La Confédération n’a ainsi pas déboursé un centime pour sa participation à la reprise de Credit Suisse, elle a même gagné environ 200 millions de francs d’indemnités.

Pour être complet, on rappellera que 21 des 24 banques cantonales bénéficient aussi d’une garantie étatique (cantonale), qui couvrent toutefois les pertes d’un établissement, pas ses sorties de liquidités. Seuls les cantons de Berne, de Genève et de Vaud n’accordent plus ces garanties, après être déjà passés une fois à la caisse. Les banques cantonales de Soleure (vendue à l’ancienne SBS) et d’Appenzell Rhodes-Extérieures (vendue à UBS) n’ont pas pu être sauvées, car cela aurait dépassé les capacités financières de leurs cantons propriétaires respectifs. Comme le rappelle Avenir Suisse, les garanties d’Etat des banques cantonales présentent de grands risques, car leurs bilans atteignent de 4 à 20 fois les dépenses annuelles de leurs cantons propriétaires. Et même si ces garanties sont indemnisées (sauf au Tessin), elles confèrent aussi un certain avantage concurrentiel aux banques qui en bénéficient, surtout si elles sont accompagnées d’exonérations fiscales.

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