Y a-t-il un scénario haussier pour les actions américaines?

Antti Tilkanen, Bruellan

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Si le risque de récession est réel, le scénario le plus négatif – et en vogue aujourd’hui – conjuguant récession et inflation, semble très improbable.

L'inflation a atteint son pic aux États-Unis, et demeure pourtant le principal sujet d’attention. L'indice PCE de base tend à se replier, plusieurs facteurs importants atténuant les pressions haussières sur les prix. La Fed continuera néanmoins à resserrer sa politique monétaire jusqu'à ce que l'inflation soit en bonne voie de revenir au niveau cible. Les problèmes dans les chaînes d'approvisionnement induits par la pandémie se résorbent, bien que lentement, et l’augmentation des stocks commence à freiner les prix à la production et à la consommation (soutenu par les tendances sur les matières premières ainsi que la vigueur du dollar). Des reculs significatifs des prix des voitures d'occasion, des logements et des semi-conducteurs, pour ne citer que quelques exemples, vont se matérialiser. Le rythme auquel les indices d'inflation faiblissent est toutefois ralenti par certaines composantes peu réactives et décalées dans le temps, en particulier le coût du logement que la longue période de relance monétaire a tant dopé.

Dans le même temps, les perspectives sur le front de la demande sont bonnes. Les ménages constituent la variable la plus importante de l'équation économique américaine, et affichent une belle santé – bien que voyant leur pouvoir d'achat érodé par l'inflation. Durant la pandémie, ils ont accumulé USD 2’500 milliards de dollars d'épargne excédentaire, et cette épargne s'est avérée un important coussin récemment: malgré la baisse du revenu réel, les dépenses réelles ont continué à progresser. L'effondrement soudain du moral des consommateurs a provoqué un malaise pendant l'été, mais ne s'est pas traduit dans les faits par une baisse des dépenses. Le faible niveau d'endettement des ménages par rapport à leur revenu, ainsi que les bas taux de défaillance, renforcent la confiance dans la stabilité des consommateurs face à un resserrement monétaire important; les finances des ménages sont loin d'être tendues.

Le marché de l’emploi reste également très porteur du point de vue des ménages. Les offres d'emploi se sont stabilisées à un niveau élevé, les effectifs salariés augmentent et le taux de participation continue de progresser (quoique toujours inférieur aux niveaux d'avant Covid). La croissance annuelle régulière de 5% des salaires est toutefois le principal moteur fondamental de l'inflation du point de vue de la Fed, ce qui signifie qu'elle devra tôt ou tard baisser.

Allègement des pressions sur les prix d'une part et solidité des finances des ménages d'autre part: où cela mènera-t-il ? Tout d'abord, sur le plan monétaire et de l'économie réelle, le coût unitaire de la main-d'œuvre est un indicateur important de la manière dont l'inflation est intégrée dans les salaires et finit par alimenter les attentes d'inflation des consommateurs. Sa tendance actuelle à croître rapidement, du fait d’un marché de l’emploi tendu, est donc la principale raison de ne pas prévoir un assouplissement de la Fed dans un avenir proche. Quand bien même les tensions sur le front de l'offre s'atténuent, l'économie américaine pourrait nécessiter des taux durablement plus élevés. En d'autres termes, le taux d'intérêt neutre (r*) pourrait être sur le point de revenir dans la zone des 1% et plus, oubliée depuis 2008. Cela irait quelque peu à l'encontre des anticipations actuelles du marché, lequel voit les taux commencer à redescendre bientôt – même si ce «bientôt» a récemment eu tendance à être repoussé dans le temps. Néanmoins, comme la demande sous-jacente a de bonnes chances de rester solide malgré le resserrement monétaire, il y a aussi de bonnes chances que les États-Unis connaissent un «atterrissage en douceur» semblable à celui de 1994-1995. L’exercice d'équilibriste sera bien sûr délicat, avec du bruit vraisemblablement causé par l'élimination des stocks excédentaires. Et si le risque de récession est réel, le scénario le plus négatif – et en vogue aujourd’hui – conjuguant récession et inflation, semble très improbable.

Deuxièmement, du point de vue du marché actions, le fait que les distorsions de prix liées à l'offre se dissipent pèsera sur la rentabilité des entreprises, le taux neutre plus élevé poussant également à la baisse les multiples de valorisation. Les perspectives boursières à court terme sont donc peu brillantes: le scénario «positif» consisterait en une compression des marges et un taux d'actualisation plus élevé, tandis que le scénario négatif est celui d'une récession, ce qui impliquerait bien entendu une pression plus forte sur les revenus et la rentabilité des entreprises.

When nothing looks good in the short term, it is time for the patient investor to start stepping in.

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