Les marchés financiers ont fortement réagi au relèvement des taux de la Banque du Japon (BoJ). Le débouclement des positions spéculatives vendeuses de yens a fait vaciller les marchés d’autant que le ralentissement de l’emploi américain attisait les craintes de récession. A l’opposé de la BoJ, la plupart des Banques centrales du G10 ont entamé un cycle d’assouplissement monétaire auquel la Fed devrait se joindre dès septembre. Le message de Jerome Powell à Jackson Hole laisse peu de doutes à ce sujet. Après le choc d’une séance à -12% sur le Nikkei lors d’un lundi noir le 5 août, les actifs risqués ont rebondi. Les actions américaines sont proches des sommets de 2024 grâce à l’effet relutif de la baisse des taux à long terme. Le T-note s’équilibre autour de 3,80%.
Croyances et réalité
Les marchés financiers et les banques de Wall Street sont toujours prompts à projeter l’environnement le plus susceptible de conduire à un allègement monétaire. L’été 2024 n’aura pas fait exception. Les turbulences boursières par suite de l’augmentation du taux de la BoJ et des statistiques médiocres du marché du travail américain ont engendré des anticipations infondées de baisse imminente des taux de la Fed, avant même la réunion prévue le 18 septembre.
Les 114’000 créations d’emplois comptabilisées en juillet étaient, il est vrai, assorties d’une remontée du taux de chômage à 4,3%, un niveau d’alerte pour les fidèles de la règle de Sahm. Cette règle empirique, qui indique une récession imminente aux Etats-Unis, semble néanmoins contredite par la vigueur des ventes au détail, l’absence d’inflexion à la hausse des inscriptions au chômage ou les enquêtes du secteur des services. La croissance américaine restera, selon toute vraisemblance, proche de 2% au troisième trimestre.
Outre la hausse du chômage, les révisions apportées aux chiffres d’emplois ont sensiblement modifié la perception du marché du travail. Les chiffres mensuels sont réputés sujets à caution en raison de l’estimation douteuse des créations et destructions d’entreprises au mois le mois. L’enquête trimestrielle du Bureau of Labor Statistics couvrant la période d’avril 2023 à mars 2024 efface après coup quelque 818’000 emplois intégrés dans les non-farm payrolls.
Le besoin de réaffirmer un cap
La Fed procède généralement de façon linéaire et lisible à l’opposé des anticipations fluctuantes des marchés financiers. Pour cette raison, l’allocution de Jerome Powell à Jackson Hole a permis d’ancrer la trajectoire des Fed funds sur un rythme plus conforme à la réalité économique. Les conditions financières se sont améliorées au cours de l’année malgré la volatilité observée au milieu de l’été. Les taux longs américains ont reflué, les spreads de crédit se sont resserrés en miroir du rebond des marchés d’actions et les banques apparaissent moins enclines à durcir les conditions de crédit, y compris lorsque les retards de paiements s’accumulent comme sur les encours de cartes de crédit. Dès lors, l’allègement monétaire à venir semble principalement accompagner la baisse de l’inflation. L’inflation américaine est sous le seuil de 3%.
Violents débouclements des carry trades sur le yen
La BoJ a déclenché une tempête boursière en relevant de 15pb son taux directeur. Les achats mensuels de Japanese Governement Bonds (JGB) devraient diminuer de moitié au premier semestre 2025. Cela étant, le Krach du Nikkei du lundi 5 août (-12% en une séance) est intervenu quelques jours après la réunion de la BoJ (31 juillet) et semble davantage lié au rapport sur l’emploi américain. Toutefois, ces violents débouclements de position au milieu de l’été nous rappellent l’ampleur des positions en actifs risqués financées en yens. Les positions spéculatives vendeuses de contrats sur le dollar-yen ont depuis été réduites de moitié selon les données du CFTC, mais ces indicateurs ne reflètent qu’une infime partie des volumes traités sur le marché des changes. Le peso mexicain est aussi victime de ces débouclements. Au-delà de cette réaction épidermique des marchés, l’attrait du carry trade n’a pas vraiment diminué même si la Fed et par suite la plupart des Banques centrales contribueront à réduire les écarts de taux. La BoJ a initialement cherché à rassurer les marchés quant aux conditions d’une prochaine hausse des taux mais l’inflation proche de 2% semble militer pour un nouveau relèvement au quatrième trimestre.