Stimulus et pressions inflationnistes en Allemagne après les élections

Tomasz Wieladek, T. Rowe Price

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Le nouveau gouvernement donnera probablement la priorité aux politiques sociales et vertes.

Les résultats des élections allemandes sont maintenant connus et, comme le prédisaient les sondages, il semblerait que la coalition SPD-Verts-FDP formera le prochain gouvernement au Bundestag. Si tel est le cas, le nouveau régime cherchera probablement à augmenter les salaires et à faire avancer la transition de l'Allemagne vers les énergies renouvelables, ce qui aura pour effet de stimuler davantage la demande et, à terme, d'augmenter la pression inflationniste dans l'économie allemande. Toutefois, compte tenu des résultats meilleurs que prévu de l'Union chrétienne-démocrate/Union chrétienne-sociale (CDU/CSU), une coalition CDU/CSU-Verts-FDP reste envisageable (environ 40% de chances selon nous).

Les nombreux suffrages obtenus par les partis de centre-gauche allemands sont révélateurs des enjeux qui touchent le plus les électeurs. Les sondages ont montré que la plupart des Allemands considèrent l'égalité sociale et le changement climatique comme des questions clés, devant la gestion des réfugiés et la gestion du COVID-19 (voir graphique). Cette tendance a été favorable pour les SPD et les Verts, qui avaient mis en avant ces thèmes dans leurs manifestes dès le début de la campagne.


 

Le résultat des élections est historique pour plusieurs raisons. C'est, par exemple, la première fois que les voix du parti CDU/CSU passent sous la barre des 30% depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est également la première fois que l'Allemagne sera dirigée par une coalition entre trois partis. Enfin, le bon résultat des Verts marque la progression de ce parti qui prend la troisième position désormais en Allemagne. Auparavant, il n'y en avait que deux: le CDU/CSU et le SPD. Que va-t-il se passer maintenant?

Il est presque certain que des mesures vertes importantes et ambitieuses seront mises en place.

Une fois les résultats des élections proclamés, tous les partis vont entamer des discussions pour former un gouvernement de coalition. Lorsqu'il sera finalement signé, l'accord de coalition précisera les politiques qui seront mises en œuvre et clarifiera les compromis qui ont été faits de part et d'autre. Ces négociations peuvent prendre six à huit semaines. Toutefois, étant donné que trois partis sont impliqués, les négociations prendront probablement plus de temps et il y aura un risque plus élevé de rupture des négociations, comme cela a été le cas en 2017.

Ce qu'il faut retenir dans ce climat d’incertitude, c'est que toute coalition gouvernementale, qu'elle soit dirigée par le SPD ou la CDU, inclura très probablement les Verts. Le parti des Verts s'est engagé à consacrer 500 milliards d'euros à la transition vers zéro émission en Allemagne au cours de la prochaine décennie. Bien que le montant dépensé puisse finalement être inférieur, il est presque certain que des mesures vertes importantes et ambitieuses seront mises en place. Selon les estimations, le stimulus économique supplémentaire résultant de ce paquet d'investissements se situe entre 0,75% et 1,25% du produit intérieur brut, mais il pourrait être plus important à court terme si le stimulus est concentré en début de période pour montrer aux électeurs que leurs préoccupations sont prises au sérieux avant les prochaines élections de 2025.

Implications pour le marché

Il subsiste certes un certain risque quant à la possibilité que les négociations de coalition se déroulent différemment des attentes. Bien que les négociations se déroulent généralement à huis clos, une certaine frilosité est inévitable. Par conséquent, les perspectives attendues varieront, ce qui entraînera une volatilité des prix des actifs.

Etant donné l'importance accordée aux politiques sociales, il est probable que l'accord de coalition final contienne une augmentation significative du salaire minimum. Si le salaire minimum passe à 12 euros par heure, cela aura un impact sur environ 26% des contrats de travail, selon les données de 2018. De même, les deux partis proposent une augmentation des dépenses publiques pour soutenir la transition de l'Allemagne vers une économie nette zéro.

Une hausse du salaire minimum agira immédiat sur la croissance de la demande.

Ces politiques stimuleront la demande en 2022. Une hausse du salaire minimum agira immédiat sur la croissance de la demande, car les travailleurs ayant un salaire minimum ont tendance à dépenser une proportion élevée de leurs revenus. L'investissement nécessaire à la transition vers l'économie «zéro émission nette» aura un impact supplémentaire sur la demande qui devrait perdurer à plus long terme. 

Cependant, ces politiques peuvent également avoir un certain nombre de conséquences inflationnistes, si l’on considère l'environnement inflationniste actuel en Allemagne. Nous pensons que la hausse actuelle du marché du gaz et de l'électricité en Europe sera principalement répercutée sur les ménages allemands en janvier, même si le gouvernement cherchera probablement à en atténuer l'impact. Néanmoins, la hausse des coûts de l'énergie conduira probablement les entreprises allemandes à augmenter leurs prix dans une certaine mesure.

Dans ce contexte d'inflation, la hausse du salaire minimum pourrait inciter les syndicats à demander des salaires plus élevés lors des négociations salariales de l'automne, ce qui entraînerait une hausse de l'inflation à moyen terme. La Banque centrale européenne ne réagira probablement pas à ces développements et s'appuiera plutôt sur cette dynamique pour aider à faire remonter l'inflation de la zone euro, conformément au nouvel objectif d'inflation fixé à 2%.

Si les conséquences économiques d'une coalition dirigée par le SPD et les Verts pourraient donc être importantes, il y demeurera degré d'incertitude marqué quant aux politiques qui seront effectivement mises en œuvre jusqu'à la fin des négociations de coalition. Ces politiques ne pourront être évaluées qu'une fois définies dans la version finale de l'accord de coalition, aussi il est probable que les obligations liées à l'inflation conservent leur valeur aux niveaux actuels.

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