S’habituer à la nouvelle réalité

Nathalie Benatia, BNP Paribas Asset Management

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Les fondamentaux macro et microéconomiques devraient revenir au premier plan. C’est déjà en partie le cas puisque la sélectivité est à l’œuvre sur les actions comme sur le crédit.

Les variations des marchés financiers en janvier reflètent la prise en compte d’une transition en cours vers des politiques monétaires moins accommodantes et des taux moins bas tout au long de la courbe. Face à ces changements importants, dont l’effet sur les actifs risqués est difficile à déterminer à ce stade, les investisseurs perdent leurs repères et s’inquiètent.

Omicron a pesé sur l’activité fin 2021 et perturbe le début de 2022

En Chine, le PIB du quatrième trimestre (+4,0% en glissement annuel) a confirmé le tassement de la croissance tout au long du second semestre. Le durcissement des réglementations, les difficultés du secteur immobilier et les confinements stricts en décembre ont pesé sur l’activité. La fin de l’année a été particulièrement difficile et cette tendance pourrait se prolonger début 2022.

Aux Etats-Unis, les ventes au détail ont enregistré en décembre leur plus fort recul en 10 mois (-1,9% par rapport à novembre où les chiffres ont été revus à la baisse). Les inquiétudes des ménages et les restrictions sanitaires expliquent cette évolution. Des achats anticipés en octobre, par crainte des pénuries, ont vraisemblablement accentué le tassement qui laisse toutefois les ventes au détail en hausse de 19% par rapport à février 2020 et de 13% par rapport à décembre 2020.

La progression des revenus des ménages sur fond de solides créations d’emploi et de hausse des salaires plaident pour la bonne tenue des dépenses privées dans les prochains mois mais l’inflation fait peser un risque sur le pouvoir d’achat des ménages. Par ailleurs, ce recul des ventes en décembre donne un point de départ assez bas pour commencer 2022, ce qui pourrait limiter mathématiquement la progression de la consommation privée au premier trimestre.

Les résultats de la première des enquêtes régionales sur le secteur manufacturier (réalisée par la Réserve fédérale de New York) ont montré une très forte dégradation de l’activité. L’indice Empire State a plongé de 33 points pour passer légèrement sous zéro sous l’effet d’un fort recul des commandes.

Est-ce le début d’une nouvelle tendance préoccupante?

Nous ne le pensons pas. Du point de vue économique, la demande intérieure soutenue par l’amélioration continue de l’emploi, paraît suffisamment solide pour réaccélérer après ces turbulences. Même si nous avons revu à la baisse nos prévisions de croissance du PIB de 0,3pp aux Etats-Unis et de 0,2pp dans la zone euro, le scénario de moyen terme reste intact. La progression du PIB va rester, cette année encore, largement supérieure à la moyenne dans les grandes économies.

En Chine, où les difficultés économiques ont des causes plus profondes, les autorités semblent bien décidées à soutenir l’activité. Le 17 janvier, la Banque centrale (People’s Bank of China) a abaissé son taux de facilité de crédit à moyen terme pour la première fois depuis avril 2020, une baisse plus précoce et plus importante que prévu et qui ne devrait pas rester isolée.

Du point de vue sanitaire, il apparaît de plus en plus clairement que la vague Omicron commence à refluer et que, proportionnellement à son ampleur, elle aura été à l’origine de bien moins d’hospitalisations et de décès que les précédentes. Plusieurs gouvernements envisagent de lever les restrictions mises en place avant les fêtes et, dans la plupart des cas, les mesures seront restées moins strictes. Les pouvoirs publics ont en effet privilégié la stratégie vaccinale.

Les conséquences de la vague Omicron sur l’activité devraient donc être limitées. L’hypothèse que ce variant, très contagieux mais moins virulent, constitue la première forme d’une maladie endémique, commence à être évoquée. Une telle évolution serait très favorable pour les actifs cycliques même si, à l’heure actuelle, la situation sanitaire n’est plus au centre des préoccupations des investisseurs.

Pourquoi les actions baissent-elles?

Les actions mondiales ont commencé à baisser le 5 janvier lorsque le compte rendu de la réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed) de la mi-décembre a confirmé le tournant moins accommodant.

Entre le 4 et le 19 janvier, l’indice MSCI AC World (en dollars) a perdu 4,0% pour retrouver son plus bas niveau depuis le 20 décembre. Ce recul ne présente toutefois pas les caractéristiques d’une capitulation et les investisseurs sont redevenus sélectifs. A la clôture du 19 janvier, l’indice S&P 500 est en baisse de 4,9% par rapport à fin 2021 alors que le Nasdaq composite a perdu 9,1% pour retrouver son plus bas niveau depuis début octobre (cf. graphique 1).

La remontée des taux longs américains (+35 pb depuis le début de l’année pour le rendement du T-note à 10 ans) pénalise tout particulièrement les indices de style croissance dont la valorisation est sensible au taux d’actualisation.

Un thème domine en ce début d’année: les anticipations de remontée des taux directeurs de la Fed face au risque inflationniste ainsi que les perspectives d’une réduction de la taille du bilan de la banque centrale américaine qui interviendrait plus rapidement que lors de la précédente normalisation.

Manifestement, les investisseurs ne considèrent pas que les données économiques en demi-teinte, qui devraient caractériser les prochaines semaines, détourneront les banques centrales de leur feuille de route.

La réunion de politique monétaire des 25 et 26 janvier devrait d’ailleurs permettre à la Fed de confirmer que la première hausse des taux directeurs interviendra en mars comme anticipé par les contrats à terme sur les fonds fédéraux. La session de questions-réponses devrait être en grande partie consacrée à la question du bilan dans la mesure où ce sujet avait été totalement éludé lors de la conférence de presse de décembre.

Il n’est pas certain que les réponses de Jerome Powell suffisent à faire totalement disparaître la fébrilité qui s’est emparée des marchés obligataires. Le 19 janvier en séance, le rendement du Bund allemand (-0,18% fin 2021) est repassé au-dessus de 0% pour la première fois depuis avril 2019.   

2022: l’année du changement?  

Les fondamentaux macro et microéconomiques devraient revenir au premier plan. C’est déjà en partie le cas puisque la sélectivité est à l’œuvre sur les actions comme sur le crédit. A ce titre, le début des publications des résultats des entreprises sera particulièrement important.

Au-delà, les investisseurs devront s’adapter à la transition en cours. La normalisation des politiques monétaires intervient parce que l’environnement économique est favorable et les conditions financières ne deviendront pas restrictives avant longtemps. D’un autre côté, tout changement est source de stress et les prochains mois devraient être agités. Des opportunités vont certainement se présenter mais il est aussi important que les choix d’allocation d’actifs soient faits en prenant en compte le risque d’une hausse plus brutale des taux.

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