Taux: serions-nous arrivés à destination?

Bernard Lalière, DPAM

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Les différentiels actuels de rendement des obligations de qualité et des obligations à haut rendement sont deux fois plus élevés que ceux observés le 21 septembre 2021.

Etre coincé des heures durant dans une voiture peut être une expérience estivale éprouvante pour une famille, surtout lorsque les enfants ne cessent de demander si l’on est bientôt arrivé. Grâce aux nouveaux instruments de navigation, il est devenu aisé d’estimer la durée d’un trajet et d’être informé des éventuels travaux routiers susceptibles de prolonger cette dernière. Malgré cela, l’impatience l’emporte toujours et la question de l’heure d’arrivée revient sans cesse.

Il n’existe pas de réponse univoque à cette question dans la mesure où de nombreux aléas sont susceptibles d’influencer la durée du trajet. Les investisseurs se trouvent aujourd’hui confrontés à un questionnement similaire: «Sommes-nous arrivés, est-ce le moment d’acheter?»

L’heure du retour sur le marché?

Il y a un an, les différentiels de rendement des obligations de qualité et des obligations à haut rendement ont commencé à augmenter. En date du 17 septembre 2021, ce différentiel mesuré à l’aune des indices Bloomberg Barclays était de 83 points de base (pb) en moyenne pour les obligations d’entreprise (BB Corporate Average) et de 269 pb pour les obligations à haut rendement hors secteur financier (BB High Yield). Et ce qui, à première vue, s’annonçait comme une correction tardive dans un marché étroit s’avère être une correction sérieuse puisque les différentiels actuels sont deux fois plus élevés que ceux observés le 21 septembre 2021. Les différentiels de rendement s’établissant à 221 pb pour les obligations européennes de qualité et à 606 pb pour les titres à haut rendement, faut-il en déduire que nous sommes arrivés à destination?

Risque de défaut et consorts

A l’instar de la conduite automobile, l’investissement dans le crédit ne va pas sans risques. Le premier qui vient à l’esprit lorsqu’il est question d’obligations d’entreprises est le risque de défaut. Si l’on se focalise sur le segment le plus sensible à ce risque, à savoir celui des obligations à haut rendement, il est possible d’estimer avec précision le taux de défaut attendu à l’heure actuelle. Partant d’un taux de recouvrement de 40%, le marché table en effet sur un taux de défaut de 36,77% pour les cinq ans à venir. Sur le segment européen du haut rendement, ce dernier a connu sa pire période durant l’éclatement de la bulle internet où il a atteint 30%. Cependant, si l’on table sur une récession normale, le taux de défaut avoisine les 15%.

Mais outre ce risque, il en existe d’autres tels que le risque de dégradation des notations et le risque de liquidité. Ces derniers justifient le fait que les investisseurs perçoivent une rémunération supplémentaire, autrement dit, une prime de risque de marché. Sur le segment du haut rendement, cette dernière a été proche de 290 pb en moyenne ces vingt dernières années. Par conséquent, si le taux de défaut est de 2,5% l’année prochaine, ces obligations bénéficient d’un coussin de 429 pb.

Investir peut être comparé à voyager dans un monde incertain. Mais à l’instar de l’automobiliste qui ne peut rester à l’arrêt, l’investisseur ne peut pas demeurer indéfiniment sur la touche, même si, dans un environnement incertain, la prudence doit prévaloir. Toute la question qui se pose aujourd’hui est celle du bon équilibre entre risque et rendement.

échéances courtes, portage décent: le bon mix

Cette année, les fortes variations des taux d’intérêt se sont traduites par une augmentation de la volatilité des obligations. Le taux terminal a été revu à la hausse et il a atteint 4,5% aux Etats-Unis alors qu’il était encore inférieur à 1% il y a trois mois. Serions-nous déjà arrivés?

Les stratégies axées sur les échéances courtes comptent parmi les moins volatiles. En les combinant avec des portages décents, ces stratégies à haut rendement représentent une solution intéressante au problème de l’équilibre optimal entre risque et rendement. Cela est d’autant plus vrai qu’en raison de leur durée plus courte et de la meilleure qualité de leurs débiteurs, ces stratégies ont toujours été moins volatiles que les stratégies à haut rendement traditionnelles.

En Europe, la probabilité d’une récession étant élevée, les taux de défaut vont donc inévitablement augmenter. Mais, contrairement à l’idée répandue, la majeure partie des entreprises en défaut de paiement ne proviendra pas du segment des émetteurs qui sont sur le point de se refinancer. Sur le marché du haut rendement, la plupart des faillites se produisent durant les trois années suivant l’émission. Par ailleurs, ce n’est pas le refinancement qui est la cause principale d’un défaut, c’est l’incapacité à honorer le paiement des coupons. La stratégie échéances courtes haut rendement présentée plus haut qui évite le segment de la dette nouvellement émise et se concentre sur les obligations émises depuis quelques années, mais dont l’échéance résiduelle est de quatre ans au maximum permet donc de réduire considérablement le risque de défaut.

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