L’initiative gouvernementale exigera de changer règles et lois. Ce n'est pas chose facile et pourrait prendre du temps.
La nomination par le président Joe Biden de collaborateurs clés et le récent décret visant à «promouvoir la concurrence dans l'économie américaine» indiquent que son administration soutient fermement une révision des politiques antitrust et réglementaires à l'échelle du gouvernement afin de remédier aux dommages que peuvent causer les pratiques anticoncurrentielles et les importants regroupements industriels. Ce décret indique selon nous un changement dans l'approche gouvernementale de la consolidation de l'industrie.
Le décret aborde deux sujets clés: le pouvoir des plateformes technologiques et l'augmentation des coûts des soins de santé. Mais le décret encourage également les mesures réglementaires visant à répondre aux préoccupations relatives à la consolidation et à la concurrence dans toute une série de secteurs, notamment les télécommunications, l'agriculture, la banque et les transports. Il existe un potentiel de risque global et d’évolutions progressives dans les pratiques commerciales, étant donné que ce décret introduit un examen réglementaire plus rigoureux dans certains secteurs. Selon nous, les investisseurs devraient suivre de près le processus d'élaboration des nouvelles règles, tout en gardant à l'esprit qu'une réforme législative et réglementaire complète nécessiterait une concertation bipartisane et probablement des années d'élaboration.
De nombreux signes indiquent que les plateformes technologiques à très forte capitalisation feront l'objet d'une surveillance réglementaire accrue. Il suffit d’analyser les nominations à des postes clés de l'administration Biden à la Maison Blanche et dans les agences de régulation: Jonathan Kanter, nommé à la tête de la division antitrust du ministère de la Justice, Lina Khan, présidente de la Federal Trade Commission (FTC), et Tim Wu (nommé au Conseil économique national). Tous ont critiqué les pratiques commerciales des géants de la technologie sur le plan juridique et réglementaire.
Le décret du président Biden propose 72 initiatives différentes par le biais desquelles plus d'une douzaine d'agences fédérales pourraient élaborer des règles afin de limiter les pratiques considérées comme nuisibles aux consommateurs et entravant la concurrence.
Il encourage notamment la FTC à établir des règles sur la collecte de données par les entreprises technologiques et à réprimander les pratiques potentiellement déloyales qui désavantagent les petites entreprises utilisant ces plateformes de prédilection pour vendre à leurs clients. Dans le secteur des soins de santé, le décret exhorte le ministère de la santé et des services sociaux à publier un plan de réduction des prix des médicaments dans un délai de 45 jours, à mettre en œuvre la législation adoptée précédemment pour lutter contre la surfacturation dans les hôpitaux et à prendre d'autres mesures pour rendre les soins de santé plus abordables.
Parmi les autres recommandations du décret, citons la possibilité pour les consommateurs de changer de fournisseur de services de télécommunications plus facilement et à moindre coût, l'amélioration de la transparence des frais de transport aérien et maritime, la possibilité pour les agriculteurs de poursuivre plus facilement les grandes entreprises de transformation agricole pour mauvais paiement et autres pratiques abusives, et la restriction de l'utilisation des clauses de non-concurrence.
Des examens plus stricts sur les fusions et acquisitions, dans le but de limiter la concentration du secteur, figurent également au programme. Un processus d'examen plus rigoureux des fusions et acquisitions ainsi que des conditions plus contraignantes pour l'approbation des transactions sont requis.
Le décret lui-même ne mentionne pas de moyen d'application mais encourage les agences fédérales à adopter des politiques plus progressives compte tenu des pouvoirs de réglementation dont elles disposent en vertu de la loi actuelle. Toutefois, l'élaboration de ces réglementations prendra du temps. Le processus d'élaboration peut s'étendre de plusieurs mois à plusieurs années, et le défi de la coordination entre les différentes agences peut ralentir sa mise en place.
Le décret nous semble être une étape intermédiaire vers des politiques de concurrence plus progressives et devrait donner un élan aux efforts politiques, réglementaires et législatifs visant à réformer la loi antitrust américaine. En fin de compte, des changements fondamentaux dans l'approche du gouvernement en matière de réglementation de la concurrence nécessiteraient une législation redéfinissant la norme du «bien-être du consommateur», qui impose aux régulateurs la charge de prouver le préjudice causé au consommateur par des pratiques prétendument anticoncurrentielles. Une réorganisation du financement et du personnel de la FTC et du ministère de la Justice serait également utile, tout comme une extension des pouvoirs des agences qui réglementent la concurrence.