BCE: rendez-vous en décembre

Axel Botte, Ostrum AM

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L’inflexion dans le rythme du PEPP a eu peu d’incidences, mais le risque d’inflation persiste.

©Keystone

La BCE a procédé à un ajustement de sa politique monétaire en annonçant une légère diminution du rythme mensuel des achats d’actifs au titre du PEPP. Cette communication sans surprise n’a pas donné lieu à des mouvements significatifs sur les marchés financiers où la tendance favorable au risque a repris. Le Bund affiche une hausse hebdomadaire limitée à 2 pb à -0,35%. Les spreads souverains et de crédit sont globalement inchangés. Les marchés d’actions occidentaux font du surplace, alors que l’Asie portée par les espoirs de relance au Japon s’apprécie de 3-4% en cinq séances. Le marché des changes est resté peu animé, à l’exception du réal brésilien balloté par les enjeux politiques locaux.

Le marché du travail américain reste en tension

Les faibles créations d’emplois du mois d’août (235’000) traduisent un déficit d’offre de travail, le nombre de chômeurs «COVID» ayant bondi de 400’000 à 5,6 millions le mois dernier. Ainsi, la pandémie retarde encore le retour à l’emploi d’une partie de la population. Le total des postes à pourvoir atteint près de 11 millions en juillet, alors que le nombre de personnes au chômage n’excède pas 8,6 millions. Les embauches brutes, certes historiquement élevées, plafonnent à 6,1 millions dans le secteur privé où les difficultés de recrutement concernent tous les secteurs. Parallèlement, les nouvelles inscriptions au chômage poursuivent leur décrue à 310’000, le plus bas niveau recensé depuis le début de la pandémie. Dans ce contexte, la politique économique paraît inadaptée. Il est peu probable que la politique monétaire accommodante actuelle puisse accélérer le redressement du niveau d’emploi. 

L’inflation des prix à la consommation restera probablement au-dessus de 5% en août.

En pratique, la croissance économique n’est limitée que par l’insuffisance de l’offre. Ces contraintes entraînent une accélération des prix à la production à 8,3% sur un an en août. Les anecdotes rapportées dans le Beige Book de la Fed et la majorité des enquêtes auprès des entreprises confirment les difficultés d’approvisionnement et la hausse des prix des intrants. L’inflation des prix à la consommation restera probablement au-dessus de 5% en août. Sur le plan budgétaire, si le programme d’infrastructures bipartisan de 500 milliards de dollars devrait être voté en l’état, le second plan de dépenses d’infrastructures («humaines») chiffré à 3’500 milliards de  dollars sera probablement revu en baisse. En outre, la procédure de réconciliation exclut une nouvelle suspension du plafond de la dette. Le Trésor américain estime que les mesures extraordinaires pour financer les dépenses courantes seront épuisées vers la fin du mois d’octobre. Le spectre du shutdown fédéral pourrait resurgir dès la fin du mois de septembre.

La BCE a annoncé une prochaine réduction des achats d’actifs du PEPP

Les précautions de langage laissent envisager une réduction de 10 à 20 milliards d’euros des opérations mensuelles qui avoisinent 80 milliards d’euros depuis l’engagement de mars. La hausse de l’inflation est toujours considérée comme transitoire, de sorte que l’institution prévoit un retour vers 1,5% en 2023. Dans ce contexte, la BCE annoncera sans doute un renforcement des programmes d’achats d’actifs actuels en décembre pour compenser la fin programmée du PEPP. Une augmentation de l’APP à 40 ou 50 milliards d’euros bénéficierait aux obligations d’entreprise, peu représentées dans le PEPP. Il s’agit tout de même d’un point d’inflexion dans la politique monétaire. Ce basculement laisse aussi plus de place pour relever la part d’obligations vertes émises par les entreprises et les institutions supranationales dans le portefeuille de la BCE. Au total, ni la communication de la Fed à Jackson Hole, ni celle de la BCE n’auront bousculé les marchés.

Les émissions du Trésor attestent un retour des investisseurs étrangers.

Les adjudications de 10 et 30 ans se sont bien placées. Le ratio de couverture de la transaction sur le T-bond à 30 ans ressort même au plus haut de l’année, malgré un taux de 1,91% inférieur de 13 pb à l’émission d’août. La publication de l’indice des prix à la production a toutefois engendré des prises de profit en fin de semaine et une remontée des points morts d’inflation à 10 ans au-delà de 2,4%. La courbe des taux (spread 2-10 ans) s’est pentifiée. La thèse de la Fed quant à l’absence de risques d’inflation sera probablement mise à mal, mais le put de Jerome Powell est sans doute à ce prix. En zone euro, les marchés ont accueilli favorablement la communication prudente de Christine Lagarde. Les spreads souverains se sont resserrés à 102 pb au plus bas sur le BTP italien à 10 ans. La réduction des déficits en Espagne et le succès d’émission du Bonos vert à 20 ans réduisent les spreads sous 70 pb.

L’anesthésie générale continue de prévaloir sur les marchés du crédit

Le spread IG européen oscille dans une fourchette étroite de 2,5 pb depuis le 30 juin. Les indices synthétiques semblent même déconnectés de l’évolution de la volatilité implicite. Les primes à l’émission sont inexistantes, malgré le retour saisonnier du primaire. La perspective d’une augmentation de l’APP accentuera l’excès de demande pour le crédit. Le high yield (290 pb) reste en forte demande et se resserre de 4 pb en cinq séances. La balance des flux témoigne encore de l’absence d’alternatives dans un océan de rendements négatifs.

Le S&P américain enregistre une cinquième séance de baisse, tout en restant proche des sommets historiques. Les retours à la moyenne de 50 jours ont tous été synonymes de rebond technique cette année.

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