Réparer l'Internet un tweet à la fois

Matthew Ward, Barings

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La probabilité que les lois sur le numérique de l'UE soient efficaces reste faible.

©Keystone

L'année 2022 pourrait bien s'avérer être une période charnière pour l'évolution de l'internet. Au cours de ces derniers mois, les efforts déployés par les régulateurs de l'UE pour élaborer un ensemble de règles leur permettant de mieux maîtriser le fonctionnement du réseau en Europe sont allés en crescendo. Un accord a été conclu sur le texte provisoire de la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act, DMA), tandis qu'un accord politique sur la loi sur les services numériques (Digital Services Act, DSA) suivait de près. Toutefois, l’annonce du franchissement de ces étapes a été éclipsée par le conseil d'administration de Twitter qui a accepté l'offre de rachat d'Elon Musk.

Des règles pour tous

Les intentions clairement affichées de réduire les restrictions à la liberté d'expression imposées par Twitter, ont entraîné une réaction immédiate de L'Union européenne. Ils ont rappelé à Elon Musk qu’enfreindre les règles européennes en matière numérique peut être sanctionné par des amendes pouvant atteindre 6% du chiffre d'affaires mondial.

La perspective d’une évolution vers un espace moins restrictif en ligne a mis en ébullition les sphères médiatiques et politiques.

Si Elon Musk parvient à conclure l'accord de rachat de Twitter, le duel entre l'homme le plus riche du monde et les personnes chargées de réglementer l'internet dans l'UE pourrait très bien faire jurisprudence en matière conduite en ligne dans d'autres sociétés démocratiques, et déterminer les possibilités financières à long terme pour toutes les entreprises.

Bien que Musk ait depuis clarifié ses commentaires sur la réduction de la modération des contenus au point de se conformer aux lois et réglementations locales, en faisant valoir que les législateurs fixent des règles dans l'intérêt des électeurs qui les ont élus. Mais la perspective d’une évolution vers un espace moins restrictif en ligne a mis en ébullition les sphères médiatiques et politiques.

La réalité réglementée

Mais la condition préalable à toute discussion sur l'état de la réglementation en ligne au sein de l'UE est de reconnaître que les plateformes qui préoccupent le plus les régulateurs sont basés en dehors de l'UE.

Ainsi, Meta Platforms (anciennement Facebook), Alphabet, TikTok, Amazon, Snap, Tencent, Alibaba, Apple et Twitter sont des leaders au sein de l'UE, laissant peu de place aux concurrents nationaux, actuels ou futurs, pour évoluer. Un environnement difficile pour développer des alternatives compétitives.

En conséquence, la nouvelle DMA se concentre sur l'«anti-trust» et la limitation du pouvoir de marché de ces grandes plateformes en ligne. Notamment en définissant le champ d'application de règles visant spécifiquement à englober les leaders mondiaux. Dans le même temps, la proposition cherchera à éviter de faire peser sur les PME basées dans l'Union européenne des coûts de mise en conformité.

Elon Musk a secoué les régulateurs du monde entier, mais particulièrement en Europe.

Pendant ce temps, l'ASN va se concentrer davantage sur la création d'un écosystème Internet sûr. L'utilisation de données sensibles, le suivi des utilisateurs, la limitation de la diffusion de contenus préjudiciables et la désinformation sont autant de questions clés qui seront abordées. Alors que la formulation précise du texte est encore en cours d'élaboration, la teneur des annonces faites jusqu'à présent laisse à penser que les régulateurs de l'UE vont renforcer la responsabilité des plateformes pour la publication et l'amplification de contenus que l'UE considère comme préjudiciable à la société

Un dilemme cornélien

Elon Musk a secoué les régulateurs du monde entier, mais particulièrement en Europe. Le CEO de Tesla a publiquement suggéré de modifier le fonctionnement de Twitter, notamment en réduisant la modération du contenu et en supprimant l'anonymat sur la plateforme. Ces modifications risqueraient de faire échouer bon nombre des règles que l'Union européenne espère mettre en œuvre.

Les règlements eux-mêmes ne semblent pas résoudre les dilemmes inhérents à l'exploitation de plateformes en ligne à grande échelle. Préserver la liberté et l'innovation, tout en limitant le pouvoir des entreprises les mieux placées pour innover et stopper l'utilisation abusive des plateformes en ligne par des acteurs malveillants qui cherchent à nuire à la société.

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