Stablecoins: une réflexion sur leur rôle et leur régulation

Yves Longchamp, AMINA Bank

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Chronique blockchain. Les motivations de la Finma semblent être guidées par un impératif légitime: limiter le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.

Les stablecoins sont l’application la plus intuitive de la technologie blockchain. Ils sont des répliques numériques d'actifs financiers, comme le dollar américain. ils représentent nouvelle forme de dématérialisation de la monnaie, après la monnaie électronique de nos cartes et Twint.

Actuellement, la valeur totale des stablecoins en circulation est de USD 172 milliards, presque tous sont adossés au dollar (98,7%). Ils sont principalement utilisés comme vecteurs de liquidité dans la finance décentralisée (DeFi) et leur utilisation dans la vie quotidienne reste très marginale. Les stablecoins en euro ne dépassent pas EUR 300 millions, tandis que ceux en francs suisses se chiffrent à peine à CHF 23 millions. Quelle que soit la devise représentée, leur volume est négligeable par rapport à la masse monétaire respective, un constat particulièrement frappant dans le cas européen et suisse.

Régulation des stablecoins en Suisse

La Suisse impose des règles très restrictives concernant les stablecoins, en comparaison avec d'autres pays. La communication de la FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) à ce sujet a suscité des réactions, notamment de la Swiss Blockchain Federation, qui souligne que la FINMA exige l'identification de tous les intermédiaires impliqués dans chaque transaction. Cette exigence est plus stricte que les standards internationaux applicables aux moyens de paiement électroniques et limite la transférabilité des stablecoins.

Si des normes similaires étaient appliquées aux paiements électroniques conventionnels, comme les cartes ou Twint, cela signifierait que les paiements ne pourraient être effectués qu'entre clients d'une même banque. Il est évident que cette absence de transférabilité compromet l'idée même de moyen de paiement.

Un exemple révélateur est celui du CryptoFranc (XCHF), émis par Bitcoin Suisse, qui a été «discontinué» cet été en raison de son manque de transférabilité, le rendant inutilisable pour les paiements, et donc superflu.

Conséquences d’une régulation stricte

Les motivations de la FINMA semblent être guidées par un impératif légitime: limiter le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. En identifiant tous les acteurs d'une transaction en stablecoins, il est possible d'exercer un contrôle strict et de restreindre l'utilisation des francs numériques à des fins criminelles. Cependant, il est illusoire de penser qu'interdire la création de stablecoins par des acteurs suisses éradiquera le blanchiment d'argent.

Si la pratique de la FINMA devenait la règle, les stablecoins en Franc suisse seraient tués dans l’œuf. Il n’y aurait donc que peu d’effets à court terme, car nous continuerions à vivre comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant. A plus long terme cependant, nous louperions probablement une opportunité de positionner le franc suisse comme une monnaie internationale.

Opportunités Offertes par les Stablecoins

Le Fonds Monétaire International (FMI) la Banque des règlements internationaux (BRI) s’intéressent à la blockchain et aux stablecoins pour leur potentiel à faciliter les paiements internationaux. Ces derniers sont coûteux et lent pout tout le monde, que vous soyez un client d’une banque, une des 1.4 milliards de personnes sans compte bancaire, ou une multinationale. Il y a ainsi une opportunité à prendre pour rendre le système des paiements internationaux inclusifs et efficaces. Or offrir un moyen de paiement stable comme le franc suisse, rapide et avantageux comme les stablecoins a de quoi séduire.

Rôle du Système Bancaire Helvétique

Le système bancaire helvétique pourrait également en profiter. D’abord il pourrait émettre des stablecoins sous forme de dépôts bancaires numérisés et de jetons numériques de marché monétaire. Il pourrait également faire l’intermédaire dans la vérification de l’identité des utilisateurs de wallets en permettant à chaque client de banque d’avoir une application stablecoins à côté de Twint.

Il est important de noter que lors d’une transaction sur la blockchain, le transfert et le règlement ont lieu simultanément (trade is settlement), évitant ainsi des coûts élevés de réconciliation et du temps. Aussi, cette nouvelle technologie a le potentiel de diminuer les coûts de fonctionnement des banques.

Il n’y a ensuite qu’un pas à faire pour proposer des transactions en devises étrangères grâce à d’autres stablecoins et offrir une nouvelle manière de penser le marché des changes – le plus grand marché du monde.

Si les conséquences à court terme sont limitées, celles à long terme pourraient être sérieuses. Il est évident que les stablecoins doivent être régulés afin de contrôler l’émetteur et la qualité de la monnaie, ainsi que de limiter les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme. Il n’y a cependant pas de raison de les réguler plus strictement que les standards internationaux ne le requièrent, sous peine de louper la révolution financière numérique qui se dessine.

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