Prorogations d’AT 1: de réelles opportunités à moyen terme

Gary Kirk, TwentyFour AM

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Les obligations de dette bancaire dites Additional Tier 1 se négocient à des cours nettement inférieurs à leur valeur nominale.

Les commentaires ont été abondants ces derniers temps à propos des ventes massives ayant entraîné une augmentation des spreads sans précédent sur les marchés du crédit. Parmi les exemples les plus frappants, les obligations de dette bancaire dites AT1 (Additional Tier 1), se négocient à des cours nettement inférieurs de leur valeur nominale, bien que leur option d'achat ait été exercée et qu'elles soient remboursées au pair (ce qui représente pour l’investisseur de l'«argent gratuit»). Certaines AT1, ont également, quelques mois après leur date d'exercice de leur option d’achat, été négociées nettement au-dessous du pair.

La crise de liquidité actuelle a créé un contexte dans lequel les options de refinancement sont limitées, aussi il peut être économiquement plus intéressant pour ces emprunteurs bancaires d'accorder une prorogation. De nombreux commentateurs associent automatiquement un éventuel non-remboursement comme étant un signe de faiblesse des banques. Cependant, dans certains cas, il peut s'agir plutôt d'une décision technique à court terme et d'un signe de gestion prudente; ce qui constitue une opportunité pour les investisseurs.  

La prorogation de l’obligation AT1 d’Aareal Bank
est suivie avec intérêt par les investisseurs.

Aareal Bank, spécialiste allemand du prêt dans le secteur immobilier, a annoncé en début de semaine la prorogation de son obligation AT1 au-delà de la date d’échéance de l’option d’achat d'avril. Suivie avec intérêt par les investisseurs, Aareal discute depuis un certain temps pour savoir si cette obligation sera ou non prorogée d'un an. Aareal a une équipe de direction prudente et expérimentée qui fait preuve d'une grande transparence et d'une bonne gouvernance. L'institution est fortement capitalisée avec un ratio CET1 de 17,1% (au 30 septembre 2019) et un ratio de fond propre rapporté au bilan de 26,7%, ce qui permettrait à la banque de techniquement rembourser son obligation AT1 sans refinancement. Toutefois, au cours du mois dernier, des incohérences réglementaires posent la question de savoir s’il serait dans l'intérêt d'Aareal (et de ses investisseurs) de retarder le remboursement. Le fait de disposer d'une option d'achat annuelle, plutôt que tous les cinq ans, offre à Aareal la possibilité de réexaminer la question une fois dès que la situation clarifiée.  

L'incertitude juridique qui crée cette complication pour les petits emprunteurs bancaires est une difficulté technique peu signalée au regard du processus interne d'évaluation et d'adéquation des fonds propres (ICAAP). L'ICAAP fournit les règles aux modèles internes que les banques doivent utiliser pour évaluer les risques économiques auxquels elles sont confrontées. La récente volatilité a accru l'importance de cette exigence. 

Les banques ne savent pas si le «grandfathering»
ou droits acquis de l'ancien AT1 seront toujours autorisés.

Auparavant, les banques pouvaient utiliser leur dette AT1 en cours pour satisfaire aux exigences de l'ICAAP, mais la nouvelle interprétation de la Banque centrale européenne semble aujourd’hui interdire. La BCE n’ayant pas émis de réglementation pour clarifier ce point, les banques ne savent pas si le «grandfathering» ou droits acquis de l'ancien AT1 (qui comptait pour les besoins de l'ICAAP) seront toujours autorisés. Toutefois, il est juste de supposer qu'un certain degré de bon sens et de flexibilité sera accordé, au moins jusqu'à ce que l'incertitude découlant du COVID-19 soit levée. C'est pourquoi il peut être prudent pour les petites banques de maintenir les AT1 existants afin de couvrir leurs obligations au titre de l'ICAAP jusqu'à ce que la volatilité du marché diminue et que la BCE clarifie enfin sa position.
 
Il est clair que si une banque proroge un AT1 au-delà de son remboursement, alors, le sentiment actuel du marché penchera du côté de la prudence et le prix du marché qui s'ensuivra s'affaiblira immédiatement (en supposant un prix à perpétuité). Mais peut-être les investisseurs devraient-ils examiner chaque cas indépendamment et prendre en considération la justification et l'opportunité potentielle de cette prorogation. Dans le cas de la banque Aareal, la décision de la direction est compréhensible ; si le marché panique et commence à offrir des obligations AT1 prorogées avec une forte décote, les investisseurs pourraient alors considérer cela comme une réelle opportunité à moyen terme.

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