L’année 2024 a fini en feu d’artifice de grandes nouvelles, pour l’économie en général et le secteur financier en particulier. Mais il s’agit d’étapes intermédiaires, qui peuvent se développer dans un sens comme dans un autre. Alors que l’Union européenne elle-même admet que son excès de réglementation nuit à sa compétitivité et s’est engagée à réduire de 25% les obligations d’information des entreprises, la Suisse serait bien avisée de suivre la même voie. La hantise étatique du moindre accident conduit chaque métier à passer 10% à 20% de son temps à justifier ce qu’il fait plutôt qu’à le faire.
Bien sûr, il faut toujours fixer un cadre, dans lequel la responsabilité individuelle doit pouvoir s’exercer. La Commission d’enquête parlementaire (CEP) a publié juste avant Noël son rapport sur l’affaire Credit Suisse. Dans l’ensemble, celui-ci nous semble tirer les bonnes leçons de cette débâcle collective. La coordination entre les autorités doit être améliorée en période de crise. Il est nécessaire d’introduire le Public Liquidity Backstop dans le droit ordinaire suisse sans plus tarder, comme les autres places financières internationales l’ont fait. Et pour éviter autant que possible de devoir recourir à cette ultima ratio, le plus important nous semble être d’élargir la fourniture de liquidités par la BNS à une banque quand celle-ci n’arrive plus à s’en procurer sur le marché, à cause d’une rumeur par exemple. Au surplus, il faut relever que les recommandations de la CEP ne visent que les banques d’importance systémique. La CEP ne propose à juste titre pas de renforcer les règles pour l’ensemble des banques, il n’y a aucune nécessité à cela. Ce n’est de toute façon pas un empilement de règles qui évitera une nouvelle crise, mais surtout de la transparence, de la communication et le courage d’admettre quand une erreur a été commise.
Comment le secteur financier pourrait-il connaître des émissions que les émetteurs eux-mêmes ne publient pas?
De son côté, le Conseil des Etats lors de la dernière session a adopté la loi sur la transparence des personnes morales par 26 voix contre 6 et 3 abstentions. Il s’agit surtout de créer un registre central des bénéficiaires économiques des sociétés suisses. Celles-ci doivent déjà les connaître, mais les autorités ne peuvent pour l’heure pas effectuer de recherches sur la base du nom d’un ayant droit économique. Le registre pallie ce manque, pour améliorer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, mais aussi contre diverses fraudes. Le registre ne sera pas accessible aux particuliers, sauf, curieusement, aux intermédiaires financiers «dans la mesure où ses données sont nécessaires à l’accomplissement de leurs obligations de diligence prévues par la LBA. L’utilisation des données est limitée à cette seule fin.». Pour que le registre apporte aussi une plus-value aux intermédiaires financiers et aux sociétés suisses, le projet de loi a été modifié pour préciser qu’une «présomption d’exactitude s’applique aux inscriptions dans le registre de transparence». La conjonction de ces deux textes devrait maintenant conduire à la suppression d’un signalement des divergences par les intermédiaires financiers.
Au début de l’année sont entrées en vigueur en Suisse la loi sur la protection du climat et son ordonnance d’application. Il est donc désormais attendu que toutes les entreprises ramènent leurs émissions de gaz à effet de serre à zéro net d’ici à 2050 au plus tard. Si elles décident de s’appuyer pour ce faire sur une feuille de route (ou «plan de transition»), celle-ci doit au moins contenir un bilan de toutes les émissions directes et les émissions indirectes (Scopes 1 et 2) et leur trajectoire de réduction. L’intégration des émissions pertinentes générées en amont et en aval (Scope 3) est en revanche facultative. Pourtant, sous prétexte de leur activité commerciale différente, les entreprises actives dans le secteur financier devront répondre à des exigences minimales plus élevées et aussi prévoir une trajectoire de réduction des émissions de Scope 3 pour les sociétés dans lesquelles elles investissent ou qu’elles financent! Mais comment le secteur financier pourrait-il connaître des émissions que les émetteurs eux-mêmes ne publient pas?
Ces trois exemples ne sont bien sûr pas exhaustifs. Mais ils rappellent l’importance du principe de proportionnalité en droit administratif: une mesure imposée par l’Etat doit être apte à produire les résultats escomptés, ceux-ci ne doivent pas pouvoir être atteints par une mesure moins incisive et il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts privés compromis, en l’occurrence la liberté entrepreneuriale.