Après les élections, Powell au centre du jeu

Wilfrid Galand, Montpensier Finance

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Le grand vainqueur des élections US est Jerome Powell. Face à un Sénat rétif, Joe Biden devra compter sur les progrès des vaccins mais surtout sur la Fed pour relancer l’économie.

Comme attendu, Trump ne veut rien lâcher, mais Joe Biden a passé une étape décisive: en attendant l’élection formelle par le collège électoral le 14 décembre et l’investiture le 20 janvier prochain, il est depuis le 7 novembre 2020 et sa victoire annoncée dans l’état-clé de Pennsylvanie, «Président – élu» et s’attache désormais à bâtir l’équipe qui constituera la prochaine administration. 

Celle-ci devra jouer serrer. L’élection de l’ancien vice-président d’Obama a été plus difficile que prévu, et ne lui a pas permis de déclencher la fameuse «vague bleue» capable de faire basculer nettement le Sénat dans le camp de la majorité présidentielle. En attendant les deux élections sénatoriales prévues en janvier prochain en Géorgie, ce sont les républicains qui dominent de deux sièges les démocrates dans la Haute Assemblée. Au mieux, celle-ci sera donc partagée à 50-50 pour des deux premières années de mandat. 

Le chef de file des sénateurs républicains, Mitch McConnell, l’inoxydable élu du Kentucky, a déjà laissé entendre qu’il n’était pas question de laisser filer les déficits budgétaires –plus de 3000 milliards de dollars déjà prévu pour cette année fiscale- et la dette fédérale –plus de 100% du PIB dès l’année prochaine- au-delà de toute mesure. Autant dire que le très attendu plan de relance et d’investissement supplémentaire devra très probablement se situer bien en deçà des 2’000 milliards de dollars espérés avant les élections.

Or l’économie américaine, si elle a très fortement rebondi depuis quelques mois, n’est pas tirée d’affaire. L’emploi se redresse vite mais il manque encore près de 8 millions de créations de postes pour retrouver le niveau de janvier 2020 ; l’immobilier est dynamique mais les retards de paiement de loyers se multiplient ; le moral des consommateurs reste bon mais les prévisions d’investissement se trainent et le secteur des services reste très affecté par l’épidémie. Notre indicateur MMS Montpensier de Momentum économique, à 39, peine à accélérer.

Le momentum de l’économie américaine a remonté de 30 points depuis le mois de juin

 

Faute de soutien budgétaire franc et massif, l’économie américaine devra se tourner, une fois de plus, vers la Fed. Son président, Jerome Powell, sort grand vainqueur de cette élection. Non seulement il revient au centre du jeu compte tenu de la faible marge de manœuvre budgétaire probable de la nouvelle administration, mais sa position personnelle est renforcée: finis les tweets rageurs de Trump et la pression permanente pour ajuster la politique monétaire aux besoins du chef de l’exécutif; terminées les menaces incessantes de remplacement du président de la Fed en cours de mandat pour cause d’indiscipline à répétition! 

Le 5 novembre, deux jours après le scrutin et alors que les opérations de dépouillement se prolongeaient, la Fed n’a pas voulu annoncer des mesures supplémentaires: elle continuera ses injections de liquidités au rythme actuel de 120 milliards de dollars par mois et maintiendra ses taux à zéro jusqu’en 2023. Mais son diagnostic économique est clair: les perspectives sont assombries par la diffusion du virus.

La prochaine réunion, le 15 décembre, au lendemain du vote par le collège électoral, sera décisive et devrait signaler une amplification du soutien. Il est nécessaire: alors qu’il a progressé de près de 70% en quelques semaines entre mars et avril, le bilan de la Fed est quasi stable depuis le début de l’été. Notre indicateur MMS Montpensier de conditions monétaires montre d’ailleurs clairement que l’environnement financier est maintenant soutenu davantage par la baisse du dollar que par l’action de la Fed.

Notre momentum de conditions monétaires américain s’est stabilisé à son plus haut depuis 2013

Un plus grand équilibre des pouvoirs, un déficit fiscal mesuré et le retour en force de la politique monétaire, les promesses de la nouvelle administration américaine plaisent aux marchés et pourraient bien pousser les investisseurs à rester optimistes jusqu’en fin d’année. 

Attention néanmoins à ne pas oublier les fractures politiques et sociales américaines, à espérer que Trump ne sortira pas un joker dangereux de sa poche et que les nouveaux vaccins tiendront leur promesse.

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