Réaction excessive à l’exposition russe des banques

Mark Holman, TwentyFour Asset Management

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Alors que les investisseurs sont invités à se repositionner, la détention de dette bancaire subordonnée pourrait en valoir la peine.

©Keystone

Les actions des banques européennes comptent parmi les classes d’actifs les plus durement touchées depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les craintes de subir des pertes et la fuite vers la qualité ayant incité les investisseurs à se repositionner.  Cette réaction est exactement celle que l’on pouvait attendre dans le contexte actuel: de manière générale, les banques ont toujours été perçues comme des positions risquées à bêta élevé, et les investisseurs estiment qu’une stratégie consistant à «vendre maintenant et poser des questions plus tard» sera payante à court terme alors que le sentiment d’aversion au risque envahit le marché.   

L’aversion au risque offre une opportunité

Sur les marchés obligataires, la dette bancaire subordonnée figure également parmi les secteurs les plus affectés avec une perte de 7,31% depuis le début de l’année pour l’indice ICE BofA Contingent Capital (Coco), ce qui correspond à un élargissement du spread de 151 pb. De fait, le rendement dans ce secteur s’est envolé à 5,69% mardi alors qu’il s’inscrivait à tout juste 3,02% en septembre dernier. Même la dette spéculative moins bien notée a surperformé les obligations bancaires subordonnées, avec des rendements de -3,95% dans le secteur du haut rendement US et de -5,15% dans le haut rendement européen depuis le début de l’année.

Les expositions au crédit russe et lié à la Russie ne sont pas près de submerger le système bancaire européen.

Si cette aversion naturelle au risque est logique sur le marché actuel, nous pensons qu’elle n’est pas soutenue par les fondamentaux et qu’une opportunité devrait finalement en découler pour les investisseurs. A notre avis, les expositions au crédit russe et lié à la Russie ne sont pas près de submerger le système bancaire européen. La dynamique actuelle nous rappelle d’ailleurs la période entre fin 2015 et début 2016: les craintes de pertes liées à la chute des prix des matières premières avaient déclenché une correction similaire de la dette bancaire, laquelle était alors considérée comme le prochain catalyseur d’une nouvelle crise financière. Nous savons aujourd’hui que cela n’a pas été le cas; les banques ont très rapidement adapté leurs expositions au secteur et une reprise vigoureuse a succédé à la correction.

Une exposition bien capitalisée

Les expositions au crédit russe et lié à la Russie des banques européennes sont extrêmement faibles – elles sont estimées à moins de 1% du total des expositions dans l’ensemble du secteur. Notons également que les pondérations de risque que les banques doivent appliquer aux actifs russes sont élevées, ce qui signifie que ces expositions sont également bien capitalisées. Société Générale en France et UniCredit en Italie font beaucoup parler d’elles par leurs expositions importantes, mais celles-ci nous semblent tout à fait gérables dans le contexte de leurs niveaux de capitalisation très élevés.

Les investisseurs qui cherchent à étoffer leurs positions bénéficieront probablement de paiements de coupon accrus et de gains en capital à moyen terme.

Selon Bloomberg Intelligence, un amortissement total de l’exposition russe chez SocGen et UniCredit n’entraînerait qu’une chute de 30 pb dans le ratio de fonds propres de base de catégorie 1 (CET1) de chaque banque. Si l’on jette un œil à certaines obligations en circulation, l’AT1 à quatre ans de SocGen en dollars se négociait à un taux de près de 8% mardi matin, et l’AT1 à 5 ans d’UniCredit en euros était également proche de 9% (ce qui se rapprocherait de 10,5% en dollars): à notre avis, ces niveaux ne reflètent vraiment pas le risque de crédit réel que comporte l’exposition à deux des principales banques européennes. Nous pouvons comprendre que les expositions élevées de ces banques à la Russie puissent avoir un impact sur leurs bénéfices, mais une amputation réelle de leur capital nous semble improbable, y compris dans un scénario où le PIB européen souffrirait des sanctions imposées.

La patience pourrait porter ses fruits

Il est très difficile de faire des prédictions lorsque les événements géopolitiques dominent l’actualité, et encore plus ardu de savoir quand le creux de la vague sera atteint sur les marchés face à une situation aussi changeante, mais nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de paniquer en ce qui concerne la détention de dette bancaire subordonnée. Au contraire, les investisseurs devraient à notre avis être récompensés de leur patience et ceux qui cherchent à étoffer leurs positions bénéficieront probablement de paiements de coupon accrus et de gains en capital à moyen terme.

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