Quand les bonnes nouvelles deviennent mauvaises

Florian Marini, Bruellan

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Notre scénario de pressions inflationnistes allant diminuant se réalise, ce qui devrait conduire à un changement de ton des banques centrales et à des baisses des taux d'intérêt.

En 2023, l'inflation – et son impact sur les taux d'intérêt – est la variable déterminante à surveiller. Le souci étant que des nouvelles économiques positives pourraient ne pas être considérées comme telles, si elles impliquent que l'inflation ne faiblit pas et que les banques centrales devront maintenir les taux d'intérêt à un niveau durablement plus élevé. Heureusement, les risques importants que constituaient la crise énergétique en Europe, les confinements en Chine et la spirale inflationniste sont désormais écartés. Le conflit en cours entre la Russie et l'Occident demeure quant à lui une préoccupation majeure, qui risque malheureusement de perdurer des années durant.

Après un fort ralentissement en 2022, la Chine devrait enregistrer un solide rebond cette année sur fond de réouverture post-Covid. Depuis janvier, les estimations de croissance de son PIB pour 2023 ont déjà été revues à la hausse, de 4,8% à 5,3%. Contrairement à de nombreuses autres grandes économies, la Chine est parvenue à maîtriser son taux d'inflation, laissant à ses dirigeants une plus grande marge de manœuvre en matière de relance budgétaire et monétaire, des mesures qui ont dopé les dépenses de consommation et les investissements. Dans l'ensemble, l'économie chinoise restera probablement un moteur essentiel de la croissance mondiale cette année.

Une économie mondiale qui donne en effet des signes encourageants de reprise. En octobre 2022, seuls 24% des pays affichaient des indices PMI manufacturiers en territoire expansionniste. Fin février, ce ratio était passé à 45%. Le secteur des services, dont la contribution à l'économie s’est avérée cruciale dans la phase d’après-pandémie, a connu une légère décélération l'an dernier mais rebondit fortement depuis début 2023, 88% des pays faisant désormais état d’un PMI des services en territoire expansionniste. Partant, après cinq mois de contraction, les indices PMI mondiaux, le manufacturier comme celui des services, sont de nouveau en territoire expansionniste, réduisant le risque de récession mondiale en 2023.

Dans l'ensemble, nous nous attendons donc à que l'inflation continue à diminuer tout au long de l'année.

Les pressions inflationnistes ont atteint un pic en juin 2022 et, malgré quelques facteurs atténuants, leur décélération nous semble appelée à se poursuive. La crise énergétique en Europe s'est quelque peu atténuée, avec un approvisionnement constant en gaz naturel liquéfié (GNL), entraînant un recul significatif des prix du gaz. En outre, la baisse de prix du pétrole brut a contribué à faire descendre le prix de l'essence. Nous prévoyons une offre plus importante de céréales en 2023, ce qui devrait amener à un repli de l'inflation des denrées alimentaires au cours des prochains mois. L'inflation des services, principalement imputable à l'inflation des logements et aux salaires, continue certes d'augmenter, mais nous anticipons un renversement de cette tendance. Le récent pic de l'inflation des nouveaux loyers devrait entraîner une baisse de l'inflation des logements.

Le marché de l’emploi demeure tendu, bien que nous puissions observer certains signes précurseurs de ralentissement, tels qu'une remontée du taux de chômage et une baisse de la semaine de travail. La croissance des salaires devrait par ailleurs fléchir, à mesure que les entreprises subissent une pression sur leurs marges et voient leur croissance bénéficiaire s’affaiblir en 2023. Historiquement, lorsque la croissance bénéficiaire diminue, le chômage a tendance à augmenter, ce qui réduit la pression salariale. Dans l'ensemble, nous nous attendons donc à que l'inflation continue à diminuer tout au long de l'année.

L'inflation tendant à s’atténuer, il est probable que la Réserve fédérale (Fed) adopte un ton plus accommodant. La Banque centrale européenne (BCE), qui a été relativement lente à répondre aux pressions inflationnistes sur le vieux continent, devrait suivre mais avec quelques mois de retard. En revanche, les banques centrales des marchés émergents, comme la Banque populaire de Chine (PBoC), ne sont pas confrontées à des pressions inflationnistes prononcées et pourraient prendre des mesures pour stimuler leurs économies.

S’agissant des récentes faillites bancaires, notre analyse est la suivante: bien que le cycle de resserrement monétaire puisse maintenir les banques sous pression, la situation actuelle n’est pas comparable à celle de 2008. Tout d'abord, il est important de noter que l’enjeu aujourd’hui n'est pas lié à l’endettement et aux investissements risqués comme en 2008. Dans le cas présent, le problème réside dans les retraits de dépôts par des clients, contraignant les banques à vendre à perte leurs obligations de haute qualité avant échéance – et transformant un manque de liquidités en un problème de solvabilité. Deuxièmement, force est de reconnaître que les régulateurs et la Réserve fédérale ont pris des mesures rapides pour adresser le problème de liquidité et rétablir la confiance dans le système financier. Troisièmement, depuis la crise financière mondiale, de nouvelles réglementations ont été imposées pour renforcer la capitalisation des banques, réduire l’endettement et accroître la transparence des transactions financières. Le ratio des fonds propres et des réserves publiées par rapport au total des actifs pondérés en fonction des risques (ratio Tier one) des banques européennes est ainsi passé de 8% en 2008 à 16,8% aujourd’hui.

La croissance bénéficiaire des entreprises devrait pour sa part, après le bon cru de 2022, subir une certaine pression cette année, du fait de l'érosion des marges. Les attentes bénéficiaires ont déjà reculé de 5% depuis le pic atteint au quatrième trimestre 2022 et les révisions à la baisse sont appelées à se poursuivre. Il s’ensuit que les valorisations, à partir de leurs niveaux actuels plus attractifs, devraient se tendre – sous l’effet conjugué de la hausse des cours boursiers et de la faible croissance bénéficiaire.

En conclusion, la plupart des économies se remettent de leur ralentissement de 2022 et se renforcent. Notre scénario de pressions inflationnistes allant diminuant se réalise, ce qui devrait conduire à un changement de ton des banques centrales et à des baisses des taux d'intérêt (d’autant plus vu le récent stress dans le système bancaire). Les actifs risqués comme les actions devraient donc rester intéressants cette année. A plus long terme (2024-2025), cependant, une deuxième vague d'inflation et de resserrement des banques centrales pourrait se produire. De fait, quand bien même la première vague d'inflation a peut-être atteint son apogée, le choc de la pandémie de 2020 est susceptible d’engendrer des répercussions pendant plusieurs années avant que le système ne se stabilise complètement, ce qui expose les banques centrales à un risque d'erreurs.

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