Le trade de dispersion ou le monde à l’envers?

Axel Botte, Ostrum AM

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La volatilité du marché boursier américain est faible, soutenue par quelques poids lourds du S&P 500, mais un retournement reste possible.

©Keystone

 

Le trade de dispersion est une autre façon d’exprimer une vue à la baisse de la volatilité. C'est un cas où les paris sur les rendements extrêmes (les queues de distribution) font varier le sous-jacent (le marché boursier). La volatilité concentrée sur quelques actions individuelles crée un besoin de couverture à la baisse de la volatilité de l'indice. Un renversement de tendance engendrant le débouclement du trade de dispersion et une correction boursière semble possible. Dans ce contexte, une stratégie de couverture pourrait s’avérer efficace. Il s’agirait de prendre le contre-pied du trade de dispersion en achetant des contrats à terme sur le VIX plutôt que d'acheter des options de vente sur le S&P 500.

Des performances polarisées

Il règne un sentiment de calme relatif sur le marché boursier américain. L'indice S&P 500 progresse d'environ 15% depuis le début de l'année dans un contexte de volatilité réduite. La volatilité implicite (mesurée par l’indice VIX) est restée modérée, oscillant la plupart du temps entre 12 à 14% en 2024. Les performances élevées des actions associées à une faible volatilité font du marché boursier américain un investissement relativement sûr, surtout dans le contexte d'incertitudes politiques en Europe et de questionnements au sujet de la croissance en Chine.

Les sept poids lourds du S&P 500 font bouger les indices de manière significative, mais évoluent de manière désynchronisée par rapport au reste du marché américain.

Cela dit, la performance de l’indice cache d’autres dynamiques. Les sept poids lourds du S&P 500 font bouger les indices de manière significative, mais évoluent de manière désynchronisée par rapport au reste du marché américain. Nvidia, désormais valorisé à 3 billions de dollars, a progressé d'environ 150% cette année, alors que 40% des actions incluses dans le S&P 500 sont en baisse depuis le début de l'année. L'indice S&P 500 pondéré par la capitalisation boursière surperforme nettement la version équipondérée de l’indice. En résumé, Nvidia tire l'indice, mais pas l’ensemble de ses constituants.

Une dispersion des performances malsaine?

Le trade de dispersion exprime une opinion sur l’évolution de la corrélation entre titres. La corrélation implicite calculée par le Chicago Board Options Exchange (CBOE) entre les 50 plus grandes actions du S&P 500 a chuté à des niveaux sans précédent. On peut considérer que la faible variabilité de l’indice reflète le nombre restreint de thématiques d'investissement en dehors de l'intelligence artificielle et des médicaments anti-obésité. Le reste du marché semble évoluer indépendamment des méga-capitalisations qui mènent la cote.

Ce trade de dispersion est généralement mis en œuvre en s’exposant à une volatilité plus élevée de quelques actions au travers d’un portefeuille d'options, par exemple en achetant des call spreads sur les actions des «7 Magnifiques» et en vendant de la volatilité sur un indice large, par exemple en vendant des call spreads sur le S&P 500. Cette stratégie de gestion des risques s’observe fréquemment sur les marchés financiers car elle s’intéresse aux risques extrêmes sur les actions individuelles. Il est difficile d'évaluer l’ampleur de ces positions, mais le niveau de corrélation est un indicateur important.

En utilisant les prix de dérivés sur actions individuelles et indices, le CBOE calcule la corrélation implicite à plusieurs horizons. La faible corrélation implicite à un mois a maintenu l’indice VIX à ses niveaux les plus faibles depuis 2017, dans un autre contexte monétaire où la Fed maintenait encore des conditions de liquidités abondantes à des taux d'intérêt proches de zéro.

Le souvenir du Krach «Volmaggedon» de janvier 2018 fait encore frissonner les traders.

La performance exceptionnelle des sept poids lourds de la cote stimulés par l'IA a créé de la dispersion dans un contexte haussier. Si ces mega-caps commencent à décevoir en termes de bénéfices, le sentiment des investisseurs pourrait se détériorer et ces intervenants pourraient se détourner des actions. Dans cette hypothèse, s’ensuivrait une hausse de la volatilité implicite et réalisée de l'indice, à mesure que les corrélations des prix des actions se normalisent.

A ce stade, les stratégies systématiques de vente de volatilité continuent de générer des performances très élevées grâce à la pente de la structure par terme de la volatilité implicite à la monnaie.

Le souvenir du Krach «Volmaggedon» de janvier 2018 fait encore frissonner les traders. Lorsque cette bulle spectaculaire avait éclaté, environ 1 billion de dollars de produits structurés de volatilité auraient été anéantis. Il est donc important de surveiller l’ampleur des investissements exposés à la baisse de la volatilité. Un débouclement panique de ces stratégies vendeuses de volatilité amplifierait la hausse de la volatilité induite par la normalisation de la corrélation des grandes actions avec le reste du marché.

Le déclencheur d'un tel événement de volatilité pourrait être les élections présidentielles de novembre aux États-Unis ou une erreur de politique monétaire de la Fed. La demande de couverture des risques extrêmes constituerait alors un signal avant-coureur de stress financier. Une pression grandissante des appels de marge se traduirait probablement par une asymétrie à la baisse plus prononcée de la volatilité implicite (c'est-à-dire un «skew» plus élevé). L'indice SKEW du CBOE mesure le risque extrême perçu dans la distribution des rendements des investissements du S&P 500 sur un horizon de 30 jours. Un indice SKEW de 100 signifie que la distribution perçue des rendements du S&P 500 est normale et que la probabilité d'un rendement atypique est faible.

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