On repart pour un tour

Thomas Fonsegrive, Marigny Capital

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Pour les marchés la question est de savoir si les performances positives enregistrées depuis le début de l’année peuvent être maintenues. Naturellement le contexte invite à la prudence.

Une fois légèrement retombé l’enthousiasme d’une hausse marquée du sceau de l’IA, on s’aperçoit que les problèmes d’hier demeurent les problèmes d’aujourd’hui. L’inflation a certes ralenti mais reste élevée et la hausse des prix du pétrole, dont la production devrait encore baisser, fait planer le spectre d’une inflation qui pourrait repartir des prix à la pompe. Et donc celui de taux d’intérêts plus élevés plus longtemps. Mais tout ça a déjà été évoqué à maintes reprises.

Même si Goldman Sachs estime qu’il n’y a plus que 15% de chance (contre 20% précédemment) de voir l’économie US tomber en récession, les opérateurs ont comme d’habitude des sujets d’inquiétudes, au premier rang desquels se trouve la situation économique de la Chine.

En effet le marché de l’immobilier chinois est de nouveau sous pression. Avec une économie chancelante et une défiance des ménages et des entreprises, les points d’inquiétudes se multiplient pour la deuxième économie mondiale.

Car la reprise entrevue après 3 ans d’une stricte politique sanitaire liée au Covid a fait long feu. Le secteur immobilier chinois, qui représente 70% de l’épargne des ménages, est malade. Les prix de l’ancien ont baissé de 9% sur un mois en juillet dans les grandes métropoles, la plus forte baisse depuis 10 ans. Plusieurs acteurs sont dans des situations financières difficiles: Country Garden holdings et Zhongrong International Trust ont payé in extremis les coupons de leurs obligations et Evergrande est en faillite depuis 3 ans.

Pékin tente de réagir et de sauver son secteur immobilier depuis 1 an, et par ricochet son économie, mais avec des acteurs très lourdement endettés et un contexte économique fragile (faibles exportations, difficultés à attirer des investissements étrangers depuis 1 an) les mesures sont insuffisantes. Les promoteurs et les gouvernements locaux sont trop endettés, les promoteurs tombent en faillite, les prix de l’immobilier baissent et les ménages nerveux préfèrent épargner que consommer. Ce qui entraine plus de faillites de promoteurs, moins d’investissement, plus de nervosité, etc.
Il faudrait probablement que les promoteurs, et donc leur dette, soient nationalisés. Mais Pékin a déjà annoncé à plusieurs reprises qu’il ne le ferait pas, préférant garder un bilan vierge de ces faramineux montants de dettes.

Cependant le problème de la dette chinoise (des ménages, des gouvernements locaux, et du secteur immobilier) ne devrait pas entrainer un instant Lehman. En effet, comme on l’a observé en mars avec SVB, la perte de confiance dans les institutions financières peut entrainer des faillites bancaires rapides avec un fort risque de contagion. Toutefois dans un pays où les banques sont détenues par l’Etat cela n’arrivera pas.

Toutefois sans arriver à une faillite du système, l’économie patine. Et certains analystes anticipent que ces problèmes sont structurels et non pas conjoncturels et vont donc durablement peser durablement sur la croissance chinoise.

Les chiffres de croissance pré-pandémie (en moyenne 9%/an de croissance depuis 1978 contre 6,3% réalisés sur un an glissant) ne seront pas de retour prochainement à moins que Pékin ne lance d’importantes réformes structurelles de l’économie. Mais pour l’instant les mesures sont plutôt très graduelles alors que plusieurs indicateurs sont inquiétants:

  • Baisse des exportations (et des importations)
  • Un indice des prix à la consommation en territoire négatif et donc une déflation en cours. Cela témoigne de la faiblesse de la confiance des consommateurs, tout comme le fait que les emprunts sont au plus bas.
  • Un chômage des jeunes (16 à 24 ans) au plus haut à plus de 21%

Pour ne rien arranger les investisseurs étrangers continue à délaisser le marché chinois qui est en baisse de 10% depuis le début de l’année. Les investisseurs étrangers ont vendu pour 10,7 milliards de dollars d'actions chinoises entre le 7 et le 23 août, selon Nomura. Cela a inversé le flux des semaines précédentes alors qu'ils espéraient une relance nettement plus vigoureuse de la part Pékin.

La bonne nouvelle, puisqu’il y en a une, c’est que le marché chinois est actuellement bon marché. En tout cas comparé aux US. Le MSCI China se traite à environ 11x les bénéfices alors que le MSCI USA se traite à 20 fois les bénéfices. Naturellement le marché chinois peut être encore plus bas puisqu’il a traité à 7 fois les bénéfices en 2008-2009, et sous 10 fois jusqu’en 2015. Mais les plus observateurs d’entre vous remarqueront que si l’écart entre la Chine et les US est si important en termes de multiples, c’est peut-être que les US sont chers. Ils n’auront pas tort puisque sur les 20 dernières années, les valeurs US se sont traitées en moyenne à «seulement» 17 fois les bénéfices.

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